Art académique

L'art académique, aussi nommé péjorativement « art pompier »[1], est un courant artistique du milieu du XIXe siècle. L'académisme est caractérisé par un goût pour les thèmes historiques et pour l'orientalisme. En sculpture, il se caractérise par une tendance à la monumentalité, représentée entre autres par les sculpteurs Auguste Bartholdi et Emmanuel Frémiet. Parmi les artistes représentatifs, figurent les peintres français, Alexandre Cabanel, Ernest Meissonier, Fernand Cormon, William Bouguereau, Jean-Léon Gérôme et Marius Roy.

Historique

Jean-Jacques Scherrer, Jeanne d'Arc, victorieuse des Anglais, rentre à Orléans et est acclamée par la population (1887), musée des beaux-arts d'Orléans.

L'Académie royale de peinture et de sculpture fut créée en 1648, à l'initiative de Charles Le Brun qui pour échapper à la tutelle de la corporation se plaça sous la protection du roi Louis XIV. L'Académie prône une méthode radicalement nouvelle d'enseignement des Beaux-Arts. À l'apprentissage informel auprès d'un patron et la transmission le plus souvent héréditaire de l'appartenance à la corporation, elle oppose un enseignement théorique et pratique formalisé et un système de concours. Sa doctrine assimile peinture et sculpture aux arts libéraux et érige les œuvres de l'antiquité gréco-romaine en modèle. Sa puissance vient de son monopole des commandes royales.

L'Académie se compose de deux sections : l'Académie de peinture et de sculpture, et l'Académie d'architecture. L'anatomie, la géométrie, la perspective et l'étude d'après le modèle vivant constituaient les bases de l'enseignement préparatoire à la peinture et à la sculpture.

Principes de l'enseignement académique

Les principes de l’art académique font partie de l’enseignement artistique au XIXe siècle, souvent vu comme un « centre de gravité ». Ces principes, primordiaux dans l'enseignement académique, sont des règles de rigueur très importantes qui sont transmises, avec une valeur de tradition marquée dans l’Académie pour mettre en valeur la dimension d'excellence dans le domaine artistique. Les grands principes idéaux de cette académie sont :

  • La hiérarchie des genres : distingués depuis le XVIIe siècle, les genres dans le domaine de la peinture suivent un ordre précis. Ils sont classés par ordre de noblesse. Les plus prestigieux sont les éléments traitant de la religion, de l’histoire et de la mythologie, souvent porteur d’un message moral. Puis, ils y a les scènes de la vie quotidienne, et enfin les portraits et les paysages, qui sont les genres les moins nobles. En plus de cette hiérarchie, on compte aussi la dimension de la toile : plus le sujet est noble, donc important, plus l’œuvre avec ce sujet est grande.
  • L'approfondissement de l'étude du nu : cette étude n’a pas que pour but de faire de simples copies par l’enseignement des sculptures antiques et des modèles humains. Cet exercice vise à glorifier la beauté du corps humain, d’idéaliser les courbes propres au corps humain. Cet approfondissement est un héritage du XIVe siècle avec la Renaissance et l’Humanisme, qui sont des périodes de l’art et de la littérature qui mettaient l’Homme au centre de tout, au-dessus de toute chose.
  • L'affirmation de la supériorité du dessin sur la couleur : ici, l’artiste est créateur de la forme, considérant que le principe de « ligne » n’existe pas dans la nature. L'artiste est aussi créateur de la profondeur et du relief dans l’art du tableau classique. Malgré l’omniprésence de la couleur, dans ce principe, celle-ci arrive bien après en termes de hiérarchie. Ce principe respecte les idéaux de l’Académie : s’il n’y a pas de dessin, la peinture ne peut exister.
  • Lieux de création : le travail est privilégié en atelier plutôt qu’en plein air. Dans la configuration d’atelier en plein air, seules les esquisses et les ébauches sont tolérables.
  • Imiter les anciens et la nature : à cette époque, la nature a une place primordiale. Elle est exemple de beauté, pour toutes les choses qui la composent. Ici, le principe d'imitation de la nature traduisait l’art du « Beau », ce qui est démontré avec les œuvres antiques qui sont source d'exemplarité. En respectant les règles diffusées à travers ces œuvres, les antiques ne pouvaient que produire du « Beau » dans leurs œuvres.
  • Achever ses œuvres : l’œuvre doit donner l’impression d’être finie, que les traces de pinceaux soient estompées pour garder l’aspect doux et lisse du modèle.

Ces règles et principes ne concernent pas seulement l’École des Beaux Arts et ses enseignements. Ces règles et principes concernent ce qui est appelé le Salon. Le Salon est défini par les termes : « exposition périodiques d’artistes vivants ». Le premier fut créé en 1667 par Colbert mais son nom prend sens en 1848 car ce dernier se déroule dans le Salon Carré du Louvre. Cet évènement était primordial dans la vie artistique du XIXe siècle car c’était le seul lieu où les artistes pour faire une démonstration de leurs œuvres, considérant que ce type d’événement était rare et très important pour gagner en reconnaissance.

Ces salons sont difficiles d’accès pour certains artistes car ces derniers étaient soumis à des jurys composés des membres de l’académie. Ces derniers étaient sévères, ce qui laissait très peu de chance aux artistes de montrer leur talent. Cela provoqua l’apparition, à la fin du XIXe siècle, des « salons parallèles », comme le Salon du Champ-de-Mars en 1890, pour une meilleure diffusion des artistes mais aussi d’autres genres, comme l’impressionnisme, ce qui donnera lieu à l’ouverture de galeries d’art privés telles que nous les connaissons de nos jours.

En parallèle de ces principes de l'art académique naît la critique d’art, initiée en parallèle du Salon, vers 1750. La presse met en lumière la critique d’art avec des comptes-rendus sur ce Salon et ses œuvres. Avec la diffusion importante d’artistes grâce à ces salons, le public se retrouvait perdu face à cette forte apparition d’artistes et de leurs œuvres ; c’est avec les comptes-rendus qu’il s’informait de ces éléments là, c’est avec cette abondance d’artistes que le jugement propre du public est brouillé ; le critique jouera donc un rôle de médiateur entre le public et les artistes.

C’est ainsi que les périodiques artistiques se multiplient au fur et à mesure des Salons, avec des articles sur les œuvres et les expositions par des journalistes occasionnels dans un premier temps, puis de plus en plus se spécialisent dans ce domaine. Enfin, même si ces comptes-rendus ne font que la description de l’oeuvre en elle-même, l’avis et la critique prennent le pas pour permettre au public de se créer un avis sur les artistes et les oeuvres, ce qui est parfois trop politique de la part de certains journalistes qui donnent le ton sur ces oeuvres, ces artistes ou simple par la prise de position politique du journal, crée le résultat de polémiques au fur et à mesure.

Ces principes se sont progressivement figés avec le temps[2] et ont fini par constituer aux yeux de certains artistes et critiques de la fin du XIXe siècle un carcan contre lequel ils se sont insurgés peu à peu. L'académie pourvoyait donc à la formation technique (apprentissage du dessin, de l'anatomie, de la couleur…) et culturelle (familiarisation avec les sujets de l'antiquité, les grands auteurs…) des jeunes artistes. Les candidats à l'entrée à l'École des Beaux-Arts (créée en 1817 - les femmes n'y sont admises qu'en 1897), sous la tutelle de l'Académie des Beaux-Arts (créée l'année précédente)[3] doivent passer un concours d'admission consistant en l'exécution d'une figure nue dessinée d'après le modèle vivant.

Le contrôle de l'Académie

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, se cristallise une opposition qui va profondément marquer toute l'histoire de l'art du XXe siècle : celle de l'académisme et de la « modernité », terme lancé par Charles Baudelaire. Les avant-gardes n'ont pu s'imposer qu'en bousculant l'art officiel. Les peintres académiques régnaient sur l'Académie des beaux-arts, à l'Institut, au Salon, longtemps lieu de passage obligé pour exposer, se faire connaître et obtenir des commandes de l'État. « Contrôlez l'instruction, vous contrôlerez le style », disait le peintre académique Jean-Léon Gérôme[réf. souhaitée]. L'Antiquité est le sujet de référence absolu ; le dessin et la copie d'œuvres sont les deux moyens privilégiés d'accéder à cet enseignement[3].

Le cursus des étudiants des Beaux-Arts comprend de nombreuses épreuves, dont la plus importante est le concours du prix de Rome, permettant aux lauréats de faire un séjour à l'Académie de France à Rome. Les sujets du concours sont tirés de l'histoire ancienne, des récits de la Bible ou de ceux de la mythologie. Une fois à Rome, les récipiendaires continuent à être contrôlés par l'Académie, en devant lui envoyer plusieurs œuvres tout en étudiant les œuvres de l'Antiquité comme de la Renaissance. Après leur séjour à Rome, les artistes doivent continuer à adresser des œuvres à l'Académie pour être admis au Salon de peinture et de sculpture annuel, tout en travaillant pour de riches mécènes, voire pour l’État[3].

Défaite et évolution de l'académisme

Alexandre Cabanel, un des principaux peintres académiques français vers 1865.
William Bouguereau, La Naissance de Vénus (1879), Paris, musée d'Orsay.

Ce contrôle total de l'Académie, dont le jury rejette toute œuvre non conforme aux canons, ne permet pas aux artistes d'explorer d'autres sujets, techniques ou simplement d'innover dans leur démarche créatrice. Aussi l'académisme est fortement critiqué pour son conservatisme. En 1846, de nombreuses œuvres de Gustave Courbet, peintre réaliste, sont refusées par le Salon. Si le jury du Salon est supprimé par la révolution de 1848, le président Louis-Napoléon Bonaparte le fait rétablir après son élection. En 1855, Courbet inaugure, en marge de l'exposition universelle et du Salon de 1855, le Pavillon du réalisme, pour y regrouper ses toiles. En 1859, d'autres peintres réalistes refusés par le jury (comme Fantin-Latour, Legros et Ribot[4]) sont à l'honneur dans une exposition chez un particulier, le peintre François Bonvin.

En 1863, le conflit s'étend au mouvement impressionniste[3] : le jury, sur les 5 000 œuvres proposées, en rejette les 3/5. Devant les critiques, l'ancien président et nouvel empereur Napoléon III accepte de créer le Salon des refusés, qui se déroule au Palais de l'Industrie. Ce Salon des refusés ne dure pas, mais il consacre la rupture franche entre les peintres académistes et les autres. En 1868, grâce au soutien du membre du jury Charles-François Daubigny, les impressionnistes sont acceptés au Salon. D'autres Salons des refusés sont ouverts en 1873 puis 1875 ; en 1881, le Salon de peinture et de sculpture est réformé, et devient le Salon des artistes français, regroupant tous les courants.

L'année 1897 entérine la défaite de l'Académisme. Edouard Manet, Edgar Degas, Camille Pissarro, Claude Monet, Auguste Renoir, Sisley et Paul Cézanne font leur entrée dans une institution officielle, le Musée du Luxembourg, réservé aux commandes de l'État. Le legs Gustave Caillebotte, mécène des impressionnistes, collectionneur et peintre lui-même, est accepté après trois années de combats acharnés (seuls les tableaux de Degas sont d'abord admis). C'est le Conseil d'État qui a tranché, arguant que ces œuvres faisaient de fait partie de l'histoire de la peinture française. En réalité, on a coupé la poire en deux : sur 67 toiles, 29 furent rejetées, Gérôme ayant menacé de démissionner de sa chaire de professeur des Beaux-Arts, qualifiant ces toiles d'« ordures », et voyant dans leur entrée au Luxembourg le signe de « la fin de la nation ».

Les courants avant-gardistes se multipliaient. L'Académie et l'École des beaux-arts elles-mêmes devinrent plus éclectiques, note Claire Barbillon[Où ?]. Après avoir été rejeté sous le Second Empire, sauf sous certaines formes édulcorées, « le naturalisme fut adopté par les peintres les plus officiels de la troisième République », écrit-elle. Quant au symbolisme, il réunit « des artistes formellement assez traditionnels », comme Gustave Moreau, et des peintres radicalement novateurs comme Gauguin ou Odilon Redon.

L'ouverture du musée d'Orsay en 1986 sera l'occasion de vives polémiques en France. Beaucoup y verront une réhabilitation des « pompiers », voire du « révisionnisme ». André Chastel considérait cependant dès 1973 qu'il n'y avait « que des avantages à substituer à un jugement global de réprobation, héritage des vieilles batailles, une curiosité tranquille et objective. »

Fortune d'un terme péjoratif

Casque de pompier (1825-1850).

L'application du mot « pompier » à l'art académique[5], apparue à la fin du XIXe siècle (1888 d'après le Robert) pour le tourner en dérision, est sans doute une allusion aux casques brillants de certains personnages des grandes compositions (notamment David[3]), qui rappelaient ceux des pompiers de l'époque[6]. Cette explication prendrait sa source d'une comédie en un acte de MM. Varner et Duvert, La Sœur de Jocrisse, donnée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le dans laquelle un personnage du nom de Jocrisse, domestique, regarde l'estampe Le Passage des Thermopyles et déclare : « Ah ! c'te bêtise ! ils se battent tout nus !… Ah ! non ; ils ont des casques… c'est peut-être des pompiers qui se couchent… ». Ce Passage des Thermopyles était peut-être le tableau de David, Léonidas aux Thermopyles. Ce serait donc les successeurs de David qui ont été qualifiés de pompiers[7].

Une autre explication propose l'hypothèse d'une dérision du mot « Pompéien » (de Pompéi), allusion à un mouvement pompéiste fondé en 1840 par Jean-Léon Gérôme[8]. Enfin, ce mot évoque la pompe, le pompeux[8]. Suivant les critiques de l'art officiel, celui-ci est dénigré pour sa technique, ses couleurs, ses sujets, ou simplement ses principes[3].

Principaux peintres académiques

Choix de peintures

Bibliographie

  • Aleksa Celebonovic, Peinture kitsch ou réalisme bourgeois : l'art pompier dans le monde, Paris, Seghers, 1974.
  • Nadine Chaptal et James Harding, Les Peintres pompiers : la peinture académique en France de 1830 à 1880, Paris, Flammarion, 1980.
  • (it) Pierpaolo Luderin, L'art pompier : immagini, significati, presenze dell'altro Ottocento francese, Florence, Leo S. Olschki, 1997.
  • Guillaume Morel, L'art pompier. Les feux de l'académisme, Paris, Place des Victoires, 2016.
  • Louis-Marie Lecharny, L'Art pompier, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1998.
  • Louis-Marie Lecharny, Modernité et avant-gardisme de l'art académique, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.
  • Pilar Sáez Lacave, L'art pompier, Paris, Courtes et longues, 2010.
  • Jacques Thuillier, Peut-on parler d'une peinture « pompier » ?, Paris, Presses universitaires de France, 1984.

Notes et références

  1. « Ravissement, oui, mais… », L'Art est la matière, par Jean de Loisy, France-Culture, 13 mai 2018, entretien avec Jérôme Delaplanche, à 36 min 16 s : « Il faut éviter ce terme de "pompier" qui est péjoratif, et je crois que l'une des gloires de l'histoire de l'art, c'est de se passer des termes péjoratifs. »
  2. Ludovic Vitet, L'Académie royale de peinture et de sculpture : étude historique, Paris, Michel Levy Frères, (lire en ligne).
  3. Charlotte Denoël, « L'art pompier, un art officiel », L'Histoire par l'image, (lire en ligne)
  4. Gérard Denizeau, « Création du Salon « des Refusés », sur France Archives, site d'autorité.
  5. Voir l’article “Commentaire à Peut-on parler d’une peinture pompier?”, de Jacques Thuillier, à http://www.dezenovevinte.net/ha/pompier_mgj_fr.htm.
  6. Louis-Marie Descharny, L'Art pompier, 1998, p. 12.
  7. Pascal Bonafoux, Dictionnaire de la peinture par les peintres, p. 238-239, Perrin, Paris, 2012 (ISBN 978-2-262-032784) (lire en ligne).
  8. Louis-Marie Descharny, L'Art pompier, 1998, p. 14.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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