Le Bœuf sur le toit

Le Bœuf sur le toit est une salle de music-hall associée à un restaurant[1] du 8e arrondissement de Paris, qui a pris la suite d’un célèbre cabaret inauguré le [2] par l’Américain Louis Moyses. Le Bœuf sur le toit fut notamment le lieu de rendez-vous de Jean Cocteau et de l’intelligentsia parisienne de l’entre-deux-guerres[3].

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Le Bœuf sur le toit

Vue sur la tribune du Bœuf sur le toit en fond de salle, avec escaliers latéraux d'accès (2007).
Présentation
Coordonnées 48° 52′ 17,2″ nord, 2° 18′ 37,2″ est
Pays France
Ville Paris, 8e
Adresse 34 rue du Colisée
Fondation 1922
Site web http://www.boeufsurletoit.com
Informations
Chef cuisinier Joffrey Servant
Spécialité(s) le canneloni de saumon ; la sole sauvage plancha ou meunière ; Le Boeuf - Homard ; la mousse - soufflé au chocolat
Géolocalisation sur la carte : France
Le Bœuf sur le toit
Le Bœuf sur le toit

Origine

En 1919, à son retour du Brésil, où il avait été impressionné par le folklore et une chanson populaire de l’époque, O Boi no Telhado (en français : « le bœuf sur le toit »), le compositeur Darius Milhaud avait formé à Montmartre, avec ses amis compositeurs, un groupe appelé ultérieurement « Les Six ». Il proposa cette mélodie à Jean Cocteau, principal animateur du groupe, pour le projet de ballet-concert que celui-ci conçut de réaliser avec ces amis[3] pour prolonger le succès de Parade. Le ballet adopta le titre Le Bœuf sur le toit, soit la traduction littérale du nom de la chanson brésilienne. À partir de , on put souvent entendre Milhaud en interpréter, en compagnie de Georges Auric et d’Arthur Rubinstein, une version à six mains à La Gaya, un bar situé au 17 rue Duphot appartenant à Louis Moyses[4]. La présence de Cocteau et de son cercle rendit La Gaya très populaire et, lorsque Moyses transféra, en , son bar au 28 rue Boissy-d'Anglas[3], il le renomma Le Bœuf sur le toit, sans doute pour s’assurer que Milhaud, Cocteau et leurs amis l’y suivraient[5],[6], ce qu’ils firent. Le Bœuf était né. Au fil du temps, cet établissement est devenu une telle icône culturelle que la croyance commune à Paris fut que Milhaud avait nommé son ballet-comédie d’après le bar alors que c’est l'inverse[7].

Historique

Le Bœuf sur le toit connut, dès son ouverture, un succès immédiat, pour devenir rapidement le centre de la société de cabarets de Paris sur laquelle il régna tout au long des années vingt[7],[8]. À la soirée d’ouverture, le pianiste Jean Wiéner, que Moyses avait amené avec lui de La Gaya, jouait des airs de Gershwin, accompagné au tambour par Cocteau et Milhaud. Selon Maurice Sachs, le public présent à la soirée d’ouverture comprenait Picasso, Diaghilev, René Clair et Maurice Chevalier[9].

Le Bœuf sur le toit rassemblait des artistes en tous genres, curieux de découvrir du jazz tel que joué aux Etats-Unis. Le pianiste Eugene McCown, fraîchement débarqué de son Missouri natal, fit beaucoup dans les premiers mois de l'établissement pour familiariser le public parisien avec le fox-trot, le kentucky ou le blues de son pays[10]. L’œuvre dadaïste désormais célèbre de Picabia L’Œil cacodylate[11] trônait sur le mur dominant sur la scène, mais Le Bœuf sur le toit se consacrait principalement à la musique et on pouvait y entendre Eugene McCown jouer du jazz, Jean Wiéner jouer Bach, le pianiste virtuose Clément Doucet jouer Cole Porter ou Marianne Oswald interpréter les chansons de Kurt Weill. On y rencontrait Stravinsky, Francis Poulenc ou Erik Satie[5]. Parmi les invités fréquents figuraient également le jeune compositeur américain Virgil Thomson et d’autres musiciens classiques du groupe des Six[12],[13],[14],[15].

En 1928, le propriétaire Louis Moyses fut obligé de déménager vers un nouvel emplacement, et Le Bœuf sur le toit a déménagé à plusieurs reprises depuis sa création, toujours dans le même quartier[16] :

Maurice Sachs évoque Le Bœuf sur le toit dans nombre de ses écrits, notamment dans Au temps du Bœuf sur le toit, paru en 1939 aux éditions de La Nouvelle Revue critique[5]. Les nombreuses délocalisations se sont avérées ruineuses pour l’esprit effervescent du cabaret d’origine. Cependant, Le Bœuf sur le toit existe toujours aujourd’hui comme salle de music-hall associée à un restaurant huppé[7],[17],[1].

La nuit de Cristal

En 1938, les propagandistes nazis réagirent furieusement à l'assassinat du diplomate allemand Ernst vom Rath par Herschel Grynszpan, un jeune Juif, assassinat qui fut utilisé comme prétexte pour déclencher la nuit de Cristal. Mais selon l'historien Hans-Jürgen Döscher, l'assassinat n'était pas politiquement motivé, comme on le croit communément, mais le résultat d'une relation homosexuelle ayant mal tourné : Grynszpan et vom Rath étaient devenus intimes après s'être rencontrés au Bœuf sur le toit qui était à l'époque un lieu de rencontre d’homosexuels de la haute société[3],[18].

« Faire un bœuf »

Comme Paris était avant tout la ville du jazz[8], les musiciens de jazz des autres clubs de Paris se présentaient après leurs heures au Bœuf sur le toit pour jouer jusqu’à tard dans la nuit. De là vient l’expression « faire un bœuf » pour désigner une rencontre informelle entre musiciens qui jouent leur répertoire de manière décontractée.

Habitués

Le Bœuf sur le toit a été, depuis son ouverture, l’épicentre du Paris des années folles. Il a toujours été fréquenté par « le Tout-Paris ». Parmi les clients et artistes célèbres susceptibles d’être vus au Bœuf sur le toit, on compte : Louis Aragon ; Georges Auric ; Marcel Aymé ; Joséphine Baker ; Jane Bathori ; Tristan Bernard ; Paul Bourget ; Constantin Brâncuși ; Georges Braque ; André Breton ; Albert Camus ; Agnès Capri ; Georges Carpentier ; Blaise Cendrars ; Coco Chanel ; Charlie Chaplin ; Maurice Chevalier ; René Clair ; Paul Claudel ; Jean Cocteau ; Henri Collet ; André Derain ; Claude Delvincourt ; Serge de Diaghilev ; Christian Dior[19] ; Jean Dorville ; Clément Doucet ; Victoire Doutreleau ; Louis Durey ; Léon-Paul Fargue ; André Gide ; Youra Guller ; Ernest Hemingway ; Arthur Honegger ; Agnès Capri ; Max Jacob ; Marcel Jouhandeau ; Karl Lagerfeld ; Marie Laurencin ; Colette Marchand ; Darius Milhaud ; Paul Morand ; Ivan Mosjoukine; Mistinguett ; Marianne Oswald ; Francis Picabia ; Pablo Picasso ; Francis Poulenc ; Jacques Prévert ; Yvonne Printemps ; Raymond Radiguet ; Maurice Ravel ; Pierre Reverdy ; Alfonso Reyes ; Arthur Rubinstein ; Yves Saint Laurent ; Erik Satie ; Catherine Sauvage ; Igor Stravinsky ; Germaine Tailleferre ; Virgil Thomson[12],[13],[14],[15] ; Tristan Tzara ; José Berghmans ; Jean Wiéner[5],[4],[6],[8].

Galerie

Notes et références

  1. « Boeuf sur le Toit | Restaurant & Music Hall | Paris 8e » (site officiel), sur boeufsurletoit.com (consulté le ).
  2. Monique Schneider-Maunoury, Dominique Le Buhan et Henri Sauguet (préf. Georges Bernier), Au temps du Bœuf sur le toit : 1918-1928, Paris, Artcurial, , p. 8.
  3. « AN 19940437/296 (Paris, France) - Fichier central de la Sûreté nationale concernant Jean Cocteau, p. 3 », sur geneanet.org, (consulté le ).
  4. (en) « Cafe Music » [archive du ], sur time.com (Time Magazine), (consulté le ) : « In Paris after the War one Louis Moyses, a demobilized soldier, tried his luck in the cafe business. Soldier Moyses had no money, no notion of attracting a smart clientele. He had a sister who, he figured, could be a cashier, a half-brother who could be waiter, a soldier-friend who played the piano. He assembled a few tables and chairs in a room near the Madeleine […] Composers Igor Stravinsky and Maurice Ravel started going to hear them along with Composer Darius Milhaud, who named a pantomime Le Boeuf sur le Toit. ».
  5. (en) Laurent Gloaguen, « The Boeuf Chronicles | “Au Temps du Boeuf sur le Toit” de Maurice Sachs », sur daniellathompson.com, (consulté le ).
  6. Richardson et McCully 2007, p. 209.
  7. (en) Daniella Thompson, « The Boeuf Chronicles | O Boi no Telhado | “How the Ox got its name, and other Parisian legends” », sur daniellathompson.com, (consulté le ).
  8. Appignanesi 1975, p. 123.
  9. (en) Maximilien de Lafayette, « Places and Hang Out », sur GlobeWeeklyNews.com, Fabulous Times, Places and People: Paris in the 20s and 30s.
  10. (en) Virgil Thomson, Selected letters of Virgil Thomson, New York, Summit Book, , 413 p. (ISBN 9780671621179), p. 54.
  11. (en) Daniella Thompson, « Au temps du Bœuf sur le toit : 3. The bar-restaurant », sur daniellathompson.com, The Bœuf Chronicles, .
  12. (en) Virgil Thomson, Virgil Thomson, New York, Library of America & Penguin Random House, (ISBN 978-1-59853-476-4, lire en ligne), p. 135-136. Virgil Thomson et Le Bœuf sur le Toit sur Google Livres.
  13. (en) Alex Ross, The Rest is Noise : Listening to the twentieth Century, New York, Picador, , 684 p. (ISBN 978-0-312-42771-9, lire en ligne), p. 110, Virgil Thomas et Le Bœuf sur le Toit sur Google Livres.
  14. (en)Encyclopedia of Music in the 20th Century Editors – Lee Stacey & Lol Henderson. Routledge, New York 2013 p. 631 Virgil Thomson et le groupe des Six sur Google Livres.
  15. (en) Steven Watson, Prepare for Saints : Gertrude Stein, Virgil Thomson, and the Mainstreaming of American Modernism, New York, Random House, , 400 p. (ISBN 978-0-307-82273-4, lire en ligne), Le Bœuf sur le toit et Virgil Thomson et les Six sur Google Livres.
  16. Georges Viaud et Florence Coupry, « Au temps du Bœuf : Les adresses du Bœuf », sur boeufsurletoit.com.
  17. « Boeuf sur le Toit Brasserie In Paris », sur placesinfrance.com (consulté le ).
  18. (en) Kate Connolly, « Did gay affair provide a catalyst for Kristallnacht? », sur theGuardian.com, (consulté le ).
  19. Musée Christian-Dior de Granville, Florence Müller et al., Dior, le bal des artistes, Versailles, ArtLys, , 111 p. (ISBN 978-2-85495-441-8, présentation en ligne), « Le Bœuf sur le toit », p. 25.

Bibliographie

  • (en) Lisa Appignanesi, The Cabaret, Londres, Studio Vista, , 192 p. (ISBN 0-289-70612-2).
  • Maurice Sachs, Au temps du Bœuf sur le toit, Paris, éditions Grasset, coll. « Les Cahiers rouges » (no 73), (1re éd. 1939) (ISBN 2-246-38822-8).
  • (en) John Richardson et Marilyn McCully, A Life of Picasso : The Triumphant Years, 1917-1932, vol. 3, New York, Alfred A. Knopf, (1re éd. 1991) (ISBN 978-0-375-71151-0, 978-0-307-26665-1 et 978-0-307-26666-8).
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