Las Sinsombrero

Las Sinsombrero (les « Sans-chapeau ») est un groupe d'artistes espagnoles d'avant-garde, nées entre 1898 et 1914, considéré comme le pendant féminin de la Génération de 27[1].

Origine du nom

Le nom de ce courant artistique provient du geste d'ôter son chapeau en public, marqueur social et de genre, à la suite d'un épisode du Madrid des années 1920, évoqué par Maruja Mallo, l'une des fondatrices du groupe :

« Tout le monde portait un chapeau, c’était quelque chose comme un marqueur de différence sociale. Mais, un beau jour, il nous prit, à Federico, à Dalí, à Margarita Manso, étudiante elle aussi, et à moi, d’enlever notre chapeau, et quand nous avons traversé la Puerta del Sol, [les gens] nous jetaient des pierres, en nous traitant de tous les noms, comme si nous avions fait une découverte, comme Copernic ou Galilée. C’est pour cela qu’ils nous insultaient, parce qu’ils pensaient que se dépouiller de son chapeau était comme une manifestation qui ne convenait pas à notre sexe. »

 Patricia Mayayo - Universidad Autónoma de Madrid[2].

En pleine dictature de Primo de Rivera, ce geste symbolise la rébellion à l'ordre établi, spécialement pour les femmes[3]. Ôter le chapeau correspond ici à abandonner le corset, symbole de la lutte des droits des femmes et de la volonté de ne pas se cantonner au rôle d'épouse et de mère[4].

Membres

Histoire

Après le traumatisme de la perte de ses dernières colonies (Cuba, Philippines et Porto Rico), l'Espagne plonge dans une profonde crise nationale qui appelle à de grands changements économiques, politiques et intellectuels. La question féminine, mise en exergue par le rôle des femmes durant la Grande Guerre chez ses voisins, fait partie du débat de cette nouvelle Espagne.

Dans ce contexte sont effectivement apparus les mouvements féministes et suffragistes. La demande de participation des femmes à la vie publique, économique, scientifique, sociale et artistique s'intensifie. Au niveau artistique, Las Sinsombrero sont le fer de lance de ce processus, comme le sont les femmes de la Génération de 14 (Clara Campoamor, Victoria Kent ou Carmen de Burgos) dans la vie publique.

Bien qu'elles soient très différentes les unes des autres, les membres de las Sinsombrero se retrouvent dans beaucoup d'aspects et les relations entre elles sont très étroites, s'étendant même à des femmes de la génération précédente, pour s'unir dans une lutte commune. En ce sens, les publications et les réunions sont primordiales. Ainsi, dans la presse, les journaux la Revista de Occidente ou La Gaceta Literaria, deviennent des points d'échanges culturels. Les nouveaux lieux madrilènes féministes, comme la Residencia de Señoritas, le Lyceum Club Femenino ou l'Asociación Universitaria Femenina permettent d'échanger et de défendre l'égalité des droits.

Las Sinsombrero revendiquent un rôle individuel, mais également une influence sur la vie qui les entoure. Elles publient, participent aux rencontres culturelles et revendiquent la féminisation en demandant l'emploi, par exemple, des termes de autora (auteure), escritora (écrivaine), pintora (peintre) et les imposant définitivement dans la langue espagnole académique. Elles représentent un profil féminin moderne et émancipé. Elles sont indépendantes, intellectuelles, peuvent fumer : des traits auparavant réservés aux hommes.

L'Espagne devient ainsi moteur de cette aspiration féminine en Europe, réaffirmée et soutenue dès la proclamation de la République en 1931.

La Guerre d'Espagne brise cet élan. En 1939, l'avancée des nationalistes met un terme aux volontés féministes et la dictature de Franco entraîne un recul considérable par rapport aux avancées obtenues les décennies précédentes, consacrées par la République espagnole[5]. Les femmes du groupe Las Sinsombrero sont contraintes à l'exil, en Amérique et en Europe, dans des pays où elles peuvent être libres. Celles qui n'ont pas pu fuir subissent les représailles de l'épuration franquiste, la répression, la prison, le silence intellectuel, et, dans bien des cas, la mort[réf. nécessaire].

Postérité

Pepa Merlo publie en 2010 Peces en la tierra (Fondation José Manuel Lara), une anthologie poétique des artistes les plus connues de cette génération de femmes, de la fin du 19e siècle à la guerre d'Espagne : Gloria de la Prada, Margarita Nelken, Lucía Sánchez Saornil, Clementina Arderiu, Dolors Catarineu, Casilda de Antón del Olmet, María Luisa Muñoz de Vargas, Cristina Arteaga, Pilar de Valderrama, Concha Espina, Susana March, Elisabeth Mulder, María Teresa Roca de Togores, Rosa Chacel, María Cegarra, Josefina Romo Arregui, Josefina Bolinaga, Esther López Valencia, Marina Romero et Margarita Ferreras, dont le livre inspire le titre de l'anthologie.

La série télévisée espagnole El ministerio del tiempo consacre son chapitre 18 à la récupération de la mémoire de ces femmes, dont l’œuvre et le message ont été censurés par la dictature franquiste.

La serie télévisée les Demoiselles du téléphone évoque également cette part de l'histoire des femmes en Espagne d'avant la République[6].

Notes et références

  1. « Las Sinsombrero », sur Festival Cinespaña
  2. Patricia Mayayo - Universidad Autónoma de Madrid, « Maruja Mallo: el retrato fotográfico y la "invención de sí" en la vanguardia española », MODOS, vol. 1, no 1, (ISSN 2526-2963, DOI 10.24978/mod.v1i1.730, lire en ligne)
  3. (es) Gente que brilla, « Las Sinsombrero, un grupo de mujeres que debemos recuperar », sur Gente que brilla,
  4. « Las Sinsombrero - leer - leer.es », sur leer.es
  5. « Las SINSOMBRERO : ces femmes de la Generación del 27 », sur Ding Ding d'Art,
  6. (es) « Al otro lado del cable », sur mujerhoy,
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