Létrange

La Maison Létrange est un sellier français fondé en 1838 à Paris le long des écuries du Palais du Louvre. La maison s’est développée dans les accessoires en cuir et toile pour le voyage, la chasse, le sport et les différentes administrations. Inventeur des articles en cuir moulés, plus importante maison de la corporation en 1938, elle est à l’origine de multiples brevets et a reçu des médailles lors de cinq expositions universelles de Paris et d'une exposition universelle à Londres[1].

Atelier de machines à découper le cuir.

Histoire

Origines

Né en 1817 à Paris, fils de facteur, Auguste Lespiaut est apprenti sellier dès l’âge de 13 ans.

En 1838, dans le Paris où se croisent Gustave Flaubert, Honoré de Balzac, Alphonse de Lamartine ou encore Charles Baudelaire et Victor Hugo, le cheval est alors le principal moyen de transport.

À 21 ans, Auguste Lespiaut monte son propre atelier impasse du Doyenné, le long du Manège des Écuries du Roi, aux portes du Palais du Louvre. Il est sellier officiel et produit des selles et des harnachements pour les écuries royales. Très rapidement sa renommée s’étend auprès d’une clientèle aisée propriétaire de chevaux à laquelle il offrira une diversification dans les accessoires, de chasse, de voyage et de sport.

Armand Létrange

Impasse du Doyenné, Plan de Paris Vasserot-Bellanger, 1826

Armand Létrange entre comme artisan sellier dans l’atelier d’Auguste Lespiaut en 1852. Il épouse sa fille, Adolphine Lespiaut en 1865 et reprend l’entreprise qui devient alors « les Établissements Létrange ». Il est à l’origine d’une période de développement majeure en prenant des risques pour développer la maison comme avec la construction du siège du 57 Boulevard de la Villette à Paris. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1901 sur proposition d’Emile Henri Fauré Le Page, pour lequel il réalisait des étuis en cuir pour certains produits de l’armurier[2].

Francis Létrange

Les Établissements Létrange à la foire Internationale de Lyon, 1917.

Francis Létrange, fils d’Armand, reprend l’entreprise familiale en 1913. Il est cependant mobilisé et part à la guerre en 1914, obligeant Armand, jeune retraité, à revenir aux commandes de la maison en attente du retour de Francis. Heureux survivant de la grande guerre, dès son retour Francis n’aura de cesse lui aussi d’impulser une dynamique puissante pour l’entreprise : expansion, nouveaux produits, ouverture de comptoirs de vente à l’étranger, nouvelle usine. Il reçoit par ailleurs en 1901 les Palmes Académiques et est fait Officier de l’Instruction Académique en 1913.

Les médailles aux Expositions universelles

Étiquette A. Létrange

À Paris et à Londres, la maison décrochera des médailles pour ces produits en cuir lors de toutes les grandes expositions universelles

  • Bronze en 1855 à Paris.
  • Bronze en 1862 à Londres.
  • Bronze en 1867 à Paris[3].
  • Argent en 1878 à Paris[4].
  • Or en 1889 à Paris[5].
  • Or en 1937 à Paris[6].

Le 57 Boulevard de la Villette

À cette adresse, Armand Létrange fait construire en 1889 un ensemble composé d’un immeuble sur rue qui abrite la boutique au rez de chaussée, sa famille au premier étage et celles des employés et ouvriers sur les cinq autres étages ainsi qu’une usine de 2 000 m2 dans laquelle plus de 250 ouvriers s’attellent à la fabrication des sacs et autres accessoires en cuir qui s’exportent dans le monde entier. Le bâtiment existe toujours aujourd’hui et abrite une agence de communication digitale[7].

 L’usine de Billom

En 1913, par crainte d’une guerre imminente, le gouvernement français impose à tous les fournisseurs stratégiques de l’état, de délocaliser en dehors de Paris une part importante de leur outil de production. Létrange fourni alors des équipements en cuirs pour les armées comme les havre sacs, les ceintures, ceinturons, portes épée, étuis et bandoulières de fusils, de jumelles, de longues vues, etc. En 1913 est alors inauguré une seconde unité de production à Billom dans le Puy-de-Dôme.

 L’usine de Montargis

Usine des Établissements Létrange à Montargis, France

Dans les années 1930, Francis Létrange souhaite rapprocher sa seconde usine de Paris, jugée trop loin, malgré les progrès considérables dans les transports. Il s’engage alors dans un projet pharaonique et conçoit à son tour une usine moderne de 3 500 m2 qu’il implante à Montargis dans le Loiret. L’importance de l’entreprise se mesure alors en « milliers d’heures de travail disponibles ». La capacité de production s’élève ainsi pour la première année d’exploitation de l’unité de Montargis en 1936 à 494 400 heures pour le personnel ouvrier.

L’après-guerre et la diversification

Marcel Bogrand, époux d’Henriette Létrange, reprend à son tour l’entreprise familiale en 1937 qui est alors à son apogée. Fin 1938, après la célébration du centenaire de la Maison, il prépare l’introduction en bourse de la société. 30.000 actions au porteur sont éditées, mais le projet sera interrompu par la déclaration de la Seconde Guerre mondiale. Il meurt pendant la guerre et son épouse Henriette prend alors la direction et doit faire face à une pénurie de cuir, sa matière première. Environ 600 ouvriers sont à ce moment là répartis sur les deux sites et pour leur assurer du travail, elle se diversifie dans la confection textile et investit dans de nouveaux équipements. Henriette Bogrand développe alors de nombreuses marques pour chaque nouvelle activité. Ainsi la marque Orly pour les chemises, qui seront vendues dans des grands magasins comme les Galeries Lafayette et le Bon Marché. Yves Bogrand, le cadet des enfants d’Henriette, prend la succession dans les années 1970 et décide d’abandonner définitivement le travail du cuir en 1975 pour se concentrer sur la confection de chemises haut de gamme qu’il amènera à un niveau d’excellence reconnu puisqu’il fournira pendant plus de 40 ans les grandes maisons françaises : Hermès, Dior, Louis Vuitton, Lanvin, Jean-Paul Gauthier... Les 200 modèles les plus importants sont aujourd’hui au musée de la chemiserie à Argenton-sur-Creuse[8].

Létrange et l’innovation

Le voyage a toujours été un pilier pour l’entreprise : à cheval, à vélo, en voiture, en train ou encore en bateau. De très nombreux brevets ont été déposés dans ces trois univers comme une cartouchière en cuir moulé (1844,1855)[9], un étui à cigares en cuir moulé avec un briquet incorporé à l’autre extrémité (1847), une sacoche pour cycliste (1896), une vélo-valise (1897), un porte adresse (1926)[10], des valises en cuir fort et beaucoup d’autres. Dès le début, le petit atelier de l’impasse du Doyenné réalisait pour ses clients divers articles sur mesure répondant à leurs envies et besoins. Ainsi, en 1907, le commandant Jean-Baptiste Charcot, explorateur français des terres polaires, commande des sacs en cuirs pour son expédition circumpolaire, assez robustes pour être malmenés, assez légers pour être emportés à bord du Pourquoi pas IV[11].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. Catalogue officiel : liste des récompenses / Exposition universelle internationale de 1878, à Paris ; Ministère de l'agriculture et du commerce, Impr. nationale, (lire en ligne)
  2. « http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/leonore_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=NOM&VALUE_1='LETRANGE'&DOM=All », sur www.culture.gouv.fr (consulté le )
  3. Exposition universelle de 1867 à Paris. Jury international, Catalogue officiel des exposants récompensés par le Jury international, Paris : Dentu, (lire en ligne)
  4. Catalogue officiel : liste des récompenses / Exposition universelle internationale de 1878, à Paris ; Ministère de l'agriculture et du commerce, Impr. nationale, (lire en ligne)
  5. Ministère du commerce, de l'industrie et des colonies, Exposition universelle de 1889 Liste des récompenses distribuées aux exposants, Paris, , p. 4763
  6. « CNUM - 4XAE69.4 : p.1 - im.5 », sur cnum.cnam.fr (consulté le )
  7. « Société Myriade Paris (adresse) », sur www.pagesjaunes.fr (consulté le )
  8. « Accueil - Musée de la Chemiserie et de l'Elégance Masculine », sur Musée de la Chemiserie et de l'Elégance Masculine (consulté le )
  9. « Internet INPI », sur bases-brevets19e.inpi.fr (consulté le )
  10. « Notice », sur bases-brevets.inpi.fr (consulté le )
  11. Jean-Baptiste (1867-1936) Auteur du texte Charcot, Le, E. Flammarion, (lire en ligne)
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