Jean Dunand

Jean Dunand est un décorateur, sculpteur, dinandier, ébéniste, laqueur et peintre suisse naturalisé français, né le à Lancy (Suisse) et mort le à Paris.

Pour les articles homonymes, voir Dunand.

« Il compte parmi les plus grands créateurs Art déco[1]. »

Parcours artistique

Artiste pluridisciplinaire et figure majeure de l'Art déco, Jean Dunand s'est intéressé aux différents courants artistiques de son temps, et à des domaines très divers comme la mode vestimentaire (Paul Poiret, Madeleine Vionnet et Jean-Philippe Worth faisaient partie de ses clients), la décoration intérieure, le mobilier (Jacques-Émile Ruhlmann, avec qui il a collaboré), le design, l'orfèvrerie[2].

Bien au-delà de sa formation initiale de sculpteur, Jean Dunand est devenu un maître dinandier de renom[3],[4] et l'un des maîtres occidentaux de l'art de la laque[5],[6],[7] (avec, notamment, Eileen Gray ou Gaston Suisse). Outre les disciplines qui ont fait sa renommée, il fut également talentueux dans les arts de la mosaïque[8], des émaux champlevés et cloisonnés, de la ciselure et de l'incrustation[9].

Au cours de sa longue carrière artistique, Jean Dunand adopta plusieurs styles décoratifs : « Les décors, d’une infinie variété, sont tantôt géométriques, cubistes, mais pleins d’originalité et d’invention, tantôt naturalistes. Il en dessine lui-même en grand nombre. D’autres lui sont fournis par des peintres amis tels que Jean Lambert-Rucki, Paul Jouve, Henry de Waroquier et Jean Goulden[10]. »

Jean Dunand était également un grand dessinateur, comme le montrent par exemple les nombreux portraits[11] qu'il a réalisés pour des personnalités de l'époque, en utilisant des techniques variées (laque bien sûr, mais aussi crayon, fusain, gouache, mosaïque)[12].

Biographie

Autoportrait (1932), par Jean Dunand, mosaïque de pierre, verre et or, musée d'art et d'histoire de Genève (inv. AA 2014-0034).

Son père est fondeur d'or dans l'industrie horlogère. En 1891, il entre à l'École des arts industriels de Genève et en sort en 1897 avec une bourse de la ville de Genève. Il y obtint deux fois le premier prix de ciselure. Il s'y est lié d'amitié avec François-Louis Schmied, qui deviendra un graveur sur bois, avec le sculpteur Carl Angst et avec le dinandier Claudius Linossier.

Plaque indiquant l'emplacement de l'atelier de Jean Dunand, rue Hallé à Paris.

Désirant poursuivre sa formation, il monte à Paris. Il y exerce le métier d'ouvrier ciseleur tout en suivant les cours du soir de l'École nationale supérieure des arts décoratifs dans l'atelier du sculpteur Jean Dampt. Au cours de ses vacances en Suisse, il s'initie à la dinanderie. À l'Exposition universelle de 1900, il obtient une médaille d'or pour sa sculpture Quo vadis. En 1903, il participe pour la première fois au Salon des arts décoratifs, avec un plateau à pain en bois sculpté.

L'année suivante, il installe son atelier rue Hallé, dans le quartier d'Alésia du 14e arrondissement de Paris. Il présente une statue en pierre, L'Éveil, au salon de la Société des artistes décorateurs. En 1905, il expose pour la première fois des vases en dinanderie au salon de la Société nationale des beaux-arts. En 1906, il épouse Marguerite Moutardier avec qui il aura six enfants.

En 1909, Ernest Biéler fait son portrait en le représentant avec ses outils de dinandier et de ciseleur. Initialement prénommé Jules-John, il francise son prénom en Jean. En 1912, il rencontre le Japonais Seizo Sugawara qui réside en France et auprès duquel il s'initie à la laque[13]. Au salon des artistes décorateurs de 1913, il présente un Vase aux serpents de près de 1,30 m ainsi qu'une pendule Caducée en bronze.

En 1921 se constitue un groupe formé de Jean Dunand, Jean Goulden, Paul Jouve et François-Louis Schmied qui offre sa première exposition à la Galerie Georges Petit. Jean Dunand y expose, à l'étonnement général, non seulement des vases en dinanderie mais pour la première fois des panneaux, des paravents et des meubles en laque. De nombreux motifs décoratifs ont été proposés par Jean Lambert-Rucki, quelques autres par Gustave Miklos[14].

À l'exposition des Arts décoratifs de 1925, quatre vases monumentaux de Jean Dunand décorent la cour du pavillon des Métiers d'art[15].

Exposition de laques de Dunand au Salon des artistes décorateurs en 1930.

Jean Dunand reçut plusieurs commandes dans les années 1930 pour la décoration intérieure de paquebots. Ainsi, pour L'Atlantique, il réalise des panneaux de laque noire puis, pour le Normandie, il réalise cinq panneaux de grande taille (6 mètres de haut sur 5,80 mètres de large) sur le thème Jeux et Joies de l'homme. La Pêche, Les Sports, La Conquête du cheval, Les Vendanges et La Danse ornaient le fumoir et une partie du salon des premières classes. L'ensemble était constitué de 1 035 éléments juxtaposés dont les détails sont sculptés à la gouge et à la râpe par l'artiste puis laqués à l'or. Le paquebot désarmé pendant la guerre, on déposa les panneaux qui furent ensuite remontés sur les paquebots Liberté et l'Île-de-France[16],[17].

Il est nommé président de la section « laque » de l'Exposition internationale à Paris et, en 1939, il décore le pavillon de la France à l'Exposition internationale à New York. En , son fils Jean-Louis meurt au combat à 22 ans[18] ; le square de l'Aspirant-Dunand (Paris) lui rend hommage. En , il participe au Salon des Tuileries au palais de Tokyo. Il meurt le [19].

Sur une période de presque cinquante ans, Jean Dunand a conçu et réalisé plus de 1 200 œuvres[20].

Œuvres principales

Les laques du palais de la Porte-Dorée

La bibliothèque du musée des Colonies, in La Construction moderne, 31 janvier 1932 (avec La Forêt).

En 1931, Albert Laprade, l'architecte du palais de la Porte-Dorée, qui abritait alors le musée permanent des Colonies, commande à Jean Dunand dix laques pour décorer la bibliothèque du musée, située à l'étage (aujourd'hui disparue)[21].

Bibliothèque du musée des Colonies dans les années 1930 (avec au premier plan Les Sénégalaises ; au second plan, Tigre à l'affût et Les Peuples d'Afrique (Sénégal) ; au fond Les éléphants).

Avec cette commande officielle, Jean Dunand remporte le grand Prix de l'Exposition coloniale internationale.

Pour leur réalisation, il utilise différentes techniques de laque :

  • La Forêt ou la Jungle (2,95 x 3,35 m), en laque de coromandel noire « défoncée », gravée et rehaussée de laques de couleur en creux,
  • Les éléphants (3,42 x 3,64 m), en laque arrachée sur fond aluminium appliqué sur bois,
  • Tigre à l’affût (1,467 x 2,40 m) et Béliers affrontés ou Antilopes affrontées (1,485 x 2,41 m), en laque arrachée brune mate sur fond aluminium,
  • Les peuples d’Afrique (Maroc), Les peuples d’Afrique (Cameroun) et Les peuples d’Asie (Indochine), les trois en 3,40 x 1,78 m, en laque arrachée sur fond en aluminium avec incrustation de métal doré,
  • Les peuples d’Afrique (Sénégal) (3,40 x 1,78 m), en laque arrachée sur fond aluminium, incrustations d’ivoire, de laiton et de métal,
  • deux panneaux Les Sénégalaises (3,09 x 1,29 m chacun) en laque noire défoncée, application de rouge et de blanc et or au pinceau, incrustations d’ivoire, pour l’un et application de rouge et bronze pour l’autre.

Ces panneaux de laque ont rejoint en 2003 les collections du musée du Quai Branly, avec le reste des collections du musée national des arts d'Afrique et d'Océanie (MNAAO).

Autres œuvres

Plat (1914), nickel oxydé, argenté et repoussé, Paris, musée d'Orsay.

Notes et références

  1. Extrait de la présentation inscrite sur la jaquette du livre de Félix Marcilhac, Jean Dunand. Vie et œuvre, Éditions de l'Amateur, 1991.
  2. Félix Marcilhac, Jean Dunand. Vie et œuvre.
  3. « Pour la période Art déco, Jean Dunand (1877-1942), et le Lyonnais Claudius Linossier (1893-1953) sont les deux maîtres incontestés. » Encyclopedia Universalis, version 10 (DVD), article « Dinanderie ».
  4. « Au Salon des artistes décorateurs de 1910, “il s’affirme un maître dinandier d’une valeur unique” avec des formes travaillées et des reliefs d’inspiration florale et notamment un vase en plomb martelé. » « Jean Dunand »,www.chateau-gourdon.com (consulté le 4 février 2019).
  5. « De retour à Londres (1905), elle [Eileen Gray] découvre l'art du laqué, qu'elle pratiquera à Paris avec le Japonais Sougarawa (Sugawara). Elle le présentera à Jean Dunand (1877-1942), qui deviendra le laqueur le plus célèbre des années 1920. » Encyclopedia Universalis, version 10 (DVD), article « Gray Eileen ».
  6. « Issue des arts décoratifs, chinois et japonais, la laque européenne s’est illustrée pendant la période Arts déco avec des artistes comme Jean Dunand. » (cf les 3 premières lignes)
  7. « Cette fascination permit la création de certaines des œuvres Art déco les plus remarquables, avec des artistes tels Eileen Gray et Jean Dunand en Europe, ou au Japon, avec le groupe Mukei. » « L'Art déco. Exposition au V&A de Londres » (cf. encadré gris), www.dossier-art.com (consulté le 4 février 2019).
  8. « Certaines mosaïques de Dunand sont de véritables chefs-d'œuvre du genre, d'une finesse et d'une subtilité jamais dépassées. » La Revue de l'art ancien et moderne, tome 64, 1933, p. 331 lire en ligne sur Gallica.
  9. Art et décoration, tome XXXVI, 1914-1919, p. 118-126 lire en ligne sur Gallica.
  10. Extrait d'une biographie de Jean Dunand, www.chateau-gourdon.com (consulté le 4 février 2019).
  11. L'Officiel de la mode, no 141, 1933, p. 18, et no 158, 1934, p. 32.
  12. Félix Marcilhac, Jean Dunand. Vie et œuvre (voir les portraits dans les pages 217 à 224).
  13. « Paravent Les Cagnas », musée des Arts décoratifs.
  14. « Les expositions de la Galerie George Petit (1881-1934) : répertoire des artistes et liste de leurs œuvres », dans Les Expositions des galeries parisiennes, Dijon, L’Échelle de Jacob.
  15. Deux d'entre eux seront achetés par Yves Saint Laurent en 1966, dans une galerie de la rue Bonaparte à Paris (« Pierre Bergé: “Il ne faut jamais se comporter en propriétaire avec les œuvres d'art” », www.lexpress.fr (consulté le 4 février 2019)). En 2009, lors de la vente de la collection Yves Saint Laurent - Pierre Bergé chez Christie's, ils atteindront la somme de 3 089 000 euros (« Collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé »), www.christies.com (consulté le 4 février 2019).
  16. « Histoire de deux panneaux de Jean Dunand », blog.mahgeneve.ch (consulté le 4 février 2019).
  17. La Conquête du cheval et La Pêche ornent aujourd'hui la salle du Conseil dans la Tour CMA-CGM à Marseille.
  18. « Square de l'Aspirant-Dunand », www.parisrues.com (consulté le 4 février 2019).
  19. « M. Jean Dunand est mort. Avec lui disparaît une des principales figures de l'art décoratif contemporain. », Le Figaro, no 139, 10 juin 1942 lire en ligne sur Gallica.
  20. Félix Marcilhac, Jean Dunand Vie et œuvre (voir le catalogue en fin d'ouvrage).
  21. Hélène Bocard, Le Palais de la Porte Dorée, Coll. Itinéraires, Les éditions du patrimoine, (ISBN 978-2-7577-0599-5)

Voir aussi

Bibliographie

  • Félix Marcilhac, Jean Dunand. Vie et œuvre, Londres, Thames and Hudson,
    Également publié aux éditions de l'Amateur, Paris
    (OCLC 25611010)
  • Anthony Delorenzo, Jean Dunand, New York, E. P. Dutton, (OCLC 15048050).
  • Delorenzo Gallery, Jean Dunand, New York, The Gallery (958 Madison Ave.), (OCLC 14039410).
  • Jean Dunand, Jean Goulden : galerie du Luxembourg, Paris (98, rue Saint-Denis, 75001), galerie du Luxembourg, (OCLC 1008533).
  • Les Expositions de la galerie George Petit (1881-1934). Répertoire des artistes et liste de leurs œuvres (série Les expositions des galeries parisiennes), Dijon, L’Échelle de Jacob.
  • (en) Lynne Thornton, « Jean Dunand & his friends », dans Apollo, no XX, 1973.
  • Catalogue d'exposition "Madeleine Vionnet, Puriste de la Mode", Les Arts décoratifs, Paris, 24-06-2009 - 31-01-2010.
  • Dictionnaire Bénézit.
  • Félix Marcilhac et Amélie Marcilhac, Jean Dunand, Paris, Éditions Norma, , 415 p. (ISBN 9782376660361)

Liens externes

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