Jean-Claude Courveille

Jean-Claude Courveille (1787-1866), né à Usson-en-Forez, est un prêtre catholique qui a été à l'initiative de la fondation de la congrégation des maristes (ou Société de Marie), dont il fut le supérieur général. Il se retira ensuite à abbaye cistercienne d'Aiguebelle, puis à Saint-Antoine-l'Abbaye et enfin à l'abbaye bénédictine de Solesmes où il mourut le .

Biographie

Fils de Marguerite Beynieux et de Claude Courveille, marchand demeurant à Usson dans le Forez, il naquit dans cette commune le . Durant la Révolution, ses parents, fervents catholiques, cachèrent dans leur maison une statue de la Vierge vénérée dans le village sous le vocable de Notre-Dame de Chambriac et qui était dite miraculeuse[1].

Le jeune garçon fut atteint de la petite vérole en 1797 et des lésions cornéennes le rendirent à demi-aveugle. Puis il perdit son père en 1805[1].

En dépit de la disparition de Vierge noire du Puy, brûlée le par Louis Guyardin, envoyé de la Convention nationale dans le département de la Haute-Loire[2] en 1809, il se rendit en pèlerinage à la cathédrale du Puy-en-Velay. Il se dit guéri de sa cécité grâce à l'intermédiaire de la Vierge et décida, en action de grâce, de se consacrer au service de Marie[1]. Ses historiographes ont noté que lorsqu'il parlait de la Vierge tous ses auditeurs tombaient sous le charme[3].

Il entra alors au petit séminaire de Verrières-en-Forez[1], où il eut comme condisciple Marcellin Champagnat[4] puis continua ses études de latin chez son oncle maternel, l'abbé Mathieu Beynieux, alors curé d'Apinac. Le séminariste refit son pèlerinage au Puy-en-Velay ; alors qu'il priait dans la cathédrale le , il affirma avoir reçu une révélation de la Vierge qui désirait avoir une congrégation religieuse portant le nom de Marie[1]. « Depuis cet instant, très souvent, il lui semblait entendre une voix intérieure, celle de la-Mère de Dieu, lui demandant de fonder la Société de Marie. Il assista un jour à six messes consécutives pour se débarrasser de ce qu'il estimait n'être qu'une illusion »[3].

À la Toussaint 1812, Il entra au grand séminaire du Puy-en-Velay, mais il dut le quitter pour rejoindre celui de Saint-Irénée de Lyon, car le Concordat avait rattaché sa paroisse d'origine à ce diocèse[5].

La statue de la Vierge dorée à Fourvière

Le transfert se fit à la rentrée 1813, et Jean-Claude Courveille retrouva Marcellin Champagnat, et fit connaissance de Jean-Claude Colin et Jean-Marie Vianney, admis comme lui au grand séminaire de Lyon[6]. Il parla alors de son projet de Société de Marie à Colin et Champagnat[5]. « Sa mystique s'inféodait d'ailleurs curieusement à la politique du moment : il croyait naïvement que le roi Louis XVIII serait un grand Mariste, voire le thaumaturge de Notre-Dame »[3].

Leur ordination eut lieu le . Le lendemain, Courveille, Champagnat, Colin et neuf autres compagnons, se rendirent à Notre-Dame-de-Fourvière pour y célébrer leur première messe. Là, les douze prêtres décidèrent de se consacrer à la Vierge et de fonder une Société de Marie[6]. De plus, ils s'engageaient à « servir l'Église dans les formes d'engagements les plus diverses »[5].

L'Hermitage, à Saint-Chamond

Le jeune abbé Courveille fut alors nommé vicaire à Verrières-en-Forez, poste qu'il occupa dès 1817, puis à Rive-de-Gier où il resta jusqu'en 1819, date à laquelle il devint curé à Épercieux, charge qu'il quitta en 1824. Ce fut là qu'il rédigea ses notes concernant la fondation d'un tiers ordre mariste[5]. Il est à noter que « le bleu-ciel était sa couleur favorite : il portait le manteau bleu et imposa le costume bleu aux Frères »[3].

L'abbé Courveille acheta alors avec Champagnat, vicaire à La Valla-en-Gier, une maison dans cette commune qui allait devenir la première des frères maristes. En tant que supérieur général, il édicta une règle pour les frères, puis, en 1822, ouvrit une école à Feurs tout en faisant des démarches pour en fonder une autre à Charlieu[5].

L'archevêque de Lyon était alors Joseph Fesch, comme il ne résidait pas, il nomma un administrateur apostolique. Dès sa prise de fonction, en 1823, de Pins s'inquiéta de l'activisme du supérieur des maristes et tenta de modérer son zèle en nommant Champagnat pour diriger la congrégation à sa place[5]. L'activité de l'abbé Courveille fut bornée aux Petits Frères de Marie[3]. Mais, un an plus tard, Champagnat, dont la santé était chancelante, obtint de faire revenir son ami Courveille pour reprendre la tête des Maristes. À nouveau supérieur général, il se porta acquéreur du site de l'Hermitage, près de Saint-Chamond, qui allait devenir la maison-mère de la congrégation[5].

Controverses

Ayant constaté que s'était élevée « une controverse sur son rôle au sein de la Société de Marie », une de ses dernières biographes, Gabrielle Trénard, arrête sa biographie en 1824 en expliquant que, par la suite, plusieurs affaires de mœurs l'avaient contraint à quitter les maristes[5]. Quant à savoir qui de Courveille ou Champagnat doit être considéré comme le véritable fondateur de la congrégation, elle juge sage de prendre du recul en expliquant : « En définitive, le rôle de Courveille dans les démarches en faveur de la Société de Marie est mal connu »[1].

La première affaire de mœurs déclencha pourtant une enquête archiépiscopale qui fut diligentée par de Pins et confiée au père Barou, vicaire général. Un autre des biographes de Jean-Claude Courveille, le frère Louis-Laurent, mariste, après avoir affirmé « Nous ne dirons rien », doit reconnaître pourtant qu'en 1826 il y avait eu de lourdes fautes à l’Hermitage et que le père Courveille dut assumer « sur sa tête cette redoutable sentence de notre divin Sauveur : Si quelqu'un scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule de moulin, et qu'on le précipitât dans la mer »[7].

Le pot aux roses ne fut dévoilé, pour la première fois et officiellement, qu'en 1868, quand il fut reconnu dans la congrégation que leur fondateur s'était « compromis avec un jeune postulant » au mois d'avril 1826. Il avait eu comme dénonciateur le père Terraillon, qui fit un rapport à l'archevêché. L'accusateur convint que jusqu'alors : « M. Courveille était regardé partout encore comme un saint, et il l'était vraiment jusqu'à cette époque »[7].

Signature de Jean-Claude Courveille
Abbaye cistercienne Notre-Dame d'Aiguebelle
Façade principale de l'abbaye de Saint-Antoine
Abbaye de Solesmes
Église d'Apinac

Sans avoir été mis au courant de la découverte de son incontinence, le père fondateur préféra pourtant prendre ses distances. Il partit faire une retraite dans l'abbaye cistercienne d'Aiguebelle au cours de la semaine précédant la Pentecôte 1826. Ce ne fut qu'un mois après qu'il donna de ses nouvelles en écrivant le à Champagnat, prêtre et père Directeur des petits frères de Marie. Il y vantait la règle particulière des trappistes qui l'avaient reçu et affirmait vouloir s'y retirer : « Le Supérieur semble mettre tous ses soins à mortifier et à humilier ses inférieurs, dans toutes les occasions, et les inférieurs semblent les recevoir avec un respect, une humilité, j'ai presque dit une sainte avidité, qui fait bien voir qu'ils en sont amateurs et qu'ils laissent au Supérieur une entière liberté de leur conduite. »[7]. Cette attitude correspondait profondément à celle que le fondateur des maristes aurait voulu imposer à sa congrégation, puisque son condisciple, le Frère Louis-Laurent note « Sa sentimentalité refoulée se changea alors de plus en plus en une sévérité outrée et en un besoin maladif d'autorité tyrannique, comme s'il prenait un plaisir malsain à contempler ceux qui luttaient contre l'impossible »[3].

Champagnat et Terraillon ne purent s'entendre sur la réponse à donner à cette démission annoncée. Le lendemain arriva Jean-Claude Colin qui abonda dans le sens de Champagnat. Étienne Terraillon soutint de nouveau son point de vue : « Vous manquez là une belle occasion qui ne reviendra peut-être plus. Vous en serez fâchés, j'en suis sûr. M. Courveille a dans ce pays la réputation d'un saint. Si nous sommes obligés de l'écarter plus tard, comme cela pourra arriver, tout l'odieux nous retombera dessus. En profitant de cette occasion, il se sera exclu lui-même. Croyez-moi, acceptez cette démission. Vous aurez plus tard à vous en applaudir, j'en suis certain. ». Il réussit à convaincre le seul Champagnat qui cosigna la lettre de Terraillon signifiant à Courveille que sa démission était acceptée[8].

Sa mission accomplie, Terraillon quitte l'Hermitage laissant seul Champagnat pour faire face à leur décision. Celui-ci n'avait cédé que lorsque son confrère lui avait révélé la conduite de celui qu'il avait jusqu'alors toujours considéré comme son Supérieur Général et le seul fondateur de la Société de Marie[8].

Courveille ne resta pourtant pas à Aiguebelle. Il préféra se retirer auprès des sœurs maristes de Saint-Clair-du-Rhône, après que Colin eut refusé de le recevoir chez lui à Belley[9]. Son exclusion de facto ne fit pas renoncer le Père Courveille à sa mission de fondateur de la Société de Marie. Il jeta son dévolu sur l'ancienne abbaye de Saint-Antoine, dans l'Isère, pour y établir un nouveau groupe avec le soutien de l'évêque de Grenoble, de Bruillard, et de Jules de Calvières, préfet de l'Isère[10].

Il acheta une partie de l'abbaye pour 60 000 francs et fut rejoint par quelques Frères qui abandonnèrent l’Hermitage. Le , la municipalité de Saint-Antoine vota 220 francs pour fournir aux frères de la Congrégation de Marie des tables avec leurs bancs et une chaire pour le surveillant de la classe. Deux jours plus tard, un arrêté préfectoral acceptait de verser un premier secours de 1 600 F à M. le général de la Société des Petits Frères, qui s'était engagé à fournir des maîtres d'école aux communes qui en demanderaient[10].

Bientôt Courveille réunit autour de lui une quinzaine jeunes gens désireux de devenir religieux enseignants[10]. Il compléta son effectif avec des sœurs maristes de Saint-Clair-du-Rhône qu'il installa à Saint-Antoine pour y ouvrir une école de filles. Mais il ne put tenir ses engagements et fut privé de ses subsides. Les Frères quittèrent Saint-Antoine, seules les Sœurs furent autorisées à rester par une ordonnance royale du [11].

Le , le Conseil de de Pins se dit prêt à lui accorder l'exeat, si cela lui était demandé. Mais la requête ne fut jamais formulée. Aussi, après la Toussaint, il se rendit dans la Loire chez son oncle maternel, toujours curé d'Apinac. C'est de là que, le , il signa un acte de renonciation définitive en faveur de Champagnat. Pourtant à la retraite pastorale de 1832, il tenta une dernière approche auprès de la congrégation pour retrouver sa place. Alors le père Colin lui dit : « Croyez-vous que nous ne soyons pas au courant de votre conduite ? ». Courveille se le tint pour dit[12].

Rejeté de la Société, il décida de mener une vie érémitique. Il construisit près de l'église d'Apinac un ermitage et une chapelle, ce faisant, il acquit à nouveau une grande réputation de sainteté[12]. Mais accueillant des enfants, son passé le rattrapa et convaincu de nouvelles fautes, il quitta définitivement la paroisse de son oncle[13].

Au printemps 1834, il se rendit au Mans où il fut considéré par l'évêque, Mgr Bouvier, comme « un prêtre zélé et vertueux ». Là, il entra en relations avec Prosper Guéranger, bénédictin qui venait de rétablir l'abbaye de Solesmes, en 1833. Le , il y prit l'habit, et le , à l'âge de 51 ans, Courveille fit profession religieuse. Chargé pendant deux années (1839-1840) des frères convers de l'abbaye, il dut abandonner toute charge en 1860, perclus et paralysé des mains à cause de la goutte. Dom Jean-Claude Courveille vécut encore six ans, et mourut le , âgé de 79 ans[14].

Notes et références

  1. Gabrielle Trénard, op. cit., p. 134.
  2. Cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay
  3. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 215.
  4. « Forez histoire », sur forezhistoire.free.fr (consulté le )
  5. Gabrielle Trénard, op. cit., p. 135.
  6. Les missions maristes
  7. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 216.
  8. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 217.
  9. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 221.
  10. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 223.
  11. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 224.
  12. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 225.
  13. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 226.
  14. Frère Louis-Laurent, op. cit., p. 227.

Bibliographie

  • Frère Louis-Laurent, Historique des origines de l'Institut, Bulletin de l'Institut 163, , Tome XXII, pp. 215 - 230
  • Gabrielle Trénard, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Tome VI, pp. 134-135, sous la direction de Xavier de Montclos, Éd. Beauchesnes, Paris, 1994, (ISBN 2701013054).

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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