Jeûne intermittent

Le jeûne intermittent recouvre une famille de régimes alimentaires consistant à alterner des périodes de jeûne et des périodes d'alimentation normale. Ces régimes seraient efficaces pour réduire le poids et la masse graisseuse, mais leurs effets secondaires sont encore débattus.

Principe et variantes

Le jeûne intermittent peut être une stratégie viable pour réduire l'apport calorique, le poids, la masse grasse et améliorer la sensibilité à l'insuline[1],[2],[3],[4],[5].

Le jeûne intermittent alterne des périodes de jeûne et des périodes d'alimentation normale. La durée des phases de jeûne est modulable. Les schémas de jeûne intermittent peuvent être regroupés en trois catégories :

  • le jeûne complet ou jeûne hydrique, où seuls l'eau ou des boissons non caloriques comme le thé ou le café sont consommées les jours de jeûne. Le jeûne en jour alterné est une forme de jeûne complet qui alterne un jour d'alimentation normale pour un jour de jeûne. La durée du jeûne peut être variable, de 12h jusqu'à 48h[1],[2],[3],[6] ;
  • la restriction d’énergie intermittente, comme le jeûne en jour alterné modifié ou le régime 5:2, qui autorise la nourriture les jours de "jeûne modifié" mais avec un apport calorique bien moindre les jours de jeûne de l'ordre de 20 % des jours normaux, ou approximativement jusqu'à 600 calories. Ces variantes sont censées moins impacter l'humeur et faciliter la tolérance par rapport au jeûne complet[1],[2],[7],[8] ;
  • l'alimentation en temps restreint autorise l'alimentation pendant une fenêtre de temps restreinte chaque jour[9]. Une forme commune consiste à jeûner pendant 16 heures chaque jour et ne manger que pendant les 8 heures restantes[10], tandis que des variantes comportent 12 heures de jeûne et 12 heures d'alimentation, ou 23 heures de jeûne et 1 heure d'alimentation[11].

Concernant les aliments qui peuvent être consommés durant les périodes de jeûne, seule l'eau ne déclenche pas le système métabolique qui rompt le jeûne, pourtant les recommandations varient, certains ne préconisant que l'eau, d'autres autorisant le thé ou le café (sans sucre ni lait) ou encore les boissons "0 calorie" avec édulcorant[12]. Le jeûne peut accroître le risque de déshydratation[12].

Le jeûne intermittent a une durée différente (jusqu'à 48 heures) du jeûne périodique (deux jours ou plus)[1],[5].

Des études sont menées à ce sujet depuis 1943[13].

Conséquences physiologiques

Le jeûne en jour alterné est efficace pour la perte de poids, similairement à la restriction calorique[1],[14],[2],[3],[15]. La perte de poids a été observée à la fois chez des personnes obèses et des personnes au poids normal[3]. Des résultats préliminaires chez l'homme semblent montrer que le jeûne en jour alterné améliore certains biomarqueurs, dont la masse grasse, le cholestérol LDL, les triglycérides, la sensibilité à l'insuline et la pression artérielle[5],[16],[17], et sans affecter la masse maigre[14],[2],[3]. Contrairement à la restriction calorique, la perte de poids a été plus souvent maintenue dans le moyen à long terme avec le jeûne en jour alterné[14],[2]. Le jeûne intermittent n'a pas encore été bien étudié chez les enfants, les personnes âgées ou les personnes en sous-poids, et pourrait être néfaste pour ces populations[18]. Le jeûne intermittent peut réduire le sommeil paradoxal[1],[17], mais d'autres potentiels effets sur les fonctions cérébrales sont encore mal connus[18],[19].

Le jeûne intermittent est associé à une plus grande sensation de faim et des sensations amoindries de satiété. Les stratégies de réduction d'énergie intermittente telles que le jeûne en jour alterné modifié, permettant la consommation d'une petite quantité de calories plutôt qu'aucune les jours de jeûne, ont été proposées afin d'être mieux tolérées et maintenues dans le temps, en particulier en accroissant les sentiments de satiété. Ces schémas, bien que semblant efficaces pour la perte de poids, ont pour le moment montré des résultats contradictoires concernant les biomarqueurs[1],[2],[16].

L'alimentation en temps restreint permet une perte de poids moindre voire nulle comparée aux autres variantes de jeûne intermittent[1],[2],[16],[20]. Les jeûnes religieux sont également en cours d'étude, sans confirmation d'efficacité[1],[21],[22]. Le jeûne n'a pour le moment pas démontré de bénéfice pour la prévention ou le traitement du cancer[23],[24].

Une étude publiée en 2018 montre que le jeûne intermittent peut protéger les cellules normales de la toxicité des agents anticancéreux, en réduisant les effets secondaires chez les patients et en augmentant les effets néfastes de la chimiothérapie, de la radiothérapie et de la thérapie ciblée sur les cellules tumorales[25].

Recommandations médicales

La revue médicale indépendante Prescrire a publié un avis en 2007 dans lequel elle ne recommandait pas le jeûne comme méthode d'amaigrissement[26]. Le jeûne, intermittent ou non, n'est pas recommandé pour les cancéreux en France car il n'y a pas d'effet bénéfique démontré, que ce soit en prévention, curatif ou interaction avec les médicaments[23],[27],[28].

En 2015, selon deux revues des données disponibles, le jeûne intermittent peut être une stratégie alternative des professionnels de santé pour promouvoir un amaigrissement chez des personnes sélectionnées, obèses ou en surpoids[14] ; aussi, bien que des effets bénéfiques aient été constatés, des études restent encore nécessaires avant que l'on puisse recommander le jeûne intermittent en pratique courante[29].

En 2018, l'Agence France-Presse conseille de demander l'avis de son médecin avant de commencer[8].

En 2019, une revue de la littérature suggère que le jeûne intermittent, en sus de la perte de poids, peut être bénéfique sur le diabète, les maladies cardiovasculaires et neurodégénératives. Cependant, ces études ont été faites principalement chez les adultes jeunes, ou d'âge moyen, en surpoids, et ne peuvent être généralisées aux autres tranches d'âge[30].

Le jeûne intermittent rencontre des difficultés pratiques d'utilisation : difficulté à débuter ce régime (dans le premier mois : faim, irritabilité et troubles de concentration durant le temps de restriction), difficulté à maintenir ce régime au-delà de quelques mois (dans le cadre socioculturel alimentaire contemporain, avec abondance de nourriture), enfin le fait que la plupart des médecins ne sont pas formés à prescrire ce type de régime[30].

L'étude des mécanismes biochimiques du jeûne intermittent (modèles animaux) pourrait conduire à des recherches pharmacologiques sur des substances (comme la metformine ou le sirolimus) susceptibles d'en « mimer » les bénéfices. Toutefois, la qualité des données disponibles parait encore moindre que celles sur le jeûne intermittent[30].

Régimes apparentés

Notes et références

  1. (en) Ruth E. Patterson et Dorothy D. Sears, « Metabolic Effects of Intermittent Fasting », Annual Review of Nutrition, vol. 37, no 1, , p. 371–393 (ISSN 0199-9885 et 1545-4312, DOI 10.1146/annurev-nutr-071816-064634, lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) A Johnstone, « Fasting for weight loss: an effective strategy or latest dieting trend? », International Journal of Obesity, vol. 39, no 5, , p. 727–733 (ISSN 0307-0565 et 1476-5497, DOI 10.1038/ijo.2014.214, lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) Grant M. Tinsley, La Bounty et Paul M, « Effects of intermittent fasting on body composition and clinical health markers in humans », Nutrition Reviews, vol. 73, no 10, , p. 661–674 (ISSN 0029-6643, DOI 10.1093/nutrit/nuv041, lire en ligne, consulté le ).
  4. Ruth E. Patterson, Gail A. Laughlin, Andrea Z. LaCroix et Sheri J. Hartman, « Intermittent Fasting and Human Metabolic Health », Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, vol. 115, no 8, , p. 1203–1212 (ISSN 2212-2672, PMID 25857868, PMCID PMC4516560, DOI 10.1016/j.jand.2015.02.018, lire en ligne, consulté le ).
  5. Mark P. Mattson, Valter D. Longo et Michelle Harvie, « Impact of intermittent fasting on health and disease processes », Ageing Research Reviews, vol. 39, , p. 46–58 (ISSN 1568-1637, PMID 27810402, PMCID PMC5411330, DOI 10.1016/j.arr.2016.10.005, lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) K. A. Varady, « Intermittent versus daily calorie restriction: which diet regimen is more effective for weight loss? », Obesity Reviews, vol. 12, no 7, , e593–e601 (ISSN 1467-7881, DOI 10.1111/j.1467-789x.2011.00873.x, lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) « What is the 5:2 diet? », BBC Good Food, (lire en ligne, consulté le )
  8. « Pourquoi il vaut mieux préférer le jeûne intermittent aux régimes hypocaloriques », AFP via So Soir, (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Jeff Rothschild, Kristin K. Hoddy, Pera Jambazian et Krista A. Varady, « Time-restricted feeding and risk of metabolic disease: a review of human and animal studies », Nutrition Reviews, vol. 72, no 5, , p. 308–318 (ISSN 0029-6643, DOI 10.1111/nure.12104, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Tatiana Moro, Grant Tinsley, Antonino Bianco et Giuseppe Marcolin, « Effects of eight weeks of time-restricted feeding (16/8) on basal metabolism, maximal strength, body composition, inflammation, and cardiovascular risk factors in resistance-trained males », Journal of Translational Medicine, vol. 14, no 1, (ISSN 1479-5876, PMID 27737674, PMCID PMC5064803, DOI 10.1186/s12967-016-1044-0, lire en ligne, consulté le )
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  15. (en) Leanne Harris, Sharon Hamilton, Liane B. Azevedo et Joan Olajide, « Intermittent fasting interventions for treatment of overweight and obesity in adults », JBI Database of Systematic Reviews and Implementation Reports, vol. 16, no 2, , p. 507–547 (ISSN 2202-4433, DOI 10.11124/jbisrir-2016-003248, lire en ligne, consulté le )
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  30. Rafael de Cabo et Mark P. Mattson, « Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease », The New England Journal of Medicine, vol. 381, no 26, 12 26, 2019, p. 2541–2551 (ISSN 1533-4406, PMID 31881139, DOI 10.1056/NEJMra1905136)
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