Jacques de Jésus

Lucien Louis Bunel, dit Jacques de Jésus ou le père Jacques de Jésus, né à Barentin (Seine-Maritime) le et mort à Linz (Autriche) le , est un prêtre catholique français et religieux carme.

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Jacques de Jésus

Tombe de Père Jacques, cimetière du Couvent des Carmes d'Avon.
Serviteur de Dieu
Naissance
Barentin (France)
Décès  
Linz (Autriche)
Nom de naissance Lucien Louis Bunel
Autres noms Père Jacques
Nationalité  Français
Ordre religieux Ordre des Carmes déchaux
Béatification (ouverture du procès le 29 avril 1997)
Fête 2 juin

Il est honoré à Yad Vashem comme un Juste parmi les nations.

Biographie

Très jeune, Lucien Bunel décide de devenir prêtre. Il entre au petit séminaire de Rouen où on le juge « forte tête » et où ses professeurs apprécient son ardeur au travail, mais nullement son caractère. Il fait son service militaire alors qu'il est séminariste, au fort de Montlignon près de Paris. « Militaire au fort Montlignon en 1920, Lucien Bunel – en religion père Jacques de Jésus – s'attacha à la commune et à ses habitants. Il y créa le premier patronage et y revint chaque été jusqu'en 1941[1] ». Il fait deux retraites à la Trappe de Notre-Dame de Port-du-Salut et se croit appelé à la vie cistercienne. L'influence de la prieure du carmel du Havre et une retraite au couvent des Carmes d'Avon l'orientent définitivement vers le Carmel.

Il est ordonné prêtre le . Il souhaite s'orienter vers l'Ordre du Carmel, mais l'archevêque de Rouen lui refuse son consentement. Ce n'est qu'en 1931 que Lucien Bunel peut entrer au noviciat au couvent des carmes déchaux de Lille où il prend le nom de frère Jacques de Jésus. « C'est la vie du Prêtre, oublier tout, quitter tout, même la vie, pour les autres. N'exister que pour les autres, que pour leur faire connaître Jésus et Le leur faire aimer. »

Il cherche Dieu dans la solitude, la nature, la vie d'oraison, « le calme du bois, dans le murmure des arbres, dans la prière des oiseaux » ».

Pédagogue

L'ancienne cour d'école du Petit Collège d'Avon
Plaque commémorative à Avon.

En 1934, il fonde et dirige le Petit Collège Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus à Avon (Seine-et-Marne) à la demande de son provincial, le père Louis de la Trinité (futur amiral d’Argenlieu), dans une partie du couvent des Carmes. Il y enseigne les lettres classiques. C'est un grand pédagogue, pas un théoricien mais un praticien. Sa manière d’éduquer est un succès[2]. Il y est professeur de lettres classiques et surveillant : les élèves l'appellent parfois « El Santo », le saint. « E-ducere, mener hors de, faire sortir de, faire sortir l'homme total, l'homme épanoui dans l'enrichissement de toutes ses facultés ».

En 1936, il fait une retraite au carmel de Chaville, puis à Pontoise.

Engagement pendant la Seconde Guerre mondiale

De cette plate-forme le père Jacques salua les élèves du Petit Collège le 15 janvier 1944 : « Au revoir les enfants ! À bientôt ! »
Vue du camp de Güsen
Murs du camp de Mauthausen

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'engage très vite dans la Résistance, tout en continuant ses activités au collège d'Avon, il participe à un groupe clandestin lié au réseau de résistance Vélite-Thermopyles[3]. Il offre la protection du collège à des réfractaires du STO. Il permet à Lucien Weil, professeur de sciences naturelles interdit d’enseignement au lycée de Fontainebleau, parce qu'il est juif, de donner quelques cours au Petit Collège[3]. Le père Jacques accueille également trois enfants juifs, Hans-Helmut Michel, Jacques Halpern, et Maurice Schlosser, sous les identités de Bonnet, Dupré et Sabatier[3].

Arrestation et déportation dans les camps nazis

L’arrestation du père Jacques et des trois enfants le a inspiré le film de Louis Malle Au revoir les enfants.

Si son arrestation du est directement liée à celle des trois enfants juifs à la suite d'une dénonciation[4], c'est surtout son implication dans la Résistance qui a motivé sa déportation finale au Gusen[5]. Il est tout d'abord transféré à la prison de Fontainebleau puis au camp de Royallieu, près de Compiègne en France, ensuite au camp de représailles de Neue Bremm, près de Sarrebruck en Allemagne, puis à Mauthausen et Gusen en Autriche.

S'occupant des malades et de l'infirmerie, disant la messe dans le camp[6] et chaque jour, l'offrande de sainte Thérèse à l'amour miséricordieux avec les prisonniers ; durant ses promenades, il porte une poutre autour des murs du camp ; il est très aimé de ses camarades prisonniers, et même des Allemands. Il va s'appuyer sur des réseaux existants, même ceux des groupes de solidarité mis en place par les communistes, groupes qu'il étend et généralise : trois ou quatre déportés par groupe prélèvent une part de leur ration pour la donner à un plus faible. Dans le souci de l'autre, et du plus faible, c'est encore l'homme qui se tient debout. Tous les témoins le diront : le père Jacques était là, près d'eux, aidant ceux qui n'en pouvaient plus, relevant ceux qui tombaient, donnant même son pain à ceux qui avaient faim. Alors que les SS et les gardiens cherchaient à réduire l'homme, à l'anéantir, le père Jacques « réconciliait la guerre avec l'espèce humaine » :

« Quand on rencontrait le père Jacques, particulièrement dans un camp de concentration, on n'avait plus honte d’être un homme... C’était un homme qui vous réconciliait, dans la guerre, avec l’espèce humaine[7] ». Au camp, il encourage chaque prisonnier : « N'en doutez pas, le Christ est là, au milieu de nous, comme Il était sur sa Croix, et vous pouvez le contempler ».

Image de la libération du camp de concentration de Mauthausen le

À la fin, il tombe malade, mais il trouve encore la force, à la libération du camp, de représenter les Français aux réunions du Comité international des déportés. Il meurt à Linz le , à l'hôpital Sainte-Élisabeth. Son corps est transféré à Avon dans le cimetière du Carmel.

Tombe du père Jacques à Avon

Jean Cayrol, son compagnon de déportation, a écrit sur lui quelques poèmes, en particulier Chant funèbre à la mémoire du révérend père Jacques (dans Larmes publiques, Poèmes de la nuit et du brouillard, Seghers, 1946) dont voici la dédicace : "Pour mon plus que frère le Révérend Père Jacques du Carmel d'Avon, directeur du collège de Fontainebleau, qui fit sourire le Christ dans le camp de Gusen, mort d'épuisement à Linz, le ."

Son supérieur provincial, le père Philippe de la Trinité, rassembla, dès 1947, de très nombreux témoignages dans un ouvrage intitulé Le père Jacques, martyr de la charité (collection Etudes carmélitaines, éditions Desclée de Brouwer, 510 pages).

Il est honoré à Yad Vashem comme un Juste parmi les nations[8],[9]. Le il reçoit (à titre posthume) de l'État d'Israël, la médaille de « Juste parmi les nations ».

En France, sa cause en béatification est introduite à Rome le [10].

En 1948, Henri Bouchard a sculpté Le père Jacques.

Livres et film

Biographies

  •  : Philippe de la Trinité, Père Jacques : martyr de la Charité, Desclée de Brouwer,
  • Michel Carrouges, Le père Jacques « Au revoir, les enfants » ..., Cerf, coll. « Épiphanie », , 320 p. (ISBN 978-2-204-07310-3). Préface de Michel de Goedt, carme - 10 photos en noir et blanc hors-texte.
  • Dominique Poirot, Par la croix vers la lumière : Le Père Jacques de Jésus (1900-1945), Cerf, , 165 p. (ISBN 978-2-204-06191-9). Textes des journées de rencontre organisées à la mémoire du père Jacques, les 9- et 22- Préface par Frère Philippe Hugelé, carme.
  • Christiane Meres, Petite vie du père Jacques de Jésus, Desclée de Brouwer, , 158 p. (ISBN 978-2-220-05565-7)
  • Jacques de Jésus, Tenir haut l'esprit – Père Jacques de Jésus, Toulouse, Éditions du Carmel, , 255 p. (ISBN 978-2-84713-065-2)
  • Alexis Neviaski, Le père Jacques. Carme, éducateur, résistant. Taillandier, 2015, 408 pages.
  • Camille W. de Prévaux (scénario) et Jean Trolley (dessin), Au revoir les enfants. La véritable histoire du père Jacques. Prêtre, déporté, Juste parmi les Nations, Monaco/Paris, Éditions du Rocher, , 136 p. (ISBN 978-2-268-09666-7)[11].
  • Signalons aussi La Lettre du Comité Père Jacques de Jésus (39 numéros parus en mai 2021), publiée par le Comité Père Jacques de Jésus, 1, rue Père Jacques - 77210 Avon.

Film et vidéo

  • Les Enfants du père Jacques, 1990, documentaire de 52 minutes, Éditeur : Frère Carmes[12]. Vidéo disponible au couvent d'Avon - 1 rue du Père-Jacques - 77210 Avon) avec le livret : Lucien Bunel 1900-1945
  • Au revoir les enfants, film français réalisé par Louis Malle, sorti en 1987.

Notes et références

  1. Source : commune de Montlignon qui a donné son nom à l'école primaire et secondaire de Montlignon
  2. (de) Claude, « Lucien Bunel », sur martyretsaint.com, Martyrs et Saints, (consulté le ).
  3. sous le numéro de matricule R.X 3.280, témoignage de M. Ballen de Guzman, cité dans Philippe De la Trinité, Père Jacques 1947, p. 324-329.
  4. Philippe De la Trinité, Père Jacques 1947, p. 332-342
  5. Charles Molette, Prêtres, Religieux et Religieuses dans la résistance au Nazisme, Fayard, , 225 p. (ISBN 978-2-213-59446-0), p. 132-133
  6. Il y dira au moins trois fois la messe, à Noël 1944, le 1er janvier 1945 et à Pâques 1945, malgré l'interdiction des Allemands.
  7. « Témoignage de J. Gavard, déporté à Güsen », sur www.inxl6.org, (consulté le )
  8. (fr) « Bunel Lucien » sur yadvashem-france.org (consulté le 29 mai 2017)
  9. Dictionnaire des Justes de France, Fayard 2003, p. 129
  10. « Chronologie », sur perejacques.org, Père Jacques (consulté le ).
  11. Géant Vert, « Au revoir les enfants : manuel du savoir-vivre en société », dBD, no 137, , p. 74.
  12. « Comité Père Jacques de Jésus, Lettre no 32, 2014 » [PDF], sur carmes-paris.org, Province de Paris des Carmes Déchaux, (consulté le ), p. 11.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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