Investissement socialement responsable

L’investissement socialement responsable (ISR) est l'application des principes du développement durable aux placements financiers[1].

Pour les articles homonymes, voir ISR.

Définitions

En , l'Association française de la gestion financière (AFG) et le Forum pour l'investissement responsable (FIR) publient une définition visant à préciser le rôle de l'ISR : « L'ISR (Investissement Socialement Responsable) est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d'activité. En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l'ISR favorise une économie responsable »[2].

Une définition américaine a été donnée dans un avis du Comité Économique et Social Européen (Cf. CESE, Avis du Comité économique et social européen sur le thème « Produits financiers socialement responsables » (2011/C 21/06) avis d'initiative, point 3.1.1). « Il s'agit de produits d'épargne (comptes courants, comptes à fort rendement, livrets d'épargne, dépôts structurés), de produits d'investissement (institutions d'investissement collectif: fonds et sociétés d'investissements; pensions et assurances: plans et fonds de pension, plans de retraite, assurances-vie ou unit linked ; fonds thématiques), d'instruments de financement du crédit et de mécanismes de soutien financier (microcrédits, fonds de roulement, fonds de garantie mutuelle et capital-risque), qui comprennent dans leur conception des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, sans négliger aucunement les objectifs nécessaires en matière de risques et de rentabilité financière ».

Approches

Il est possible de distinguer plusieurs grandes approches de l'ISR[3] :

  • La sélection ESG : cette approche consiste à sélectionner les entreprises ayant les meilleures pratiques environnementales, sociales ou de gouvernance. La méthode de gestion la plus répandue en France est l'approche Best in Class qui consiste à privilégier les émetteurs les mieux notés d'un point de vue extra-financier au sein d'un secteur d'activité[4].
  • L'exclusion : L'approche dite "exclusive" est la méthode originelle des fonds ISR. À l'origine, l'investisseur décide d'exclure de son portefeuille des secteurs d'activité entiers tels que le tabac, les armes ou encore la pornographie et ainsi pratiquer une approche d’exclusion sectorielle. Cette méthode d'exclusion reste largement pratiquée dans les pays anglo-saxons. L'exclusion sectorielle est marquée par un biais culturel. Ainsi, Aux États-Unis, beaucoup de fonds ISR excluent le nucléaire. Plus récemment, se sont développées les exclusions normatives pour exclure les entreprises qui ne respectent pas les normes ou conventions internationales.
  • L'approche thématique : Les fonds n'incluent que des entreprises agissant dans un secteur donné ou favorisant certaines pratiques. Les investissements seront ainsi concentrés dans des entreprises actives dans les domaines du développement durable tels que les énergies renouvelables, l'eau, le traitement des déchets, la santé, etc.
    Cependant, que la thématique soit environnementale ou sociale, les entreprises doivent passer au travers d'un filtre ESG.
  • l’engagement actionnarial : il consiste, pour les investisseurs, à dialoguer avec les entreprises pour exiger une politique de responsabilité sociale plus forte et le cas échéant, à marquer leur opposition par l’exercice des droits de vote en assemblées générales. On parle également dans ce cas d’activisme actionnarial.

Historique

Dénommé également SRI pour Socially responsible investing, la tradition anglo-saxonne de l’ISR trouve ses racines dès le XVIIIe siècle notamment avec le mouvement religieux philanthropique quaker, activement engagé contre l'esclavage, l'activité corsaire ou tout acte de violence, ou encore à la fin du XIXe siècle aux États-Unis où des communautés religieuses interdisaient à leurs membres d’investir dans des sociétés d’armes, d’alcool ou de tabac.

Le premier ISR de l’économie moderne remonte à 1971. À cette date, deux pasteurs de l’Église méthodiste, Luther Tyson et Jack Corbett, lancent le Pax World Fund pour investir dans les entreprises non liées à l’armement.

En Europe et en particulier en France en 1983, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) lance avec le Crédit Coopératif, le premier fonds commun de placement de partage Faim et développement[5]. Une partie des revenus de cet OPCVM est affectée à la création d'entreprises dans le tiers-monde. Dans le même temps, la Société Meeschaert Asset Management créait le premier fonds commun de placement éthique Nouvelle stratégie 50, à l'instigation de Sœur Nicole Reille [6]décédée le qui a présidé l'association Éthique et Investissement de 1983 à 2002 en privilégiant le dialogue avec les entreprises, rencontrant et confrontant les opinions du management et des syndicats. Son objet était de proposer aux investisseurs, particuliers ou institutionnels, des placements boursiers « respectueux de la place de l'homme ». D’abord destiné à valoriser les retraites des religieux des congrégations, est représentée au sein du comité d’éthique Hymnos. Les valeurs du portefeuille qu’elle a créé qui recoupent en partie celles d’Hymnos, incluent France Télécom, le Crédit lyonnais, Rhodia, Axa, Casino Guichard, Unilog, etc. Le choix de ces titres se serait fait « à partir des critères classiques de rendement. Il s’appuie également sur la consultation d’indicateurs éthiques d’évaluation des entreprises établis par un organisme indépendant. Les indicateurs retenus sont conformes aux valeurs défendues par l’association Éthique et Investissement », présidée par Sœur Nicole Reille. « Ces valeurs, précise-t-elle, permettent d’investir des fonds en accord avec celles d’une congrégation, à savoir les droits de l’homme, le respect et le développement de la personne qui entraîne la stratégie sociale de l’entreprise et les modes d’implantation dans les pays du tiers-monde. »

Depuis le , les Principes pour l’Investissement Responsable (UNPRI) sont désormais consacrés par les Nations unies dans le prolongement du pacte mondial. Ces principes marquent la reconnaissance de l’ISR à l’échelle mondiale. Aujourd'hui, l'initiative compte 1596 signataires à travers le monde représentant près de 60 trillions de dollars d'actifs gérés[7].

Origine

L’ISR est fondé sur la conviction que la prise en compte de facteurs sociaux et environnementaux, d’éthique et de gouvernance assure la performance financière des sommes investies à moyen et long terme compte tenu d’une meilleure appréhension des risques et d’un meilleur management.

Pour les investisseurs confessionnels, l’approche ISR correspond à une démarche qui a des fondements religieux profondément liés à leur "éthique des affaires" dont les perspectives sont spécifiques.

On pourra considérer rétrospectivement que la récente consécration de Muhammad Yunus, père du microcrédit constitue une approche ISR avant l’heure parfaitement adaptée à la réalité des sphères d’économiques marchandes écartées des circuits de financements traditionnels dans les économies sous-développées, comme celles dites développées.

L’ISR ne peut constituer en tous les cas a contrario un label d’investissement super-performant ce qui est peut-être « préjudiciable à sa généralisation », selon Danyelle Guyatt (cf. Thèse à l’université de Bath, UK)[8].

Enfin, pour les promoteurs du développement durable in concreto, l’ISR marque d’évidence le signe que le levier financier est désormais capable d’apporter tout son poids à l’évolution des modèles macro et micro-économiques qu’il nourrit. Une nouvelle sensibilité dans le conseil, une orientation stratégique majeure affichée par les institutions financières publiques comme privées qui peuvent permettre d’activer plus rapidement de nouveaux comportements sur toute la chaîne de valeur du producteur au consommateur qui devront internaliser le principe pollueur-payeur.

Le développement de l'ISR sera en tous les cas intrinsèquement lié à la manière dont les investisseurs dans leur ensemble sur un marché financier globalisé appréhendent la donne sociale et environnementale. Les rapports annuels du CERES[9] indiquent clairement depuis 2005 un changement d'attitude de plus en plus net notamment dans le secteur bancaire, véritable "colonne vertébrale" de l'économie mondiale qui prend de plus en plus au sérieux l'impact du changement climatique dans sa gestion des risques. Des progrès sont sans doute encore à faire de la part des banques en matière de transparence non seulement de leurs produits mais aussi sur leurs activités au regard de l'ISR et de leur engagement au titre de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) compte tenu des dernières enquêtes de certaines associations de consommateurs dans plusieurs États membres[10].

L'expérience montre que l'investissement socialement responsable résiste bien dans un contexte de crise financière et économique, et qu'il procure une bonne sécurité des placements.

Moyen et méthodes

Construire une grille

Les grilles multi-critères ISR à caractère extra-financier utilisées par les responsables de ces fonds expriment la recherche d’un investissement durable plus porté sur le long et moyen terme que sur la spéculation « courtermiste » des fonds spéculatifs (ou hedge funds). Ces grilles contribuent comme la RSE pour les dirigeants d’entreprises à être un facteur de gestion du risque car ils permettent une meilleure visibilité et prévisibilité de l’entreprise.

Hétérogènes dans un marché en croissance, ces grilles varient par secteur et selon la culture et l’expérience de chaque investisseur, institutionnel ou non, grand ou petit. Diverses agences de notation ou rating social spécialisées proposent leur grille et classement pour aider les investisseurs à faire leur choix sur le marché. Ces grilles tendent toutes à traquer les risques spécifiques, parfois sociétaux et les pratiques bonnes ou mauvaises des entreprises visées.

Olivier Marquet de la banque belge Triodos Bank, petite structure financière de près de 1000 collaborateurs, confirme la pro-activité des investisseurs éthiques: « l'investissement durable ne consiste pas uniquement à constituer un portefeuille de placement mais aussi à engager un dialogue avec l'entreprise, à exercer une pression sur elle afin qu'elle mette en œuvre une politique durable »[11].

La recherche dans le domaine n’en est qu’à ses débuts. Les principaux investisseurs ISR ont décidé de développer la réflexion analytique sur une logique d’investissement qui bouleverse les habitudes en soutenant financièrement une association consacrée à l'EAI ou l’Enhanced Analytic Initiative.

Comme tout débat sur la mesure et le type de thermomètre utilisé, la conviction des observateurs peut se résumer à la formule suivante : « Pas d'ISR performant sans reporting pertinent ». Les termes du débats sont désormais clairement posés et continueront de perdurer tant que la pertinence des indicateurs durables n'aura pas été confortée par des performances également durables malgré un contexte de mutation rapide des modèles économiques et financiers pour bon nombre d'activités et de secteurs.

Documenter la grille

L’ISR repose avant tout sur les documents produits par les entreprises cibles et par conséquent sur leur rapport annuel de développement durable. En 2005, seuls 25 % des entreprises du SBF 120 ont fait vérifier par tiers expert ces données en tout ou partie. Dans ce dernier cas, on trouve 10 à 20 % d’erreurs ce qui est normal pour des données qualitatives dont la comptabilisation dépend de systèmes réglementaires hétérogènes.

Dans les années à venir, les investisseurs ISR seront sans doute de plus en plus exigeants avec le détail et la fiabilité des données et des indicateurs de suivi. Les tableaux de marche de la réalisation des objectifs proposés par les entreprises seront au centre de cette vigilance.

Les enquêtes voire des tests sur le terrain complémentaires à la revue documentaire devraient également compléter cette vérification des engagements pris.

Le cas particulier du financement de projet

Concernant plus particulièrement le financement de projet, les Principes de l'Équateur auxquels une partie grandissante des institutions financières adhèrent, constituent un facteur de réduction d’hétérogénéité des approches ISR et favorisent son ancrage concret au cœur des projets.

Les ONG interpellent de plus en plus les banques qui financent des projets qu'elles contestent, des barrages hydrauliques aux centrales nucléaires (Centrale nucléaire bulgare Belène qui oppose la BNP et les Amis de la Terre[12]) .

France

Les encours ISR atteignent près de 170 milliards d'euros fin 2013[13] et près de 320 fonds ISR sont proposés aux particuliers[14].

Modèle français en évolution permanente

  • 2001 : Forum pour l'investissement responsable (FIR) voit le jour. Le FIR est l'association professionnelle des acteurs de l'ISR en France dont l’objectif social unique est la promotion de l’ISR en France et au niveau Européen. Cette association a la particularité de regrouper l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de l'ISR : investisseurs, sociétés de gestion, conseils - courtiers, agences de notations extra-financières et conseil investisseurs, organisations syndicales, organisations de place mais aussi des personnalités qualifiées.
  • 2005 : Le FIR a lancé le Prix FIR de la Recherche Européenne « Finance et Développement Durable ». Ces prix récompensent des travaux universitaires et financent des bourses de recherche.En matière de gestion de fonds ISR, l'approche française semble privilégier celle de l'approche best in class en sélectionnant par secteur les sociétés les mieux notées du point de vue de leur cotation extra-financière selon les critères ESG (Environnement, Sociétal et Gouvernance) et sans procéder à des techniques d'exclusion à l'anglo-saxonne. En 2011, Le FIR s'est allié aux PRI (Principles for Responsible investment) qui, eux-mêmes, remettent un prix mondial depuis 2010.
  • 2008 : En mai, Paris Europlace publie 11 recommandations pour favoriser l'ISR[15] : une initiative indispensable pour crédibiliser l'engagement des acteurs français dans cet enjeu d'investissement qui n'est désormais plus du tout un simple phénomène de mode. Pour promouvoir la réflexion française sur l'ISR, une chaire consacrée à l’ISR et intitulée "Finance durable et investissement responsable" a été mise en place la même année avec le soutien de l'AFG[16].
  • 2009 : cette année semble marquer un tournant avec la montée en puissance de l'ISR des épargnants individuels sans oublier l'épargne salariale et la conversion de fonds classiques en fonds ISR. Pour promouvoir l'ISR, l'association ORSE publie un guide fin 2009 qui permet un tour d'horizon complet et anticipe l'article 53 de la loi dite Grenelle I qui dispose : « L’investissement socialement responsable sera encouragé par des mécanismes incitatifs et des campagnes d’information ».
  • 2010 :
    • Conformément aux vœux du législateur, l'ISR a même droit à sa Semaine. En effet, sous l'impulsion du Ministère du Développement Durable, la première semaine de l'ISR, organisée par le FIR se déroule du 4 au . Cette semaine a pour vocation de promouvoir l’investissement socialement responsable (ISR) auprès du grand public, des institutionnels et des professionnels (gestionnaires d’actifs, consultants, réseaux de distribution…)[17].
    • Le Forum pour l'investissement responsable a mis en place une plateforme de dialogue entre investisseurs et entreprises appelée CorDial[18] pour "Corporate Dialogue". L'objectif de cet outil est de permettre aux investisseurs d'effectuer des recommandations sur des questions de RSE. En 2010, le groupe de travail "CorDial" à traiter deux thèmes relevant du domaine de la "gouvernance" et du "social". En 2011, CorDial travaille sur le sujet des risques et opportunités des enjeux environnementaux.
  • 2011 :
    • Le Forum pour l'investissement responsable organise la seconde édition de la Semaine de l’ISR du 10 au . Cet événement est toujours placé sous le Haut patronage du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement (MEDDTL)[19]. Au total, 54 événements ont été organisés partout en France et sur internet.
    • Pour la première fois, le FIR s'est associé à l’agence de notation française Vigeo afin de remettre un prix commun récompensant les entreprises qui développent les meilleures pratiques en matière de gouvernance responsable. Ce prix s’est inscrit dans le cadre de la Semaine de l’ISR 2011. Pour cette édition, le jury a décidé de prendre en compte la performance des entreprises sur des critères relatifs aux principes, objectifs et risques Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dans la gouvernance d’entreprise. Le Prix FIR-Vigeo a été décerné sur base des indices suivants : STOXX Europe 50, CAC 40 et SBF 120. La logique veut que chaque année le prix soit remis sur la base d’un critère E(environnement), S (Social) ou G (Gouvernance), indissociable de la notion d’ISR en France.
    • Les lauréats de l'édition 2011 sont Unilever pour le STOXX Europe 50, Vivendi pour le CAC 40 et Rhodia pour le SBF 120[20].
    • Le FIR et les PRI créent un partenariat pour décerner ce qu'il s'appelle désormais le Prix FIR-PRI de la rechercher européenne "Finance et Développement Durable"
  • 2015 :
    • L'édition 2015 de la Semaine de l'ISR se déroule du 5 au , elle est placée sous le haut-patronage du ministère des Finances et des Comptes publics. Michel Sapin, présent au lancement de la Semaine le annonce officiellement un label ISR soutenu par les pouvoirs publics.
  • 2016 :
    • La Semaine de l'ISR évolue en 2016 pour devenir la Semaine de la finance responsable[21]. L'édition 2016, qui se déroulera du au continuera de parler d'ISR mais englobera aussi d'autres formes d'investissement visant un impact environnemental ou social comme la finance solidaire ou le financement participatif à impact environnemental/sociétal. Elle est lancée le en présence de Ségolène Royal qui annonce un label "financement participatif pour la croissance verte".
  • 2017 : Les Ateliers de la Finance Responsable fêtent leurs 10 ans. Ils contribuent à faire connaître la finance responsable aux associations et fondations. Un compte-rendu est publié à cette occasion par Axylia[22].

Investisseurs institutionnels, acteurs majeurs

Les "zinzins" ou investisseurs institutionnels restent déterminants en créant des fonds ISR en actions et/ou en obligations. Selon la Tribune (cf."Les entreprises et les critères extra-financiers" 16/06/2008) « Des études récemment réalisées par des maisons de notation montrent que 45 % des investisseurs institutionnels français croient en une création de valeur ajoutée, née de la prise de responsabilité de la part des entreprises. Ce constat repose sur la conviction qu'une prise en compte des critères extra-financiers permet d'avoir une vision globale des risques supportés par les entreprises et peut donc avoir une influence significative sur leur performance à moyen et long termes. Ils sont convaincus que, dans le futur, les critères extra-financiers seront considérés davantage dans les décisions de placements par les gestionnaires de fonds. Pour identifier les entreprises les plus durables et les plus responsables, ces fonds d'investissements vont se baser sur la recherche faite par des maisons de notation spécialisées dans ce domaine et sur des indices comme le FTSE4Good et le Dow Jones Sustainability Index. Ces deux indices représentent donc de réels benchmarks pour les investisseurs socialement responsables ».

« Selon une étude publiée par Novethic, l’ensemble du marché de l’ISR (OPCVM et fonds dédiés) a progressé de 88 % pour s’établir à 16,6 milliards d’euros en 2006 mais seuls 6,06 milliards provenaient des particuliers. Et encore, sur ce montant, seulement 3,25 milliards d’euros proviennent de produits ISR vendus aux particuliers par les réseaux bancaires, le solde étant engagé dans l’épargne salariale »[23].

En 2010, la tendance de fond se confirme : « Certes, le poids des particuliers s'est envolé de 111 % pour atteindre 15,6 milliards d'euros d'encours, contre 7,4 milliards d'euros en 2008. Mais les investisseurs institutionnels (en tête desquels les fonds de pension publics et fonds de réserve, caisses de retraite et de prévoyance, compagnies d'assurance et mutuelles) restent très largement majoritaires, avec 69 % des encours ISR »[24].

Banques et assurances françaises désormais impliquées

Mais le système bancaire français semble prendre l'ISR au sérieux. L'approche bilan carbone initiée par la Caisse des dépôts pour sa propre politique d'investissement[25] pourrait inspirer les modèles d'investissements selon le principe d'efficacité et le principe de neutralité carbone comme d'autres banques l'affichent déjà dans le monde. La Caisse d’épargne a proposé en 2007 l'étiquetage ISR de tous ses produits bancaires selon trois critères : risque financier, intensité carbone et prise en compte des impacts sociaux et environnementaux. Malheureusement, cette banque est revenue en arrière après une année et a abandonné cette démarche éthique et transparente.

Pour le secteur de l'assurance, cette approche commence également à trouver un certain succès avec la CNP et BNP Paris Assurance.

Grand public : défi pour l'ISR en France

Alors que depuis dix ans les investisseurs institutionnels ont été sensibilisés à l'ISR, ce concept reste encore méconnu du grand public.

D’après un sondage EIRIS-Ipsos de [26], seulement 6 % de Français savent donner une définition précise de l'ISR alors que plus de la moitié d’entre eux (52 %) disent accorder une place importante ou très importante aux critères sociaux et environnementaux dans leur décision de placement et cette place est amenée à grandir. Il existe donc bien une demande. D’un autre côté, quasiment tous les réseaux bancaires français proposent des produits financiers ISR. L’offre existe bien, mais elle reste peu proposée.

Afin de faire connaître l'ISR aux Français, plusieurs initiatives obligeant la structuration du marché se sont mises en place.

La première est le Code de Transparence dont la dernière mise à jour date de [27] élaboré par l'Association Française de la gestion financière (AFG) et le FIR. Ce code est la version française du Code européen de Transparence pour les fonds ISR ouverts au public. Il est obligatoire pour tous ces fonds. Ce Code est accompagné d’un Manuel fournissant aux sociétés de gestion, dont les fonds sont signataires du code, des indications supplémentaires à même de les aider à apporter les réponses appropriées aux questions posées. 308 fonds gérés par 42 sociétés de gestion différentes avaient adhéré au code au .

De façon complémentaire au Code de Transparence, Novethic - filiale de la Caisse des dépôts - remet des labels[28] attribués aux fonds ISR dont la gestion prend systématiquement en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Leurs promoteurs doivent expliquer publiquement la nature des pratiques ISR retenues, publier un rapport régulier portant sur les caractéristiques ISR des fonds ainsi que sa composition intégrale et détaillée. En 2014, Novethic a labellisé 116 fonds.

Grâce à ces deux initiatives, la France représente un des marchés les plus structurés d'Europe.

En 2013, AMUNDI (1er acteur en France) a obtenu une certification de la part de AFNOR Certification sur sa gestion de ses fonds ISR après l'abandon du label Novethic.

2014/ 2015 : La France, sous l'impulsion du ministre M. Sapin travaille sur la mise en place d'un label ISR gouvernemental. En , le blocage des différents acteurs de la place de Paris semble levé. L'objectif est de présenter le label lors de la semaine de l'ISR 2015.

Labels ISR et TEEC
Le label ISR

Le label ISR est annoncé officiellement par Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics, lors du lancement de la Semaine de l'ISR 2015, le . Le décret n°2016-10 du a définitivement créé le label[29]. Ce label obéit à un cahier des charges auquel chaque fonds souhaitant l'obtenir doit se conformer. Le label est attribué à ce jour par deux organismes certificateurs, Afnor Certification et EY France, qui ont obtenu une attestation d'accréditation délivrée par le Comité français d'accréditation (COFRAC). Un comité du label ISR est installé afin de définir ses grandes orientations et éventuellement les évolutions du référentiel. Il est composé d'un président et de 12 membres[30]. Le label ISR remplace le label ISR Novethic qui est actif jusqu'à fin 2016 et les premiers labels ont été attribués en .

Un décret du 23 juillet 2020 a mis à jour le référentiel du label ISR[31], et rendu éligibles les fonds immobiliers[32] (OPCI, SCPI et autres fonds d'investissement alternatifs) à compter du 23 octobre 2020.

En novembre 2020, Vincent Auriac publie la première étude sur le profil extra-financier des fonds labellisés ISR[33].

Le Label Transition Énergétique et Écologique pour le Climat (TEEC)

Le Label TEEC a été annoncé par Ségolène Royal, Ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer le . Le décret relatif au label datant du paru au journal officiel le . Ce label "a pour ambition de mobiliser une partie de l’épargne au bénéfice de la transition énergétique et écologique et de porter l’excellence écologique française au plan européen"[34]. Le label TEEC suit comme le label ISR un cahier des charges. Il est attribué par deux auditeurs accrédités par le COFRAC, EY France et Novethic. Un comité du label existe également et a les mêmes fonctions que celui du label ISR. Les premiers labels ont été attribués en .

Produits d'épargne populaires ?

Le modèle ISR en France a progressé dès 2006, mais il semble en 2010 avoir toujours du mal à se populariser sans doute compte tenu de l’absence d’une culture d’épargne actionnariale directe à l’anglo-saxonne et ce malgré l’accroissement progressif de l’épargne salariale.

Peut-être un début d'explication sur ce défaut de popularité : « Ce soudain engouement pour les fonds verts pose cependant un problème : il est difficile d'y voir clair, pour l'épargnant particulier, dans une offre assez peu structurée. Il y a confusion entre produits verts et fonds d'investissement socialement responsable (ISR). Ce sont deux catégories différentes, mais certains produits verts peuvent être ISR », résume Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic, le média en ligne du développement durable[35].

Depuis la crise financière de 2008-2009 qui a ébranlé la confiance générale des clients en leur banque et dans les produits d'épargne en actions, un doute du grand public persiste sur la finalité effective de ce type d'investissement.

En 2010, les Amis de la Terre ont publié un rapport critique des produits ISR intitulé : "ISR, l'heure du tri". Comme l'indiquent certains observateurs, « les Amis de la Terre ont étudié la composition des fonds ISR labellisés par Novethic en 2009. Parmi les 89 fonds analysés, pas moins de 71 contiennent dans leurs portefeuilles d'actifs au moins une des 15 entreprises controversées sélectionnées par les Amis de la Terre pour leurs pratiques sociales et environnementales critiquables : Total, BP, Areva, France Télécom, BNP Paribas, AXA, etc. Pour Soisic Rivoalan, rédactrice du rapport, l'appellation « ISR » est totalement illégitime pour une immense majorité des produits d'épargne ainsi nommés par les banques et les assurances elles-mêmes »[36].

Véritable soutien à l'éco-industrie ?

Outre le succès de cette formule d’épargne via les intermédiaires financiers, son débouché naturel en faveur de l’éco-industrie nationale semble laisser à désirer en France en comparaison avec d’autres circuits financiers. Selon le rapport Chambolle de 2006[37], « Une autre voie qui mériterait d’être explorée est celle de l’investissement socialement responsable. Dans les autres pays comparables, une part de cet investissement se consacre au développement des éco entreprises (fonds cleantech), ce qui n’est pas le cas en France. (…). Un dialogue devrait s’ouvrir avec les responsables de ces fonds sur ce point. » (cf. p. 29).

Action contre le changement climatique

Au sommet pour le climat organisé à New York le , près de 350 investisseurs du monde entier ont signé une déclaration reconnaissant l'impact du changement climatique sur leurs portefeuilles financiers. Parmi les signataires français, on compte la Caisse des dépôts et les acteurs publics de la retraite – Fonds de réserve pour les retraites (FRR), l’Erafp et l’Ircantec. Le FRR et l'ERAFP sont allés plus loin : ils se sont engagés avec plusieurs dizaines de leurs pairs à « décarboner » leurs investissements, dans le cadre d'une initiative lancée sous l’égide de l’Initiative finance des Nations unies (Unep FI) et animée par le fonds de pension suédois AP4 et la société de gestion française Amundi. Une autre déclaration a été publiée le  : des investisseurs représentant 2 000 milliards de dollars ont appelé à ce que les « green bonds » et les « climate bonds », obligations qui servent à financer des projets de verdissement de l’économie, atteignent les 100 milliards de dollars, et ont demandé aux entreprises et aux gouvernements de lancer des projets correspondant à ces montants. D’autres options sont proposées, comme celle de dédier un pourcentage des réserves des institutions de retraite au financement de la transition énergétique[38].

À travers le monde

Les montants investis au titre de l’ISR connaissent des progressions diverses suivant les places financières et parfois remarquables ; mais l’investissement ISR conserve une part négligeable au regard de l’investissement total mondial.

Comme l’indique Stuart Langdridge, spécialiste britannique de l’ISR (European Voice, 29/11/2006, p. 37), « Les petites et moyennes valeurs sont seulement juste "sur le radar" ce qui laisse présager de réelles progressions pour ces entreprises dont le potentiel ISR n’est pas à écarter ».

La crise financière qui frappe les États-Unis comme les autres places financières depuis peut constituer un test de résistance des produits ISR existants.

Europe

Comme l'indique Y. Roudaut (cf. Le Monde, Comment investir utile, 11-12/05/2008), chaque pays privilégie une approche différente. « Entre la vision britannique qui promeut l'activisme actionnarial, l'approche scandinave, accordant une place importante à l'exclusion, l'allemande, privilégiant les fonds verts, et l'attitude plus modérée des Français en matière d'engagement actionnarial, l'ISR, offre de multiples visages ».

Le suivi des valeurs ISR en Europe repose principalement sur deux indices utilisés par les fonds pour mesurer la performance ISR : DJSI Europe Composite et FTSE4Good Europe. Des associations spécialisées comme SAM (Suisse) ou Ethibel (Belgique) enrichissent par leurs propres indices utilement la lecture ISR.

European Sustainable Investment Forum (Eurosif) a lancé un code de transparence pour rendre l'ISR plus accessible aux non-initiés. Selon les derniers chiffres 2009[39], l'ISR atteint 1 200 milliards, soit 10 % des encours européens globaux.

Brefs échos des marchés nationaux européens de l'ISR (chiffres 2009 Eurosif, montant des encours des fonds):

  • Suède : 1er marché européen de gestion ISR (216,6 milliards € d'encours). Les fonds de pensions ont été obligés par le législateur d'intégrer des placements ISR dans leurs portefeuilles.
  • Pays-Bas : 2e marché européen de gestion ISR (130,1 milliards € d'encours).
  • Royaume-Uni : 3e marché européen de gestion ISR (54,7 milliards € d'encours).
  • France : 4e marché européen de gestion ISR (50,7 milliards € d'encours). Fin 2010, le total des encours ISR s'élevait à 68,3 milliards d'euros[40] (Source Novethic).
  • Belgique : 5e marché européen de gestion ISR (24,4 milliards € d'encours).
  • Espagne : 6e marché européen de gestion ISR (14,7 milliard € d'encours).
  • Italie : 7e marché européen de gestion ISR (13,1 milliards € d'encours).
  • Allemagne : 8e marché européen de gestion ISR (12,2 milliards € d'encours).
  • Autriche : 9e marché européen de gestion ISR (2,1 milliard € d'encours).

Afrique/ Moyen-Orient

  • Afrique du Sud : FTSE et la Bourse sud-africaine (JSE) ont lancé le projet "Philosophie et Critères" en vue d’établir un index d’investissement socialement responsable.
  • Maroc : La Wafabank crée un premier fonds de partage en 2000.

Amériques

  • États-Unis : constituent par sa tradition financière le premier marché ISR (176 Md. $ en 2002 selon SIF). Les acteurs économiques ne font pas de différence entre l’investissement solidaire et l’investissement socialement responsable qui est synonyme.
  • Canada : second marché en importance (50 Md. $ placés dans des fonds "éthiques", données 2002).

Asie

L'Asie s'ouvre peu à peu également à cette nouvelle approche ISR et notamment à Singapour, au Japon et en Corée du Sud via le secteur bancaire.

Notes et références

  1. « La Finance Responsable », sur www.semaine-isr.fr (consulté le )
  2. « L'AFG et le FIR donnent une nouvelle définition à l'ISR »
  3. Novethic
  4. « Best in class », sur www.semaine-finance-responsable.fr (consulté le )
  5. Interview de Karol Sachs (Crédit Coopératif) contributeur du fonds Faim et Développement (voir pages 8 et 9)
  6. Interview de Sœur Nicole Reille en 2010 par Vincent Auriac
  7. (en) KDIS, http://www.kdis.com.au, « UNPRI 2016 Annual Report », sur www.unpri.org
  8. Le Monde Économie 05/12/2006, Identifier et dépasser les obstacles comportementaux à l’investissement responsable à long terme p. II
  9. Rapports du CERES
  10. Question d'un parlementaire européen
  11. Rafal Naczyk, "La finance éthique, un caractère durable ?" Référence.be 04/2009)
  12. « L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE FRANÇAIS : UN SECTEUR EN MUTATION »
  13. « Les fonds ISR »
  14. Rapport de Paris Europlace
  15. [PDF]
  16. Première semaine de l'ISR
  17. FrenchSIF
  18. Semaine de la finance responsable
  19. Résultats Prix FIR-Vigeo 2011
  20. Tagora France, « La Semaine de l'ISR devient la Semaine de la finance responsable », sur www.prefon-retraite.fr (consulté le )
  21. Compte-rendu des 10 ans des Ateliers de la Finance Responsable publié en 2017 par Axylia, dirigé par Vincent Auriac
  22. La Tribune, 08/06/2007, "Focus; L’ISR a encore du mal à convaincre les particuliers"
  23. Le Figaro, 04/10/2010, "Investissement responsable : les banques peuvent faire plus"
  24. Caisse des Dépôts : bilan carbone
  25. « http://www.frenchsif.org/isr/wp-content/uploads/EIRIS-FIR-re%CC%81sultats-sondage_2014_French.pdf », sur www.frenchsif.org (consulté le )
  26. DELPHINE ROBICHON, « Code de tranparence ISR », sur www.afg.asso.fr (consulté le )
  27. Labels ISR Novethic
  28. « Cahier des charges du label ISR soutenu par les pouvoirs publics », sur www.tresor.economie.gouv.fr (consulté le )
  29. « Appel à manifestation d’intérêt : comité du label "Investissement socialement responsable" », sur www.tresor.economie.gouv.fr (consulté le )
  30. DG Trésor - Ministère de l'économie et des finances, « Mise à jour du référentiel du label ISR », sur https://www.tresor.economie.gouv.fr/, (consulté le )
  31. C Dulary, « Le label ISR immobilier va estampiller les SCPI et fonds « responsables » », ideal-investisseur.fr, (lire en ligne)
  32. Vincent Auriac, « Première étude sur l’impact extra-financier des fonds ISR », sur siteaxylia, (consulté le )
  33. « Le label transition énergétique et écologique pour le climat - Ministère de la Transition écologique et solidaire », sur www.ecologique-solidaire.gouv.fr (consulté le )
  34. La Tribune, 02/11/2007, "ISR: l'investissement socialement responsable a le vent en poupe"
  35. Actu-Environnement.com , 04/10/2010, "Semaine de l'investissement responsable : les critères « extra-financiers » ont le vent en poupe"
  36. Rapport Chambolle sur le site du ministère de l'écologie
  37. Sommet mondial pour le climat : un effort massif des investisseurs, Novethic, 23 septembre 2014.
  38. Eurosif, European SRI Study 2010
  39. Novethic, Les chiffres 2010 du marché français de l'ISR

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’économie
  • Portail de la finance
  • Portail de l’environnement
  • Portail des coopératives
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.