Honneur de la Police

Honneur de la Police est le nom d'une supposée [1]association de malfaiteurs d'extrême droite, emprunté en homonymie au groupe de résistants de la préfecture de police, qui servit à revendiquer plusieurs attentats et menaces à partir de la fin des années 1970. Ses membres n'ont jamais été identifiés. Il n'a jamais été possible d'établir si oui ou non l'appellation « Honneur de la Police » désignait bien des policiers ou des criminels de droit commun.

Pour l’article homonyme, voir Honneur de la police (Résistance).

Honneur de la Police
Idéologie Nationaliste
Objectifs Lutte contre la « subversion gauchiste »
Statut Inactif
Fondation
Date de formation ~ 1979
Pays d'origine France
Actions
Mode opératoire Menaces, assassinats, attentats à la bombe
Victimes (morts, blessés) 1
Zone d'opération France
Période d'activité 1979-1980
Organisation
Groupe relié Groupes antiterroristes de libération

Chronologie des faits

L'événement déclencheur

Vendredi . Alors que l'industrie sidérurgique connait une crise sans précédent, la CGT organise une manifestation à Paris au cours de laquelle des dégradations et des affrontements avec les forces de l'ordre sont commises par des groupes de "casseurs". L'un d'eux est arrêté par le service d'ordre de la CGT en flagrant délit de vandalisme, qui découvre avec stupeur qu'il s'agit d'un gardien de la paix[2] de la préfecture de police : Gérard Le Xuan[3]. Niant toute exaction, le policier affecté au 2e arrondissement de la capitale explique qu'il opérait sur un service d'ordre lorsqu'il a été molesté par des membres de la CGT. L'affaire fait inévitablement scandale[4].

Revendication de deux actes criminels

Mardi . Une explosion d'origine criminelle détruit vers 3 h du matin le véhicule personnel de Maurice Lourdez, responsable de la coordination des services d'ordre au sein de la CGT, alors qu'il stationne près de son domicile, rue des Lilas à Mitry-Mory. L'explosion qui ne fait aucun blessé a néanmoins causé de nombreux dégâts. Dans une lettre anonyme adressée à l'AFP dans les heures qui suivirent, un mystérieux réseau « Honneur de la Police » revendique l'attentat, reprochant les violences commises contre le gardien de la paix Le Xuan par le service d'ordre cégétiste et fustigeant le supposé laxisme du ministère de l'Intérieur à ce sujet : « Les policiers de tout grade, solidaires, se préparent désormais à assurer eux-mêmes leur défense. Ils en ont les moyens[5]... »

Jeudi . Pierre Goldman, militant d'extrême-gauche ayant basculé dans le banditisme, est assassiné par trois individus dans le 13e arrondissement de Paris. Le meurtre est aussitôt revendiqué par le réseau Honneur de la police[6] qui déclare : « La justice du pouvoir ayant montré une nouvelle fois ses faiblesses et son laxisme, nous avons fait ce que notre devoir nous commandait. » Goldman avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1974 pour une attaque à main armée qui fit deux victimes, et acquitté en 1976 pour les mêmes faits[7].

Autres affaires de menaces de mort

Mardi . Le chercheur physicien Jean-Pierre Vigier, ancien résistant et militant communiste, est victime d'une tentative d'assassinat alors qu'il quitte le domicile familial à Ville-d'Avray à bord de son véhicule. Vers 19 h un automobiliste le dépasse et tire à deux reprises avec une arme de poing dans sa direction, puis tente d'immobiliser le véhicule du chercheur, en vain. Dans une conférence de presse, il indiquait avoir été menacé par le réseau Honneur de la police. L'enquête est confiée à la brigade criminelle et n'aboutit pas[8].

Jeudi . Le comédien Michel Colucci (alias Coluche) donne une conférence de presse et indique son intention de se présenter à la prochaine élection présidentielle. À la fin de ce même mois, il informe la presse qu'il a reçu plusieurs menaces jugées sérieuses par les services de police émanant du groupe Honneur de la police. Il lui est reproché sa participation au film de Claude Zidi Inspecteur la Bavure dans lequel il joue un inspecteur de police gaffeur et incompétent[9].

En , le groupe Trust sort un premier disque très engagé et s'attire la colère du réseau Honneur de la police, qui envoie des menaces de mort au leader du groupe Bernie Bonvoisin. Principaux reproches : la chanson Police-Milice et un public parfois violent, comme lorsqu'il saccage les salles municipales, par exemple à Roanne en .

Suites judiciaires

La piste des Groupes antiterroristes de libération

En 2006, un commissaire de police à la retraite, Lucien Aimé-Blanc, dévoile dans un livre que l'un de ses indicateurs, Jean-Pierre Maïone-Libaude, serait directement impliqué dans l'assassinat de Pierre Goldman pour le compte des Groupes antiterroristes de libération[10]. Honneur de la Police a été considéré comme un réseau terroriste d'extrême droite, cependant, aucune preuve tangible de l'existence de ce groupe et de liens avec les Groupes antiterroristes de libération n'a pour l'instant été mise au jour, et tout laisse penser que ledit groupe n'a jamais réellement existé en tant que tel ou qu'il n'était qu'une revendication ponctuelle et opportuniste, c'est-à-dire en n'étant ni commanditaire ni exécuteur. L'utilisation du nom Honneur de la Police, en créant la confusion à travers une histoire de vengeance policière, permettait surtout de laisser dans l'ombre les véritables commanditaires de l'assassinat, peut-être les Groupes antiterroristes de libération, et de justifier ce meurtre par l'acquittement, jugé inacceptable, de Pierre Goldman dans une affaire où il avait été accusé de l'assassinat de deux pharmaciennes et d'avoir également blessé grièvement un client et un policier.

La piste de l'implication du Service d'action civique

En 2010, l'enquête indépendante d'un journaliste, Michel Despratx, livre une autre version des faits et attribue l’assassinat à un groupe d'individus liés au service d'action civique. Selon le témoignage anonyme de l'un des membres, le groupe aurait agi sur ordre de Pierre Debizet, gaulliste de la première heure et alors président du SAC, et était formé d'un ancien parachutiste et de deux policiers, l'un travaillant à la section de direction des Renseignements généraux et l'autre à la Direction de la surveillance du territoire[11].

Prescription de l'affaire

Le plasticage du véhicule de Maurice Lourdez et l'assassinat de Pierre Goldman demeurent deux affaires irrésolues et tombent dans la prescription de l'action publique.

Selon Frédéric Charpier, journaliste d'investigation spécialisé dans les domaines du renseignement, Honneur de la police « n'était pas une organisation en tant que telle » mais « un label commode pour les commanditaires de ces flingages, principalement les services spéciaux. » Sa composition était « sans doute individuellement très à droite et puisée dans le milieu d'un certain mercenariat très prisé pendant la guerre froide. On y trouvait un peu de tout dont des soldats de fortune, des ex de l'OAS, quelques activistes d'extrême droite et du SAC[12]. »

Notes et références

  1. « FAITS D'HIER - "CASSEURS" : LA POLICE PRISE EN FLAGRANT DÉLIT », Le Media, (lire en ligne, consulté le )
  2. « Policiers provocateurs : vrai problème démocratique », mediapart.fr, (lire en ligne, consulté le )
  3. « Un casseur, prétendu autonome était en fait un gardien de la paix accuse la C.G.T. », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  4. « M. Georges Séguy : une preuve irréfutable », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  5. « Un réseau Honneur de la police revendique un attentat », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  6. « Honneur de la police revendique l'assassinat de Pierre Goldman », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  7. « Un groupe honneur de la police a revendiqué son exécution », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  8. « M. Jean-Pierre Vigier affirme avoir échappé à une tentative d'assassinat », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  9. L.G, « Coluche menacé », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  10. « Mon indic a flingué Pierre Goldman », sur Libération.fr (consulté le )
  11. « Un ancien tueur se confie : J'ai assassiné Pierre Goldman », sur Rue89 (consulté le )
  12. Alexis Ferenczi, « « Honneur de la police »: quand les terroristes portaient le képi », sur www.vice.com,

Voir aussi

Lien interne

Bibliographie

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