Histoire du système de santé au Québec

L'histoire du système de santé au Québec retrace au cours du temps la formation de l'actuel réseau de santé public du Québec.

Histoire

Premières institutions médicales de la colonie

La colonisation française de l'actuel territoire du Québec débute au commencement du XVIIe siècle, avec la fondation de la ville de Québec en 1608. Il faut attendre plusieurs décennies avant la fondation et l'établissement d'institutions médicales sur le territoire. Jusqu'à la fondation de la colonie royale en 1663, on y compte seulement quelques centaines d'habitants. La colonisation de la Nouvelle-France s'effectue en reproduisant l'organisation de la France de l'Ancien régime[1]. La France compte à l'époque deux types d’hôpitaux : les hôtel-Dieu, destinées à héberger les pauvres, les vieillards et soigner les malades, et les hôpitaux généraux destinés à enfermer et à faire travailler les pauvres et les orphelins.

Marie-Madeleine de Vignerot d'Aiguillon, qui utilise une partie de sa fortune à soulager la pauvreté et fonder des établissements de charité[2], fonde Hôtel-Dieu de Québec le 16 août 1637[3]. Sans jamais quitter la France, elle obtient un fief de la Compagnie des cents associés à Québec et s'assure du concours de trois hospitalières de Dieppe, menés par Marie Guenet de Saint-Ignace, pour prendre en charge le nouvel hôtel-Dieu[3]. Les hospitalières arrivent à Québec en août 1639 en pleine épidémie de variole chez les Algonquins.

Arrivée en mai 1642, l'infirmière Jeanne Mance fonde le l'Hôtel-Dieu de Montréal avec le soutien financier d'Angélique Faure de Bullion.

Durant le régime français jusqu’à la capitulation de Montréal en 1760, les actes chirurgicaux de la population civile ou combattante furent assurées surtout par des chirurgiens de marine ou militaire. Seulement quatre médecins diplômés d’une université européenne vinrent pratiquer leur profession dans la colonie[4].

Ces derniers s’installèrent à Québec, siège de l’amirauté, de l’état-major et du clergé. Les congrégations religieuses fondent graduellement au cours des années suivantes une série d'établissements hospitaliers, dans toutes les régions du Québec.

Expansion des réseaux privés et ratés de la libéralisation

Salle commune, Hôtel-Dieu, Montréal, 1911

Au début du XXe siècle, les principaux établissements de santé sont gérés par des communautés religieuses.

En 1921, le gouvernement Louis-Alexandre Taschereau à faire adopter par l'Assemblée législative la Loi sur l'assistance publique qui octroie un soutien financier du gouvernement aux établissements de santé qui hébergent les plus pauvres. À l'époque, la santé et l'éducation sont tout deux géré par un même Secrétariat provincial. En 1926, le gouvernement établit un réseau d'unités sanitaires dans chaque comté de la province[5].

En 1936, peu après l'arrivée au pouvoir de l'Union nationale, le gouvernement Maurice Duplessis crée le ministère de la Santé[6]. Le médecin et député de l'Union nationale Albiny Paquette, occupera le poste de ministre de la santé de 1936 à 1939 et de 1946 à 1958 soit pendant la presque totalité des deux gouvernements Duplessis.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, le patronat de la grande entreprise, l'Église, les directions d’hôpitaux, les médecins et les philanthropes du Québec appuient la création d'un système s’appuyant sur de grandes compagnies d'assurances privées, similaire à celui des États-Unis, et s'opposent aux pressions grandissantes pour la « socialisation » du réseau[7].

Au cours des années 1940, la Croix Bleue devient le plus important fournisseur d’assurance maladie au Québec, loin devant la Metropolitan Life, Continental Casualty et Great-West Life[7]. Toutefois, au cours des années 1950 peu de québécois sont couverts par des régimes pléniers et les coûts des assurances augmentent beaucoup plus vite que les revenus[7]. De nombreux hôpitaux et congrégations religieuses entrent en conflit avec les compagnies d'assurances qui imposent des restrictions et ne peuvent garantir des revenus suffisamment élevés pour subvenir aux besoins des établissements. Les déficits des hôpitaux généraux publics deviennent un problème généralisé face à la hausse de la rémunération du personnel[7]. Les hôpitaux religieux s'en sortent un peu mieux dans la mesure où les religieuses, qui travaillent de 12 à 15 heures par jour, ne sont pas rémunérées[7].

À la fin des années 1950, les déficits des hôpitaux du Québec deviennent un problème généralisé, récurrent et « hors de contrôle »[7].

En 1945, 23 communautés s'occupent de 78 hôpitaux comprenant 25 213 lits[8]. En 1961, elles administrent des hôpitaux qui totalisent 37 000 lits et berceaux[9].

Durant cette période, l'Université McGill, se positionne en tant que centre de recherche médicale de renommée mondiale, en particulier avec les travaux du Dr Wilder Penfield. Le neurochirurgien bien connu fonde l'Institut de neurologie de Montréal en 1934.

Révolution tranquille : étatisation et consolidation du réseau québécois

L'arrivée au gouvernement des libéraux de Jean Lesage, après le décès de Maurice Duplessis, entraîne le début de la Révolution tranquille, une période de réformes et de modernisation de l'État québécois. C'est durant cette période, qui s’échelonne au cours des années 1960 et 1970, que les bases du système de santé québécois actuel prend forme[10]. Les réseaux existants, propriétés des congrégations religieuses et d'organismes philanthropiques, sont étatisés et consolidés.

Le processus d'étatisation débute en 1961 avec l'adhésion du Québec au programme public d’assurance-hospitalisation du gouvernement du Canada. Ce programme, mis sur pied en 1957, permet aux citoyens d'accéder aux soins hospitaliers gratuitement[10]. En 1963, le gouvernement Lesage crée le Comité d'étude sur l'assistance publique qui publie son rapport en 1963[11]. Le comité conclut que l'État doit accroître son rôle et légiférer dans ce domaine.

En 1966, le gouvernement fédéral adopte la Loi sur les soins médicaux qui prévoit le remboursement ou le partage de la moitié des coûts assumés par les provinces et les territoires pour les frais de médecins encourus à l'extérieur des hôpitaux.

La commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, ou commission Castonguay-Nepveu, est mise sur pied par le gouvernement unioniste de Daniel Johnson en 1966 pour concevoir un nouveau système de santé et de services sociaux pour le Québec. Les travaux de la commission se terminent en 1972 avec la publication d'un rapport qui préconise que l'État québécois soit le seul acteur jugé apte à prendre en charge les services sanitaires et sociaux au Québec[10]. La Loi sur les services de santé et les services sociaux est sanctionnée sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa en 1971. L'administration du régime universel d'assurance maladie, qui débute en 1970, est confié à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ)[10]. Le Québec est la dernière province canadienne à se doter d'un système de santé public[12]

Réformes des années 1980, 1990 et virage ambulatoire

En 1984, Loi canadienne sur la santé remplace les lois sur l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation et fixe les principes de transférabilité, d'accessibilité, d'universalité, d'intégralité et de gestion publique des systèmes de santés provinciaux[13].

Dans un optique de rigueur budgétaire, le gouvernement Lucien Bouchard s'engage en 1996 à faire passer le déficit du Québec de 3,9 milliards $ à 0 $ en quatre ans, une politique nommée « déficit zéro »[14]. Pour arriver à cet objectif, le gouvernement ampute de 2 milliards $ le réseau de la santé en fermant sept hôpitaux et plus de 6 500 lits et mettant à la retraite plus de 30 000 travailleurs[14]. En plus des fermetures et des mises à la retraite, le gouvernement entame le virage ambulatoire, une politique de désinstitutionnalisation. Par exemple, la durée de l’hospitalisation dans les hôpitaux québécois passe de 53 à 17 jours pour les fractures de la hanche et de 104 à 48 jours pour les greffes hépatiques[15]. Les patients sont pour la plupart transférés à leur domicile et pris en charge par des proches-aidants. Cette situation est dénoncée par le Conseil du statut de la femme qui indique que les femmes sont surreprésentées dans le rôle de proche-aidants, et la plupart du temps, à titre bénévole[15].

En 1997, suite au Rapport Gagnon, Québec sanctionne la Loi sur l’assurance médicaments qui crée le Régime public d'assurance médicaments. Ce régime hybride donne un accès « raisonnable et équitable » à une couverture d’assurance pour les médicaments d’ordonnance à tous les résidents du Québec[16]. Le Québec est la première province se doter d'une telle assurance[17]. Tout employeur doit offrir une couverture privée des médicaments d’ordonnance qui est égale ou supérieure aux critères minimaux du régime public[16].

La recherche médicale et pharmaceutique est très active à Montréal, avec des laboratoires des principales entreprises mondiales dans le domaine pharmaceutique.

En , l'Hôpital de Montréal pour enfants, l'Hôpital Royal Victoria, l'Hôpital général de Montréal, l'Institut neurologique de Montréal et l'Institut thoracique de Montréal s'associent pour former le Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Réforme Couillard, mégahôpitaux et réforme Barette

En 2003, le gouvernement Charest entame une réforme dans la structure du réseau de santé dans une optique de réduction de la taille et des dépenses de l’État[18]. La réforme Couillard, nommée après le ministre de la Santé Philippe Couillard, entraîne la formation de deux nouvelles structures : les Agences de la santé et des services sociaux (ASSS) et les Centres de santé et de services sociaux (CSSS). La restructuration est rendue possible par l'adoption sous bâillon des lois 21 en 2003 et 32 en 2005. Inspirée par la nouvelle gestion publique et appuyée par la Chambre de commerce du Québec et le Conseil du patronat du Québec, la réforme impose de nouvelles normes de gestion, le recours à des agences privées de personnel et encourage la compétition au sein des CSSS pour des ressources limitées[18].

Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ouvert depuis le printemps 2015

Au cours des années 2010, Montréal voit la construction de quatre grands projets d'hôpitaux universitaires soit la construction du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), de son centre de recherche (CRCHUM pu Centre de recherche du centre hospitalier de l'Université de Montréal), du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Au total, le coût combiné de construction de ces quatre projets, réalisée en partie en partenariat public-privé, totalise milliards $[19]. La construction du CUSM a été entaché par la corruption, 22,5 millions $ en pots-de-vin ont été remis à deux hauts responsables du CUSM pour que le contrat de construction soit octroyé à SNC-Lavalin[20].

En avril 2015, le gouvernement Couillard sanctionne sous bâillon la loi 10, la réforme Barrette, nommée après le ministre de la Santé Gaétan Barrette, qui souhaite réduire de 220 millions $ par année dans le système de santé. La réforme entraîne une concentration et uniformisation du pouvoir avec la création de 34 Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) pour remplacer 182 unités administratives[21].

Notes et références

  1. « Régime seigneurial | l'Encyclopédie Canadienne », sur www.thecanadianencyclopedia.ca (consulté le )
  2. « Vignerot, Marie-Madeleine de - Répertoire du patrimoine culturel du Québec », sur www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca (consulté le )
  3. « Biographie – GUENET, MARIE, dite de Saint-Ignace – Volume I (1000-1700) – Dictionnaire biographique du Canada », sur www.biographi.ca (consulté le )
  4. https://www.cfqlmc.org/bulletin-memoires-vives/bulletins-anterieurs/bulletin-n-25-mai-2008/la-medecine-en-nouvelle-france-les-chirurgiens-de-montreal-1642-1760
  5. Bilan du siècle - Création des unités sanitaires de comté.
  6. « Maurice Duplessis, figure de proue de la santé publique au Québec », sur ici.radio-canada.ca (consulté le )
  7. François Guérard et Yvan Rousseau, « Le marché de la maladie : soins hospitaliers et assurances au Québec, 1939-1961 », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 59, no 3, , p. 293–329 (ISSN 0035-2357 et 1492-1383, DOI 10.7202/013081ar, lire en ligne, consulté le )
  8. http://chac.ca/about/history/docs/chronologie%201945.pdf
  9. Marie-Claude Thifault, L’incontournable caste des femmes : Histoire des services de santé au Québec et au Canada, University of Ottawa Press (ISBN 978-2-7603-0782-7), p. 83.
  10. François Guérard, « Le système de santé au Québec », Usito, (lire en ligne)
  11. « Création d'un Comité d'étude sur l'assistance publique », sur bilan.usherbrooke.ca (consulté le )
  12. ICI.Radio-Canada.ca, « Les 40 ans de l'assurance maladie au Québec », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  13. Santé Canada, « Le système des soins de santé du Canada », sur aem, (consulté le )
  14. « Déficit zéro : douloureux coup de barre », sur Le Soleil, (consulté le )
  15. Virage ambulatoire - Il faut redresser la trajectoire - Synthèse Conseil du statut de la femme, Conseil du statut de la femme, (lire en ligne)
  16. « - Loi sur l’assurance médicaments », sur legisquebec.gouv.qc.ca (consulté le )
  17. « CHC » Histoire des soins de santé publics au Canada » (consulté le )
  18. Melanie Bourque et Amélie Quesnel-Vallée, « Intégrer les soins de santé et les services sociaux du Québec : la réforme Couillard de 2003 », Health Reform Observer - Observatoire des Réformes de Santé, vol. 2, no 2, (ISSN 2291-6369, DOI 10.13162/hro-ors.02.02.01, lire en ligne, consulté le )
  19. « Hôpitaux universitaires montréalais: un prix réel de 7 milliards », sur La Presse, (consulté le )
  20. Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Saga du CUSM : « La plus grande fraude de corruption de l’histoire du Canada » | La commission Charbonneau », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  21. «La pire réforme de la santé», sur Le Devoir (consulté le )

Voir aussi

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