Histoire des Juifs à Zurich

Zurich est l'une des villes suisses où le judaïsme est le plus répandu (avec Bâle et Genève). C'est le cas depuis le début du 20e siècle. La vie juive à Zurich remonte jusqu’au Moyen Âge.

Le Moyen Âge

La communauté juive de Zurich est mentionnée par écrit pour la première fois en 1273 et était à cette époque largement acceptée par la ville et sa population[1].

Dès le 14e siècle, on construit une synagogue à Zurich, près de la Froschaugasse. Elle est aujourd’hui commémorée par la Synagogengasse. À l'époque, la Froschaugasse s’appelait la Judengasse[2]

La maison voisine, Brunngasse 8 (Zum Brunnenhof), abrite d'importantes fresques, datées stylistiquement d'environ 1330, dont des armoiries avec des descriptions en hébreu. Les peintures ont été redécouvertes en 1996. Les habitants médiévaux de la maison, qui servait probablement aussi comme lieu de rencontre pour la communauté juive, étaient vraisemblablement des citoyens importants. Les sources indiquent que ceci étaient probablement les frères Moses et Gumprecht ben Menachem et leur mère, Minne[3]. Les fresques ont été faites accessibles  au public dans le cadre du musée "Schauplatz Brungasse". Moïse ben Menachem est l’érudit hébreu qui a écrit le Semak de Zurich, un commentaire du Sefer mitzvot katan (petit livre de commandements) d'Isaac ben Joseph de Corbeil[4]. Il reste à ce jour l'ouvrage d'érudition hébraïque le plus influent écrit en Suisse.

Avec l'apparition de la peste noire en 1349, Zurich, comme la plupart des villes suisses, persécute et brûle les juifs locaux. Leurs biens sont confisqués et répartis entre les non-juifs de Zurich, le maire Rudolf Brun en obtient une part importante. La synagogue est détruite. Les sources qu’on a retrouvés de l’époque indiquent que les frères ben Menachem et leur mère Minne, qui vivaient dans la Brunngasse 8, ont également été assassinés[5].

Dès 1354, un certain nombre de juifs se réinstalle à Zurich. Le nombre de cette deuxième communauté juive arrive à une centaine de personnes (environ 2% de la population de Zurich) vers la fin du siècle. Au tournant du siècle, la situation juridique et économique des juifs de Zurich se détériore. À partir de 1404, les juifs sont légalement exclus du droit de témoigner contre les chrétiens devant les tribunaux et, en 1423, ils sont bannis  de la ville pour une durée indéterminée[4].

XVIIe et XVIIIe siècles

1633, on a retrouvé dans plusieurs documentations de l’époque que la ville encourage la persécution et l'expulsion des juifs de Rheineck, qui, ayant été déplacés d'autres villes, devenaient plus nombreux. En 1634, les juifs sont interdits d'entrée dans la ville de Zurich et un juif de Lengnau, Samuel Eiron, est exécuté pour blasphème le . À la suite de cet événement, le maire et le conseil municipal de Zurich ordonnent à ses subordonnés (Landvögte) d'expulser tous les juifs de leurs terres. Bien que cette directive ait également été donnée à la Grafschaft de Baden, une vingtaine de familles juives sont autorisés à y rester, après que le Landvogt Alphons Sonnenberg de Lucerne rappele au conseil de Zurich que sa position l'autorise à accorder l'asile à ses sujets[6].

En 1787, sous la protection de Castell-Remlingen, l'opticien juif Samson Henlein et son partenaire Nehemias Callmann reçoivent la permission de passer huit jours à Zurich afin d’ acheter et échanger des instruments d'optique et de pratiquer leur métier[6].

XIXe siècle

Au cours du XIXe siècle, la situation des juifs à Zurich devient de plus en plus tendue.  Le gouvernement français exige la reconnaissance des droits de ses citoyens juifs vivant en Suisse, où ils sont soumis à de nombreuses formes de discrimination. Vers le début du XIXe siècle, quelques juifs alsaciens et un juif d'Endingen parviennent à s'installer à Zurich. Leur nombre augmente au cours du siècle, avec un nouvel afflux après 1848 en provenance d'Endingen et de Lengnau, puis d'Europe de l'Est. Une petite communauté juive émerge, comptant 100 personnes en 1862. Cette année-là, après la déclaration de la pleine égalité juridique et politique des juifs dans le canton de Zurich, l'Israelitischer Kultusverein est fondé, ensuite rebaptisé Israelitische Cultusgemeinde[7].

Deux ans plus tard, l'université a un doyen juif, Max Büdinger, et à partir de 1883, il y a à nouveau une synagogue à Zurich. Avec le référendum de 1866, les juifs de Suisse sont accordés la liberté d'établissement et le plein exercice des droits civils, mais ces droits ne sont pas pleinement implementés dans la constitution fédérale suisse avant 1874.

En 1895, les juifs orthodoxes fondent la Israelitische Religionsgesellschaft Zurich. C'est l'une des deux communautés orthodoxes de la ville. La seconde est Agudas Achim, fondée en 1927.  Agudas Achim ("Association des frères") a été fondée à Zurich au début du XXe siècle à la suite de l'immigration de juifs d'Europe de l'Est qui fuyaient les pogroms. La communauté est a-nos jours fortement influencée par le hassidisme polonais[8].

À partir du XXe siècle

À partir de 1920, la ville de Zurich met en place des règles de citoyenneté spéciales qui discriminent les juifs d'Europe de l'Est. Ces règles sont abandonnées en 1936[9].

En 1920, la proportion de la population juive s'élève à 1,3%. Les juifs qui sont venus s'installer à Zurich dans le premier quart du 20e siècle étaient souvent indépendants, travaillant comme fabricants de vêtements et de linge, avocats, médecins ou commerçants[10].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des juifs réfugiés en Suisse viennent à Zurich et y obtiennent le droit d'y résider de 1940 à 1943. Les fonds nécessaires pour les nombreux réfugiés juifs sont collectés, non pas par les autorités suisses, mais par la FSCI (Fédération suisse des communautés israélites). Le comité central d'aide aux réfugiés, créé en 1933, se trouve à Zurich. La Suisse étant une zone neutre, Zurich accueille en 1929 et 1937 le congrès sioniste mondial, dont le premier eut lieu à Bâle en 1897, organisé par le journaliste Theodor Herzl.

En 1945, la population juive de Zurich comptait environ 10 500 personnes, mais elle diminue de nouveau à partir de 1948. Depuis 1970, la population juive de Zurich est restée plus ou moins constante, à environ 1%.

La bibliothèque de la communauté juive de Zurich, ouverte en 1939, a été déclarée comme un bien culturel national suisse en 2009. Elle est considérée comme la plus importante bibliothèque de judaïca du monde germanophone.

En 2005, Zurich comptait quatre congrégations juives - la communauté orthodoxe modérée ; Israelitische Cultusgemeinde, la communauté orthodoxe, Israelitische Religionsgesellschaft, Agudas Achim, qui suit la tradition de l'Europe de l'Est, et la congrégation juive libérale égalitaire, Or Chadasch, fondée en 1978. Chacune possède ses propres institutions religieuses; il existe donc quatre cimetières juifs différents[11]. Le canton de Zurich a reconnu la Israelitische Cultusgemeinde comme entité légale (et donc égale aux églises nationales) en 2005. La communauté juive libérale, Or Chadasch, a été reconnue par l'État en 2007[4]. Fin 2020, les sept premiers Stolpersteine ont été posés à Zurich pour commémorer les victimes du national-socialisme[12].

Aujourd'hui, environ 5000 juifs vivent dans les zones 2 et 3 de la ville, et un autre millier dans le reste de la ville. La population juive se compose principalement d'Ashkénazes, mais comprend aussi des Juifs mizrahims et sépharades.

Articles connexes

Notes et références

  1. (de) Wild, Matt, "Zeugnisse jüdischen Lebens aus den mittelalterlichen Städten Zürich und Basel", in: Kunst und Architektur in der Schweiz. Synagogen 56:2. pp. 14–20., p. 14–20
  2. (de) Guggenheim-Grünberg, Florence, Judenschicksale und "Judenschuol" im mittelalterlichen Zürich. Beiträge zur Geschichte und Volkskunde der Juden in der Schweiz. Heft 12. In: Alemannia Judaica., Zurich,
  3. (de + en) Naomi Lubrich, Caspar Battegay, Jüdische Schweiz / Jewish Switzerland. 50 Objekte erzählen Geschichte / 50 Objects Tell Their Stories., Basel, Christoph Merian, (ISBN 978-3-85616-847-6)
  4. « Judaïsme, dictionnaire historique de la Suisse »
  5. (de) Wild, Böhmer, "Die spätmittelalterlichen Wandmalereien im Haus ,Zum Brunnenhof' in Zürich und ihre jüdischen Auftraggeber", Separatdruck aus dlem Bericht Zürcher Denkmalpflege., Zurich, , p. 15–33
  6. (de) Augusta Weldler-Steinberg, Geschichte der Juden in der Schweiz, Bd. 1., Zurich, Schweizerischer Israelitischer Gemeindebund, , p. 26,27
  7. (de) « Geschichte der ICZ »
  8. (de) « Agudas Achim »
  9. Knoch-Mund, Picard, « Antisémitisme, dictionnaire historique de la Suisse »
  10. (de) Fritzsche, Bruno, Geschichte des Kantons Zürich Band 3 (19. und 20. Jahrhundert), Zurich, Werd-Verlag, , p. 283
  11. « Jewish virtual library » (consulté le )
  12. (de) « Stolpersteine aktuell » (consulté le )
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