Histoire de la notation musicale

Pour nommer les notes de musique, la musique occidentale utilise deux systèmes différents, selon le pays :

  • le premier système, inspiré de l'Antiquité, utilise les premières lettres de l'alphabet. Il est en vigueur, dans deux variantes simplifiées (ne différant que par la désignation du si), dans les pays anglophones et germanophones ;
  • le second système utilise les syllabes d'un chant latin. Il a été élaboré pendant la deuxième moitié du Moyen Âge et il est en usage en France, en Italie, etc.
Allemagne
et pays germanophones
Angleterre
et pays anglophones
Langues latines
et slaves
CCdo et ut
DD
EEmi
FFfa
GGsol
AAla
HBsi

Notation en lettres

Au VIe siècle, Boèce utilisait les lettres de l'alphabet pour désigner les notes dont il parlait, mais commençant toujours à la lettre A, quelle que soit la note : on ne peut pas vraiment parler d'une notation, puisqu'il n'y a aucun lien stable entre les lettres et les notes.

C'est le Dialogus de musica du début du XIe siècle, incorrectement attribué à Odon de Cluny[1], qui fixe à sept le nombre de lettres utilisées, de A à G, pour dénoter l'octave de La à Sol. La forme des lettres est variée (A à G) selon les octaves, comme suit (la description du traité ne monte pas au-delà de aa) :

  • lettres capitales pour la première octave : A, B… G ;
  • lettres minuscules pour la deuxième octave : a, b… g ;
  • lettres minuscules redoublées pour la troisième octave : aa.

On ajouta la lettre grecque gamma « Γ » pour étendre la notation et désigner la note sous le A, de laquelle provient le terme de « gamme ».

Aujourd'hui, les pays anglophones utilisent les lettres de A à G, la gamme commençant par le C (do). Les germanophones et certains pays scandinaves et slaves utilisent le H à la place du B (pour le si français), le B représentant le si bémol dans leur système.

Notation italienne et française

Ut, ré, mi, fa, sol, la et si

Saint Jean-Baptiste dans un antiphonaire (vers 1395).

Au XIe siècle, le moine Guido d'Arezzo a l'idée, pour nommer les notes de la gamme, d'utiliser des syllabes d'un hymne liturgique fameux, l'hymne des vêpres de la fête de la Naissance de saint Jean-Baptiste. Cet hymne est écrit en strophes de forme saphique : les trois premiers vers, composés de deux hémistiches (de cinq et six pieds, respectivement), sont complétés par un quatrième vers, plus court, de cinq pieds. Guido d'Arezzo a utilisé la première syllabe de chacun des six premiers hémistiches de l'hymne (ut re mi fa sol la) pour son système de solmisation. Ce système ne fait pas correspondre exactement un nom à une note, mais donne une position dans l'hexacorde.

Dans les pays de langue romane (français, italien, espagnol, portugais), cette appellation s'est imposée face à la notation alphabétique utilisée dans les pays germaniques ou anglophones[2]. Voici la première strophe de l'hymne en question :

Hymne des premières et secondes vêpres de la fête de la naissance de saint Jean-Baptiste ()
texte latin du poète Paul Diacre (en latin : Paulus Diaconus, Paulus Cassinensis ou Barnefridus ; en italien : Paolo Diacono ou Varnefrido ; en français, cité aussi sous Paul Warnefred ou Warnefried), né à Cividale del Friuli vers 720 et mort à Mont-Cassin vers 799, moine bénédictin, historien et poète du VIIIe siècle, d'origine lombarde et d'expression latine.

Fichier audio
Ut queant laxis
Premier vers de l'hymne à saint Jean-Baptiste
Ut queant laxis
resonare fibris
Mira gestorum
famuli tuorum,
Solve polluti
labii reatum,
Sancte Iohannes.

L'utilisation de rimes internes (« laxis » « fibris », « gestorum » « tuorum ») complique légèrement le sens du texte, comme c'est fréquemment le cas dans les hymnes liturgiques latines. En guise d'introduction aux strophes subséquentes qui décrivent le récit évangélique entourant la naissance de Jean, la première strophe sert d'invitation aux chantres : « Afin que tes fidèles puissent chanter les merveilles de tes gestes d'une voix détendue, nettoie la faute de leur lèvre souillée, ô Saint Jean. »

L'origine de la musique associée à ce poème est moins claire ; il en existe d'ailleurs plusieurs versions, suivant des traditions liturgiques diverses. Il est possible que la variante romaine soit une création de Guido d'Arezzo lui-même, ou le réemploi d'une mélodie existante[3]. Les six premiers vers commencent par des sons qui forment une gamme montante, sur les syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la.

En notation neumatique. En notation moderne.

Si (ajouté du XVIe siècle)

La note si, dont le nom est composé avec les deux initiales du dernier vers de l'hymne, Sancte Iohannes, a été ajoutée à la fin du XVIe siècle. Cet ajout a été attribué à divers auteurs, notamment à Anselme de Flandres.

Do (transformation d’ut au XVIe siècle)

L’ut a été transformé plus tard en do, plus facile à énoncer en solfiant. Il fut un temps où on attribuait l'invention du mot « do » à Giovanni Maria Bononcini, au XVIIe siècle, qui l'aurait formé d'après la première syllabe du nom du musicien italien Giovanni Battista Doni[4] ; cela est cependant incorrect, car le do est déjà attesté chez Pierre l'Arétin en 1536, c'est-à-dire bien avant la naissance de Doni[5]. Son origine exacte reste ainsi inconnue, mais do pourrait être la première syllabe de "Domine", "Seigneur" en latin.

Le do est la seule note de musique à avoir changé de nom. Le nom ut est cependant conservé dans les termes techniques ou théoriques. Ainsi, on parle par exemple de trompette en ut, de clé d’ut, de contre-ut pour le chant ou de concerto en ut mineur.

Altérations (dièse, bémol et bécarre)

Le si (B dans la notation anglaise) a été, dans la théorie médiévale, le seul degré de la gamme admettant une altération et pouvant donc prendre deux formes :

  • bémol (♭), c'est-à-dire b rond, B « mou » (« moll » en allemand) ;
  • bécarre (♮), c'est-à-dire b carré, « dur ».

Origine du dièse (♯) : [à préciser].

Notation anglaise et germanique

A, B, C, D, E, F et G ou H

Saint Jean-Baptiste dans un antiphonaire (vers 1395).
  • La série constituée des lettres de l'alphabet A (la), B (si), C (do ou ut), D (ré), E (mi), F (fa) et G (sol), dite, « notation batave »[6], héritée de la Grèce antique, a été conservée par les pays dits « protestants » ou « réformés »[réf. nécessaire] (Royaume-Uni, Allemagne, etc.).
    • En Angleterre, B = toujours si (B minor = Si mineur ou B♭major = Si♭majeur).
    • En Allemagne, B = si♭ et H = si♮ (b-moll = Si♭ mineur ou H-Dur = Si majeur).
      • C'est en raison de cette coutume allemande que Jean-Sébastien Bach utilisait comme « signature » les quatre notes si♭-la-do-si♮ soit B-A-C-H disposées « en croix » c'est-à-dire les deux si ouvrant et fermant la signature à une hauteur de son intermédiaire entre le la et le do.

Parmi les systèmes musicaux non occidentaux, certains ont adopté les nomenclatures ci-dessus, d'autres ont conservé des appellations spécifiques. Par exemple, la musique indienne utilise les svara. Les noms des sept svara sont : स (Sa), रे (), ग (Ga), म (Ma), प (Pa), ध (Dha), नि (Ni).

Annexes

Articles connexes

Notes

  1. « Odon (Xe siècle) », sur www.musicologie.org (consulté le )
  2. A. Danhauser, Théorie de la musique, Paris, Éditions Henry Lemoine, édition revue et augmentée, 1994.
  3. Marc Vignal (dir.), Dictionnaire de la musique, Encyclopédie Larousse, (lire en ligne), « Ut queant laxis », p. 1010.
  4. ibid.
  5. Voir le TLFI : .
  6. « LilyPond — Manuel de notation —- Hauteurs avec octave absolue », sur LilyPond
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