Heracleum mantegazzianum

La Berce du Caucase ou Berce de Mantegazzi (Heracleum mantegazzianum), est une espèce de plantes herbacées de la famille des Apiaceae. La sève de cette Berce est phototoxique. De plus, cette espèce est considérée en Europe et en Amérique du Nord (particulièrement au Québec) comme une invasive.

Heracleum mantegazzianum
Berce du Caucase
Classification
Règne Plantae
Sous-règne Tracheobionta
Division Magnoliophyta
Classe Magnoliopsida
Sous-classe Rosidae
Ordre Apiales
Famille Apiaceae
Genre Heracleum

Espèce

Heracleum mantegazzianum
Sommier & Levier, 1895

Synonymes

  • Heracleum caucasicum
  • Heracleum giganteum
  • Heracleum panaces
  • Heracleum pubescens
  • Heracleum speciosum
  • Heracleum tauricum
  • Pastinaca pubescens
  • Sphondylium pubescens

Classification phylogénétique

Ordre Apiales
Famille Apiaceae

Étymologie

Le nom botanique du genre, Heracleum, est dédié au héros Hercule, par allusion au port robuste de la Berce. L'épithète spécifique mantegazzianum est donnée à cette plante par les botanistes Sommier et Levier en 1895, en hommage à Paolo Mantegazza, anthropologue et explorateur italien[1].

Histoire

Cette Berce a été « découverte » en 1880 dans la vallée de Klioutsch (Caucase) par les botanistes Émile Levier et Stefano Sommier[2] et scientifiquement décrite en 1895, mais recensée parmi d'autres graines en Grande-Bretagne (aux jardins botaniques royaux de Kew) dès 1917, et fut introduite comme plante ornementale dans les jardins britanniques dans la décennie suivante, pour se répandre très vite à l'état sauvage dans une grande partie de l'Europe. Elle a été introduite sur le continent américain en 1917 pour des raisons horticoles et répertoriée pour la première fois au Québec en 1990[3].

Description

Appareil végétatif

La Berce du Caucase mesure 2 à 5 mètres de hauteur. Ses feuilles sont divisées en 1 à 3 folioles profondément découpées et dentées. Elles mesurent souvent plus d'm, et peuvent atteindre m en longueur (avec le pétiole) et jusqu'à 1,5 m de largeur. La tige principale, creuse (avec un diamètre de 4 à 10 cm), est plus ou moins cannelée, vert clair, teintée de nombreuses taches pourpres (rouge framboise à violettes), et hérissée de poils rudes, épars lorsqu'elle est jeune[4]. Son diamètre extérieur est de 3 à 8 centimètres (jusqu'à 10 cm)[réf. souhaitée].

Appareil floral

La tige porte une inflorescence constituée par une ombelle principale au centre, d'environ 20 cm de diamètre (jusqu'à 50 cm), composée de 50 à 150 rayons qui portent chacun une ombellule. Cette ombelle principale qui apparaît mi-juin à mi-juillet, est entourée par un nombre variable d'ombelles satellites moins grandes, généralement positionnées plus hautes que l'ombelle principale lorsqu'elles sont à maturité. L’inflorescence entière peut atteindre une largeur d'1,5 m. Il peut y avoir une ou deux inflorescences supplémentaires moins importantes sur des branches auxiliaires. Les fleurs blanches, parfois roses, sont hermaphrodites au centre de l'ombelle, mâles sur le pourtour. La pollinisation est entomogame. Les fruits sont des akènes à dissémination anémochore[5].

Répartition et habitat

Elle est originaire des étages forestiers des montagnes de l'ouest du Caucase (Géorgie, Russie). Introduite par l'homme, son aire de distribution s'est très largement étendue en Europe, mais aussi en Amérique du Nord[5].

Elle préfère croître sous climat pluvieux et humide, ou à défaut sur des sols frais à humides. Son habitat type correspond à des ourlets externes médioeuropéens, eutrophiles, mésohydriques[5].

C'est une plante très rustique face au froid, qui se montre envahissante jusqu'au nord de la Scandinavie, les graines nécessitent d'ailleurs une période de gel en hiver pour pouvoir germer. Elle a besoin de sols plutôt riches pour soutenir sa forte croissance. C'est une plante de lumière mais elle supporte très bien un ombrage partiel. Elle se plait notamment aux lisières et dans les clairières des bois (ourlets forestiers), dans les zones humides et le long des cours d'eau (mégaphorbiaies). C'est une plante pionnière qui envahit en premier lieu des milieux rudéraux perturbés et abandonnés par l'homme : friches, terrains vagues, bords de routes. Elle revêt certains aspects d'hémérochorie.[réf. souhaitée]

Une espèce invasive

expansion de la Berce du Caucase en Europe

Heracleum mantegazzianum a été introduite en Europe occidentale essentiellement comme plante ornementale dans les jardins, mais aussi pour ses qualités mellifères pour l'apiculture. Elle est désormais considérée comme une espèce invasive dans de nombreux pays d'Europe où elle s'est parfaitement acclimatée et trouve des conditions très semblables à celles de son milieu d'origine. Elle se multiplie et se répand si le milieu lui est accueillant. Chaque pied en fleur produit jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de graines, et ces graines peuvent rester en dormance durant sept ans dans le sol. Les graines sont peu dispersées par le vent (généralement pas à plus de quelques mètres, jusqu'à cent mètres par vent fort), elles sont plus souvent dispersées par l'eau le long des rivières (notamment lors des crues), par les véhicules le long des routes (par temps humide) et dans la terre emportée par les engins de chantier et agricoles. Dans les milieux colonisés, elle peut théoriquement causer localement une perte de biodiversité par le couvert dense et continu qu'elle peut créer, qui étouffe et remplace la végétation plus basse préexistante, bien que ces atteintes à la biodiversité restent très modérées et localisées, difficiles à évaluer, et moins alarmantes que celles causées par d'autres plantes invasives telles que la renouée du Japon. Elle remplace surtout par endroits des plantes rudérales très communes et non menacées. La faune sauvage herbivore (cervidés, sangliers, lapins, rats musqués, ragondins, etc) et le bétail domestique apprécient beaucoup consommer cette plante, comme les autres Berces, surtout quand les feuilles sont encore jeunes et tendres, et peuvent plus ou moins en limiter les populations. De nombreux insectes et autres invertébrés autochtones la consomment également, mais sans entraver fortement son développement. Les préoccupations principales qu'induit cette plante résident principalement dans sa phototoxicité pour l'homme[6].

La Berce du Caucase est également invasive en Amérique du Nord, dont le Québec[3], où elle trouve des milieux très favorables à son expansion.

Depuis 2017, la Berce du Caucase est inscrite dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne[7]. Cela signifie qu'elle ne peut pas être importée, cultivée, commercialisée, plantée, ou libérée intentionnellement dans la nature, et ce nulle part dans l’Union européenne[8].

Autres espèces invasives

Il existe deux autres espèces de Berces géantes invasives en Europe. Heracleum sosnowskyi, originaire du Caucase central et oriental, qui est une espèce à peine un peu moins grande et difficile à distinguer de Heracleum mantegazzianum. Elle a été introduite en grande quantité en Europe de l'Est dans plusieurs pays de l'ex-Union soviétique (Russie, pays baltes) car elle y a été cultivée à grande échelle comme plante fourragère pour le bétail. Cette espèce semble encore pratiquement absente en Europe de l'Ouest. Heracleum persicum est une autre espèce semblable mais moins grande, qui envahit la péninsule scandinave essentiellement, où elle a été introduite comme plante médicinale et ornementale tout comme Heracleum mantegazzianum[9]. Ces trois espèces sont phototoxiques.

Heracleum sosnowskyi et Heracleum persicum sont elles aussi inscrites depuis 2016 dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne[7].

Confusions possibles

Il ne faut pas confondre ces espèces invasives avec la Berce commune, Heracleum sphondylium, une espèce autochtone et abondante en Europe qui affectionne les mêmes milieux, et qui peut sporadiquement se montrer envahissante en tant que mauvaise herbe. C'est une espèce très proche et très semblable en apparence mais bien plus petite, elle dépasse rarement deux mètres de haut (elle mesure généralement entre 50 et 150 cm) et son ombelle principale comprend moins de 35 rayons, alors que celle de la Berce du Caucase en a généralement plus de 50. La tige et le pétiole de la Berce commune n'ont pas les nombreuses taches pourpres caractérisant la Berce du Caucase. Elle est couverte de poils blanchâtres assez raides, même sur les feuilles, alors que les poils de la Berce du Caucase sont localisés uniquement sur la tige, le pétiole et le rachis de la feuille. Les feuilles de H. sphondylium sont parfois simplement lobées, plus souvent divisées en 5-7 larges folioles aux contours anguleux, plus dentés que chez H. mantegazzianum[10]. La Berce commune est considérée en Europe comme une plante comestible, bien qu'elle présente les mêmes propriétés de phototoxicité, mais plus modérément (elle est en cause dans la majorité des cas de dermite des prés).

En Amérique du Nord, dont le Québec, la Berce du Caucase peut être confondue avec la Berce laineuse, Heracleum maximum, espèce autochtone commune qui peut parfois atteindre 3 m de haut (généralement moins), mais nettement moins imposante que la Berce du Caucase. Elle aussi est phototoxique.

L'angélique sauvage (Angelica sylvestris) et l'angélique vraie (Angelica archangelica) peuvent être assez grandes, et sont parfois confondues avec les grandes Berces invasives, bien qu'elles soient bien moins massives et s'en différencient aisément par leurs feuilles nettement composées de folioles.

Phototoxicité

La Berce du Caucase produit des furocoumarines, dont la xanthotoxine, présentes dans la sève. La sève est incolore avec une odeur agréable assez caractéristique due à la furocoumarine. Elle est phototoxique : la réaction se déclenche seulement lorsque la peau imprégnée est exposée à la lumière, notamment aux rayonnements solaires. Si l'on n'expose pas à la lumière la zone touchée pendant plusieurs jours, la réaction ne se déclenche pas[3]. Elle provoque des inflammations et des brûlures de la peau pouvant aller jusqu'au second degré[réf. nécessaire]. Les cloques provoquées peuvent atteindre la taille d'une pomme de terre. Les séquelles de la phototoxicité de la sève n'apparaissent qu'après plusieurs heures et peuvent dans certains cas laisser des traces qui persistent des années.

Un simple contact avec la plante intacte n'est pas dommageable[11]. C’est l'imprégnation de la peau par la sève claire et aqueuse, abondante dans les fruits, les feuilles ou les tiges, survenant dès lors que la plante est blessée, coupée ou froissée, qu'il faut éviter.

En dehors de leur phototoxicité au niveau cutané, les furocoumarines ne sont pas particulièrement toxiques pour l'homme à l'ingestion. De nombreuses plantes cultivées, dont des fruits et légumes très courants, en contiennent d'ailleurs aussi en quantités plus ou moins importantes (chez les apiacées cultivées, en particulier le panais et le céleri, mais aussi la carotte, le persil et le fenouil, ainsi que chez les rutacées, dont tous les agrumes et la rue, et dans d'autres familles tel le figuier chez les moracées, etc), et ces plantes ont parfois une sève tout aussi phototoxique. Ce qui rend la Berce du Caucase relativement dangereuse est la quantité notable de sève qu'elle peut libérer lorsqu'on la cueille ou qu'on débroussaille, pouvant causer des brûlures assez étendues.

Si la sève touche la peau, il faut l'éliminer le plus rapidement possible, en évitant d'étendre la surface de la zone touchée : appliquer un papier absorbant sur la peau aux endroits où se trouve la sève (ne pas frotter), laver au savon, puis rincer abondamment à l'eau les endroits atteints. Par la suite, éviter l'exposition de la zone touchée à la lumière durant plus de 48 heures, le temps de la disparition de l'effet photosensibilisateur. « Si les yeux sont atteints, les rincer abondamment à l'eau claire puis porter des lunettes de soleil pour réduire leur exposition à la lumière et consulter un médecin immédiatement. En cas de contact important, ou si un enfant est atteint, consulter sans tarder un médecin ou le centre anti-poison pour tout conseil approprié »[2].

L'éradication de la Berce du Caucase nécessite le port d'un équipement approprié. Consulter des spécialistes avant d'agir.

Les animaux sauvages herbivores ainsi que le bétail domestique de toutes espèces apprécient et consomment assidument cette plante, notamment à son stade jeune, le plus souvent sans aucun problème, et ils constituent un moyen efficace pour la contrôler. Cependant certaines races domestiques à peau très claire et partiellement dénudée y sont sensibles, n'étant pas suffisamment protégées des rayonnements solaires. Ces dernières peuvent présenter des brûlures par photosensibilisation et ne doivent donc pas être utilisées là où croissent des plantes photosensibilisantes telles que les Berces[12].

Art nouveau

Chaise Art nouveau avec un dossier représentant une ombelle de Berce du Caucase.

Cette plante a été très représentée comme élément décoratif par les artistes du mouvement Art nouveau de l'École de Nancy[13].

Musique

En anglais, la Berce du Caucase s'appelle « Giant Hogweed ». En 1971, le groupe de rock progressif anglais Genesis crée un morceau intitulé « The Return Of The Giant Hogweed » qui figure sur l’album Nursery Cryme. Ce morceau décrit l’origine, les dangers, la difficulté d’éliminer cette plante et, dans une vision apocalyptique, la présente comme une menace pour l'espèce humaine.

Notes et références

  1. François Couplan, Les plantes et leurs noms. Histoires insolites, Éditions Quae, (lire en ligne), p. 30.
  2. « Heracleum mantegazzianum Sommier & Levier », Ville de Genève,
  3. « La berce du Caucase », Gouvernement du Québec,
  4. « Identification de la Berce du Caucase », sur environnement.gouv.qc.ca (consulté le )
  5. Données d'après: Julve, Ph., 1998 ff. - Baseflor. Index botanique, écologique et chorologique de la flore de France. Version : 23 avril 2004.
  6. Analyse de risque phytosanitaire portant sur la berce du Caucase. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. Décembre 2018. .
  7. « List of Invasive Alien Species of Union concern - Environment - European Commission », sur ec.europa.eu (consulté le )
  8. « RÈGLEMENT (UE) No 1143/2014 du parlement européen et du conseil du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes »
  9. (en) « Heracleum mantegazzianum, Heracleum sosnowskyi and Heracleum persicum », Bulletin OEPP, vol. 39, no 3, , p. 489–499 (DOI 10.1111/j.1365-2338.2009.02313.x, lire en ligne).
  10. François Couplan, Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, , p. 126
  11. Pierre-Yves Tremblay et Lyse Lefebvre, « La berce du caucase », Bulletin d’information toxicologique, vol. 26, no 2, , p. 13-16 (lire en ligne)
  12. Gault, G, « Plantes phototoxiques s’invitent dans les espaces publics et privés », Toxicologie analytique et clinique, , page 180
  13. « Art nouveau : École de Nancy », Nancy, il était une fois…, sur nancy-focus.com (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Charlotte Nielsen, Hans Peter Ravn, Wolfgang Nentwig et Max Wade, Manuel pratique de la Berce géante : Directives pour la gestion et le contrôle d'une espèce végétale invasive, Horsholm, Forest & Landscape Denmark, , 44 p. (ISBN 87-7903-212-5, lire en ligne)
  • (en) M. Cock, W. Nentwig, H.P. Ravn, M. Wade, Ecology and Management of Giant Hogweed (Heracleum Mantegazziannum), CABI, , 324 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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