Heinrich Gattineau

Heinrich Gattineau () est un économiste et homme d'affaires allemand qui a été membre de la SA et un des directeurs d'IG Farben. Il a fait partie des accusés aux Procès de Nuremberg.

Jeunesse

Gattineau est né à Bucarest ; il est le fils de Julius Gattineau, un dentiste allemand installé en Roumanie[1]. Il a commencé ses études en Suisse, puis à Munich, où il a étudié l'économie à l'Université Louis-et-Maximilien de Munich ; il y a terminé son doctorat en 1929[1]. Il a eu quelques activités politiques locales avec le Corps franc de l'Oberland (en) en 1923[1]. En 1929, il a épousé Wera Fritzsche, qui lui a donné cinq enfants[1].

Relations avec le parti nazi

À partir de 1928, Gattineau a travaillé chez IG Farben, dont il est devenu directeur de la politique commerciale et des relations publiques en 1931[1]. À l'époque de la montée du parti nazi, il n'était pas rare que les discours d'Adolf Hitler attaquent IG Farben, où des juifs occupaient des postes importants. Inquiet du succès grandissant d'Hitler et de ses conséquences pour les affaires, Carl Duisberg a chargé Gattineau, son attaché de presse à l'époque, de prendre contact avec les nazis. Gattineau a demandé l'aide de Karl Haushofer, qui avait été un moment son maître à l'université, et après qu'Haushofer se soit porté garant des dirigeants d'IG Farben auprès d'Hitler, ses attaques ont cessé pendant environ un an[2].

En , Gattineau et le chimiste Heinrich Bütefisch (en) ont rencontré Hitler pour discuter de la production de carburant de synthèse, que celui-ci considérait comme crucial pour assurer l'indépendance énergétique de l'Allemagne et pour que ses plans de réarmement restent secrets s'il devait être élu. À cette date, Carl Bosch finançait déjà le parti nazi[3]. La position de Gattineau à IG Farben était devenue importante et en 1932 il avait été nommé chef du nouveau Département de politique économique (Wipo), une branche de la section financière d'IG Farben chargée de contrôler les aspects juridiques, fiscaux et de politique étrangère susceptibles d'avoir un impact sur les relations entre l'entreprise et le gouvernement[4].

Durant la période nazie

Dès qu'Hitler est arrivé au pouvoir, Gattineau a fait acte de candidature au parti nazi, mais il lui a été demandé d'attendre, le parti étant peu désireux, au moins au début, d'accepter cet afflux soudain d'hommes d'affaires opportunistes. Gattineau s'est néanmoins engagé dans la SA pour prouver sa bonne volonté[5]. Il y est rapidement monté en grade, atteignant celui de Standartenführer (colonel) en 1934 et devenant un des principaux conseillers d'Ernst Röhm pour les questions économiques[6].

Sa proximité avec Röhm a failli lui coûter la vie lors de la Nuit des longs couteaux : le , il a été tiré de son lit par la Gestapo et enfermé sous la fausse accusation d'avoir détourné de l'argent d'IG Farben pour financer le supposé complot de Röhm, prétexte à l'élimination des SA[6]. Il a été interrogé pendant plusieurs heures et a craint d'être exécuté, avant d'être relâché, à sa surprise. La raison de sa remise en liberté est incertaine : Max Ilgner (en) a déclaré plus tard avoir usé de son influence pour l'obtenir. À moins que Gattineau n'ait simplement pas été considéré comme assez important pour être exécuté[6].

Gattineau a immédiatement démissionné de la SA, mais il s'est retrouvé en mauvaise posture à IG Farben, où son supérieur Erwin Selck (de) a essayé de le faire licencier ou de l'envoyer en province, loin du siège berlinois d'Unter den Linden[7]. Carl Bosch s'y est opposé mais, pour réduire le rôle public de Gattineau, a subordonné son Département de politique économique (Wipo) à l'autorité d'Ilgner[8]. Gattineau a ensuite été admis comme membre à part entière du parti nazi en 1935[8].

Il a passé l'essentiel de la Deuxième Guerre mondiale à Bratislava comme directeur de la fabrique de dynamite Nobel et d'autres compagnies chimiques tchécoslovaques réunies par les nazis sous la houlette d'IG Farben[9].

Après-guerre

En 1947, Gattineau a été un des 24 homme d'affaires accusés de crimes de guerre au Procès IG Farben[10]. Il a été acquitté pour toutes les charges et relâché en 1948[11]. Il a ensuite occupé des postes au conseil d'administration de plusieurs entreprises[1], notamment de la WASAG-Chemie (de) à Essen et de la Guano-Werke à Hambourg. Il a aussi siégé au conseil de surveillance de la Mitteldeutschen Sprengstoffwerke à Langelsheim et au conseil consultatif de la Dresdner Bank à Düsseldorf.

En 1975, il a reçu la grand-croix de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne[12]

Il a publié en 1983 son autobiographie[13].

Notes et références

  1. (de) (en) Heinrich Gattineau (1905–1985)
  2. Jeffreys, pp. 135-136
  3. Jeffreys, p. 149
  4. Jeffreys, p. 154
  5. Jeffreys, p. 153
  6. Jeffreys, p. 167
  7. Jeffreys, pp. 167-168
  8. Jeffreys, p. 168
  9. (de) Jutta Günther, Dagmara Jajesniak-Quast: Willkommene Investoren oder nationaler Ausverkauf? Ausländische Direktinvestitionen in Ostmitteleuropa im 20. Jahrhundert. BWV, 2006, (ISBN 978-3-8305-1186-1), p. 155, p. 159
  10. Jeffreys, p. 317
  11. Jeffreys, p. 336
  12. (de) Wer ist wer?: Das Deutsche who's who. volume 18, Societäts-Verlag, 1974, p. 286.
  13. (de) Heinrich Gattineau: Durch die Klippen des 20. Jahrhunderts. Erinnerungen zur Zeit- und Wirtschaftsgeschichte. Seewald, Stuttgart 1983, (ISBN 3-512-00672-8).

Bibliographie

  • (en) Diarmuid Jeffreys, Hell's Cartel: IG Farben and the Making of Hitler's War Machine, Bloomsbury, 2009
  • (de) Jens Ulrich Heine, Verstand & Schicksal: Die Männer der I.G. Farbenindustrie A.G. (1925–1945) in 161 Kurzbiographien. Verlag Chemie, Weinheim 1990, (ISBN 3-527-28144-4).
  • (de) Christian Mattke, Albert Oeckl – sein Leben und Wirken für die deutsche Öffentlichkeitsarbeit. VS, 2006, (ISBN 3-531-14989-X).
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