Guillaume IX d'Aquitaine

Guillaume IX d'Aquitaine ou Guillaume VII, comte de Poitou[1] (en occitan Guilhem IX d'Aquitania ou Guilhem de Peitieus), né le , mort le [2], surnommé depuis le XIXe siècle le Troubadour, comte de Poitiers, duc d'Aquitaine et de Gascogne du à sa mort. Il est également le premier poète connu en langue occitane.

Pour les articles homonymes, voir Guillaume IX, Guillaume de Poitiers et Guillaume d'Aquitaine.

Guillaume IX d'Aquitaine
Titre
Duc d'Aquitaine

(40 ans, 4 mois et 17 jours)
Prédécesseur Guillaume VIII
Successeur Guillaume X
Comte de Poitiers
(Guillaume VII)

(40 ans, 4 mois et 17 jours)
Prédécesseur Guillaume VI
Successeur Guillaume VIII
Biographie
Dynastie Ramnulfides
Date de naissance
Date de décès
Père Guillaume VIII d'Aquitaine
Mère Hildegarde de Bourgogne
Conjoint Philippa de Toulouse (épouse)
Dangereuse de L'Isle Bouchard (maîtresse)
Enfants Guillaume X d'Aquitaine
Agnès de Poitiers
Raymond de Poitiers
Ducs d’Aquitaine
Comtes de Poitiers
Guillaume de Poitiers

Il succède à son père Guillaume VIII à l'âge de 15 ans, ce qui lui vaut au début de son règne le surnom de Guillaume le Jeune. Il est aussi le père de Guillaume X et le grand-père d'Aliénor d'Aquitaine.

Famille

Fils de Guillaume VIII d'Aquitaine et d'Hildegarde de Bourgogne, il est brièvement marié à Ermengarde d'Anjou (fille de Foulque IV le Réchin, comte d'Anjou), avant d'épouser Philippa de Toulouse (fille de Guillaume IV, comte de Toulouse) ou Philippie en 1094. De cette dernière union, naît :

Sa maîtresse, Amauberge dite « Dangereuse de L'Isle Bouchard », lui donne également trois enfants :

  • Henri, (mort après 1132), moine puis prieur de Cluny,
  • Adélaïde,
  • Sybille, abbesse de Saintes.

L'apogée de la principauté d'Aquitaine

Il continue à développer l'embryon d'organisation administrative de ses prédécesseurs, avec l'ajout d'un prévôt à Surgères en 1087 et la création d'agents forestiers. Il prend et détruit le château de Blaye au comte Guillaume V d'Angoulême, afin de refréner les entreprises de celui-ci en Saintonge.

Ayant acquis des droits sur Toulouse par sa femme Philippa, il les fait valoir par les armes en prenant Toulouse en 1098. Après l'annonce de la prise de Jérusalem en 1099 par les participants de la première Croisade, Guillaume le Troubadour prend à son tour la croix et part pour la Terre Sainte en 1101. Il reste une année et demie en Orient, à combattre le plus souvent en Anatolie, où il est gravement battu deux fois, notamment aux Monts Taurus.

En 1110, il est blessé à Taillebourg.

Il s'empare de biens de l'Église en 1113 pour financer sa campagne contre Toulouse, et abandonne en 1115 sa femme Philippa pour la fille de Barthélémy de l’Île Bouchard, épouse de son vassal le vicomte Aymeric Ier de Châtellerault, qu'il surnomme la Maubergeonne, la Dangereuse (1087-1151). Sa femme se retire dans le monastère de Fontevraud fondé par Robert d'Arbrissel[3]. Ces actes lui valent l'excommunication par Pierre II, évêque de Poitiers en 1115. Il marie néanmoins son fils Guillaume à la fille de sa maîtresse, Aénor, en 1121.

À la fin de sa vie, il participe à un épisode de la Reconquista. Allié au roi de Castille et León, Alphonse le Batailleur, qui a épousé sa sœur Béatrice, ils guerroient de 1120 à 1123 pour la conquête du royaume de Valence, remportant notamment la bataille de Cutanda, le .

Mécène et troubadour lui-même

Guillaume IX de Poitiers marque surtout l'histoire en sa qualité d'homme de lettres, qui entretient une des cours les plus raffinées d'Occident.

Il accueille à sa cour le barde Gallois Blédri ap Davidor, qui réintroduit sur le continent l'histoire de Tristan et Iseut.

Il est lui-même un poète, utilisant la langue d'Oc pour ses œuvres, soit des poèmes mis en musique.

C'est le plus ancien poète médiéval, depuis saint Fortunat au VIe siècle (qui réside longtemps à l'abbaye Sainte-Croix de Poitiers), dont des œuvres en langue vulgaire, ni sacrées ni à la gloire de héros guerriers, soient conservées. Ses vers traitent le plus souvent des femmes, d'amour et de ses prouesses sexuelles. Sa poésie est parfois très crue (notamment dans la chanson convenable, lorsqu'il demande à ses compagnons quel cheval il doit monter, d'Agnès ou d'Arsens) et peut même aller jusqu'à parler d'amour entre hommes[réf. nécessaire][4], reflet d'une époque où l'Église n'a qu'une emprise limitée sur la société[réf. nécessaire]. Sa poésie est imprégnée de la culture arabe et arabo-andalouse dont il est familier[5]. Considéré comme un des précurseurs de l'amour courtois (fin amor en occitan), il est l'un des modèles influents de l'art des troubadours, dont la poésie va devenir plus galante.

À son retour de croisade, il répudie sa femme et prend pour maîtresse une femme mariée (Dangereuse de L'Isle Bouchard), qu'il invoque comme muse dans ses poèmes sous le nom de Dangereuse (la Maubergeonne). Il évoque aussi la fondation d'un couvent, dont les nonnes seraient choisies parmi les plus belles femmes du comté. À la bataille de Cutanda, il aurait combattu avec le corps de sa maîtresse peint sur son bouclier.

Il évoque également la guerre et ses conséquences pour lui : selon Orderic Vital, il raconte sa captivité en Orient de manière plaisante.

Il fait de grosses donations à l'Église, dont certaines pour la fondation de monastères et reconstruit le palais des comtes de Poitiers.

Exemple de chanson

Voici une des œuvres composées par le comte duc, en langue d'oc, en limousin, accompagnée de la traduction française :

Je n'adorerai qu'elle !

(occitan)

Farai chansoneta nueva,
Ans que vent ni gel ni plueva :
Ma dona m'assaya e-m prueva,
Quossi de qual guiza l'am ;
E ja per plag que m'en mueva
No-m solvera de son liam.

(français)

Je ferai chansonnette nouvelle
Avant qu'il vente, pleuve ou gèle :
Ma dame me teste, m'éprouve,
Pour savoir combien je l'aime ;
Et elle a beau me chercher querelle,
Jamais je ne renoncerai à elle.

Qu'ans mi rent a lieys e-m liure,
Qu'en sa carta-m pot escriure.
E no m'en tenguatz per yure,
S'ieu ma bona dompna am !
Quar senes lieys non puesc viure,
Tant ai pres de s'amor gran fam.

Je me rends à elle, je me livre
Elle peut m'inscrire en sa charte ;
Et ne me tenez pour ivre
Si j'aime ma bonne dame,
Car sans elle je ne puis vivre,
Tant de son amour j'ai grand faim.

Per aquesta fri e tremble,
Quar de tam bon'amor l'am,
Qu'anc no cug qu'en nasques semble
En semblan del gran linh n'Adam.

Pour elle je frissonne et tremble,
Je l'aime tant de si bon amour !
Je n'en crois jamais née de si belle
En la lignée du seigneur Adam.

Que plus es blanca qu'evori,
Per qu'ieu autra non azori :
Si-m breu non ai aiutori,
Cum ma bona dompna m'am,
Morrai, pel cap sanh Gregori,
Si no-m bayza en cambr'o sotz ram.

Elle est plus blanche qu'ivoire,
Je n'adorerai qu'elle !
Mais, si je n'ai prompt secours,
Si ma bonne dame ne m'aime,
Je mourrai, par la tête de Saint Grégoire,
Un baiser en chambre ou sous l'arbre !

Qual pro-y auretz, dompna conja,
Si vostr'amors mi deslonja
Par que-us vulhatz metre monja!
E sapchatz, quar tan vos am,
Tem que la dolors me ponja,
Si no-m faitz dreg dels tortz q'ie-us clam.

Qu'y gagnerez-vous, belle dame,
Si de votre amour vous m'éloignez ?
Vous semblez vous mettre nonne,
Mais sachez que je vous aime tant
Que je crains la douleur blessante
Si vous ne faites droit des torts dont je me plains.

Qual pro i auretz s'ieu m'enclostre
E no-m retenetz per vostre
Totz lo joys del mon es nostre,
Dompna, s'amduy nos amam.
Lay al mieu amic Daurostre,
Dic e man que chan e bram.

Que gagnerez-vous si je me cloître,
Si vous ne me tenez pas pour vôtre ?
Toute la joie du monde est nôtre,
Dame, si nous nous aimons,
Je demande à l'ami Daurostre
De chanter, et non plus crier.

Notes et références

  1. Guillaume IX sur le site FMG
  2. Autorité BnF
  3. Katia Choquer, Aliénor d'Aquitaine, née pour régnier, revue Histoires de Franced'avril-mai 2014, pp. 17-23
  4. René Nelli, L'Érotique des troubadours., Toulouse, Privat, , 373 p. (ISBN 2-7089-8607-4)
  5. « Les troubadours et l'influence arabe - Editions Cairn », sur www.editions-cairn.fr (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie complémentaire

  • Jean-Pierre Chambon, « Segon lo vers del novel chan (Guillaume de Poitiers, P.-C. 183, 1, vers 4) : essai de mise au point », Revue des Langues Romanes, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, vol. CXXII « Le texte religieux occitan moderne et contemporain », no 2, , p. 373-386 (ISSN 2391-114X, lire en ligne)
  • « Guillaume IX d’Aquitaine : l’uns dels majors cortes del mon e dels majors trichadors de dompnas  », dans Hervé Lieutard et Marie-Jeanne Verny, dir., Nouvelle recherche en domaine occitan, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, (lire en ligne)
    étude de l'oeuvre poétique de Guillaume IX d’Aquitaine

Articles connexes

Liens externes

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