Embargo alimentaire russe de 2014

L'embargo alimentaire russe de 2014 est un embargo sur les produits alimentaires venant de l'Union européenne, de Norvège, de l'Australie, du Canada et des États-Unis, mis en place par la Russie en réaction aux sanctions économiques mises en place par ces pays.

Mise en place de l'Embargo

À la suite des sanctions économiques visant la Russie[1], l'embargo est décrété par Vladimir Poutine, le 6 août 2014, et annoncé le lendemain[1]. Cet embargo a une durée d'un an, et concerne l'ensemble des produits alimentaires, à l'exception de quelques produits comme les vins et spiritueux ou les produits pour bébés[2]. La viande, le poisson, les produits laitiers et les fruits et légumes sont particulièrement ciblés[3]. La valeur des produits touchés par l'embargo est estimée dans un premier temps à 9 milliards de dollars[4].

Le 20 octobre 2014, la Russie annonce l'extension de l'embargo à de nouvelles catégories, ceux des produits dérivés de la viande comme les abats et les farines animales[5].

En août 2015, la Russie annonce l'extension de l'embargo à 4 nouveaux pays en plus de l'Union européenne, de la Norvège, de l'Australie, du Canada et des États-Unis. Ces 4 pays sont : l'Albanie, le Monténégro, le Liechtenstein et l'Islande. De plus, la Russie menace également d'étendre l'embargo à l'Ukraine[6]. En décembre 2015, Dmitri Medvedev, premier ministre de la Russie, annonce l'intention de mettre en application cette menace le 1er janvier 2016, à la suite de l'entrée ce même jour de l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, en plus de la suspension de l'accord de libre-échange au sein de la Communauté des États indépendants pour les échanges entre la Russie et l'Ukraine[7].

En mai 2016, Dmitri Medvedev annonce le prolongement de l'embargo alimentaire jusqu'à la fin 2017[8]. Entretemps, les importations agricoles russes vis-à-vis des pays touchés par l'embargo sont passées d'environ 9 milliards de dollars en 2013 à 143 millions de dollars en 2015[8]. Les exportations françaises dans ce domaine sont ainsi passées de 386,8 millions de dollars à 23,3 millions de dollars, alors que les exportations norvégiennes sont elles passées de 1,1 milliard de dollars à 9,7 millions de dollars[8]. En juin 2017, l'embargo est de nouveau prolongé jusqu'à au moins la fin 2018[9].

Conséquences

Conséquences sur le marché intérieur

D'après plusieurs commentaires, ces embargos risquent d'augmenter l'inflation en Russie[10] et de réduire les prix alimentaires en Europe. En octobre 2014, Anton Silouanov, ministre des finances russe, reconnaît que l'inflation est renforcée par l'embargo[11]. L'inflation en octobre est 7,6 %[12]. À l'inverse, les prix en Europe de la viande de porc sont en forte chute avec, en octobre 2014, une baisse de 23 % par rapport à juin 2014[13].

En décembre 2014, l'estimation de l'inflation annuelle en 2014 est estimée de 10,4 %. Cette inflation est plus forte sur les denrées alimentaires, avec une inflation de 20,5 % pour le poisson, de 28,4 % pour le fromage, de 26,7 % pour le porc, de 22,3 % les pommes, mais que de 10,5 % pour le bœuf[14].

L'autorité de surveillance agricole russe a ouvert des pourparlers avec plusieurs pays pour compenser le déficit des importations alimentaires et pour prévenir une hausse des prix[15].

L'embargo a augmenté temporairement les importations de la Russie vis-à-vis des pays non touchés par l'embargo, dont notamment le Brésil, le Chili, l'Argentine ou encore la Biélorussie[3]. L'embargo a stimulé les producteurs locaux russes[16], et a permis la modernisation de filières entières comme la filière du porc, de la volaille, avec des hausses de productivité et d'investissements (privés et publics). La Russie est devenue exportatrice record de céréales, 127 millions de tonnes en 2017[17] (première exportatrice de blé à partir de 2016). Elle est devenue autosuffisante en viande de porc[17] et en viande de volaille. La production de viande, toutes filières confondues a connu des chiffres en forte hausse. Désormais la Russie est exportatrice et revient sur le marché mondial.

Même si l’embargo était levé, la Russie ne serait plus tributaire d’importations européennes qui soutenaient auparavant les prix européens. Le Brésil qui avait pris le relais depuis l’embargo est condamné également à trouver d'autres marchés[17].

Alors que 30 % des trois millions de tonnes de pommes produites en Pologne étaient exportées vers la région moscovite, l'embargo a causé plusieurs faillites. Les producteurs se sont donc tournés vers de nouveaux marchés : Égypte, Inde et Libye en-dehors de l'UE, Italie et Espagne à l'intérieur. Entre 2018 et 2019, la production de pommes polonaises a ainsi augmenté de 61 %[18].

Soutien des producteurs par l'Union européenne

Le 11 août 2014, 33 millions d'euros de fonds ont été alloués par l'Union Européenne au soutien des producteurs de pêche et de nectarine[19].

Le 18 août 2014, la commission européenne annonce le déblocage d'environ 125 millions d'euros d'aides pour soutenir les prix d'un certain nombre de fruits et légumes (pomme, poire, prune, concombre, cornichon, choux, choux-fleur, carotte, poivrons, etc)[20], somme liée aux fonds de soutien aux marchés agricoles. Cette aide correspond à des indemnités aux producteurs qui acceptent de retirer leur produit des marchés, correspondant à 5 à 10 % de la production, indemnisé entre 50 % et 100 %[20],[21].

Le 3 septembre 2014, la direction générale de l'agriculture de la commission européenne annonce une rallonge de 30 millions d'euros au fond de promotion à l'étranger des produits agricoles de l'Union européenne[19]. Le ministère de l'agriculture allemand Christian Schmidt a cependant déclaré que les agriculteurs touchés par l'embargo ne seront pas complètement indemnisés[22].

Le 10 septembre 2014, les mesures d'aides de 125 millions d'euros sont suspendues à la suite de demandes d'indemnisation jugées disproportionnés, notamment de la part de producteurs polonais[20].

Le 30 septembre 2014, la commission européenne annonce le déblocage de 165 millions d'euros pour soutenir les producteurs agricoles européens. Les aides devraient être similaire à l'aide de 125 millions annulée[23].

« L'impact direct et indirect de l'embargo russe sur la filière porcine française s'élève à 400 millions d'euros par an pour la France. Pour l'Union européenne, la perte s'élèverait à 4 milliards d'euros », d'après Guillaume Roué, président d'Inaporc, interprofession nationale porcine[24].

Conséquences pour les autres pays exportateurs

Le ministère de l'agriculture russe a annoncé qu'il avait reçu des offres provenant de dizaines de pays du monde entier pour augmenter leurs exportations alimentaires vers la Russie[25]. C'est notamment le cas de la Chine, qui a ouvert un nouveau terminal pour accélérer ses exportations de fruits et légumes à destination de la Russie[26], et celui de la Biélorussie, qui a annoncé qu'elle comptait augmenter ses exportations alimentaires en Russie de plus de 300 millions de $US[27].

L'association marocaine des exportateurs a déclaré que la Russie avait été mise en tête des destinations intéressantes, notamment pour les exportateurs d'agrumes[28].

Fin août 2014, l'embargo russe sur l'UE a dopé les exportations de fromages, de fruits et de légumes suisses vers la Russie, grâce au fait que la Suisse n'est pas touchée par l'embargo[29] malgré le fait que la Confédération s'est jointe aux sanctions de l'UE contre la Russie[30].

Au Brésil, l'association des producteurs de protéines animales a fait savoir que les producteurs brésiliens étaient prêts à augmenter de 50 % leurs exportations de volaille vers la Russie, pour un montant de 450 000 tonnes par an[31].

Le Mexique a fait savoir qu'il était prêt à augmenter ses exportations alimentaires vers la Russie[32].

La Turquie a annoncé qu'elle allait débuter l'exportation de marchandises qu'elle ne livrait jusqu'ici pas au marché russe, comme les produits laitiers, les œufs et les animaux d'élevage[33]. Les exportations alimentaires déjà existantes seront, elles, intensifiées.

Contournement et contre-mesures

Des témoignages récurrents parlent de contournement de l'embargo par un réétiquetage de produits en Biélorussie (qui semble le principal bénéficiaire de l'embargo[34]), mais aussi dans les pays des Balkans non touché par l'embargo, du Kazakhstan ou encore du Maroc[35],[36],[37]. Une autre pratique pour contourner l'embargo est de réaliser une transformation des produits dans des pays non sujets à l'embargo, par exemple en y salant ou découpant le poisson[38].

La Suisse a déclaré qu'elle refuserait aux producteurs de l'Union européenne de contourner l'embargo russe via son territoire pour faire de la ré-exportation de leurs produits vers la Russie. La Suisse s'est jointe aux sanctions de l'UE contre la Russie mais elle n'a pas été frappée par l'embargo alimentaire russe[30].

En vue de lutter contre ces contournements, le service fédéral de surveillance vétérinaire et phytosanitaire (Rosselkhoznadzor) a restreint les importations de viande du Monténégro, ainsi que les importations de viande et de fruits de Moldavie et les importations de fruits et légumes d'Ukraine[34]. Le Monténégro a adhéré à l'OTAN le jeudi 3 décembre 2015 malgré les tentatives de la Russie de l'en dissuader. Quant à la Moldavie, elle lui reproche de s'être tournée vers l'Union Européenne. En réalité, la fraude aux douanes et la corruption étaient répandues en Russie bien avant les sanctions et les fonctionnaires russes s'en accommodent toujours aussi bien qu'avant.

En août 2015, les autorités russes ont détruit plusieurs centaines de tonnes de nourritures ré-étiquetées en provenance des pays sous embargo, dans le but de faire respecter l'embargo[39],[40].

Références

  1. Embargo de la Russie : l'Union européenne envisage de saisir l'OMC, Les Échos, 7 août 2014
  2. La Russie décrète un « embargo total » sur les produits alimentaires européens et américains, Le Monde, 7 août 2014
  3. Les industriels français de l'agro-alimentaire inquietés par l'embargo russe, Charlotte Peyronnet, Charles Derrac, Le Figaro, 7 août 2014
  4. Россия запретила импорт продовольствия на $9 млрд в ответ на санкции, TACC, 7 août 2014
  5. La Russie étend son embargo aux abats et aux farines animales, Le Monde, 20 octobre 2014
  6. Quatre pays s'ajoutent à l'embargo russe, Le Figaro, 13 août 2015
  7. La Russie impose un embargo alimentaire à l'Ukraine, L'Express, 21 décembre 2015
  8. La Russie s’apprête à prolonger l’embargo alimentaire jusqu’à la fin de 2017, Isabelle Mandraud, Le Monde, 27 mai 2016
  9. « L'embargo russe agricole prolongé jusqu'à la fin 2018 », sur Le Figaro,
  10. La Russie impose un embargo sur des produits alimentaires européens et américains, La Tribune, 7 août 2014
  11. Russie : forte hausse des prix alimentaires suite à l'embargo (ministre), Ria Novosti, 2 octobre 2014
  12. La Russie doit enrayer l'inflation provoquée par l'embargo américain et européen, Alexeï Lossan, Russia Beyond The Headlines, 4 octobre 204
  13. Le Canada autorise l'importation de poires belges, RTBF, 2 octobre 2014
  14. En Russie, l'inflation dépasse les 10 %, Le Monde, 24 décembre 2014
  15. « Faroe Islands may boost fish exports to Russia amid war of sanctions », sur TASS (consulté le ).
  16. L'embargo de Moscou pourrait stimuler les producteurs nationaux, Ria Novosti, 8 août 2014
  17. L'Action agricole picarde, article du 19 octobre 2017
  18. Christophe Dequidt, « Pologne, Des pommes devenues incontournables », La France agricole, no 3854, .
  19. Embargo russe: jusqu'où iront les ministres européens de l'Agriculture ?, Marina Torre, La Tribune, 5 septembre 2014
  20. Embargo russe : l'UE suspend les mesures de soutien aux maraîchers, Le Monde, 10 septembre 2014
  21. Embargo russe: 125 millions d'euros d'aide de Bruxelles pour les maraîchers, La Tribune, 18 août 2014
  22. (en) Russia Today, « European farmers not to receive full Russian embargo compensation », sur RT International (consulté le ).
  23. Embargo russe : nouvelle aide de 165 millions d'euros de l'UE pour ses maraîchers, Le Monde, 30 septembre 2014
  24. Le Figaro, 7 septembre 2015
  25. Russie: des dizaines de pays souhaitent augmenter leurs livraisons, Ria Novosti, 12 août 2014
  26. Pékin ouvre un nouveau terminal pour envoyer des fruits et légumes en Russie, Ria Novosti, 13 août 2014
  27. Embargo russe: Minsk compte augmenter ses exportations de 300 M USD, Ria Novosti, 4 septembre 2014
  28. Malick Diawara, « Fruits et légumes : le Maroc va augmenter ses exportations vers la Russie », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  29. Exportations de fromages et légumes suisses dopées par l'embargo russe, le 19 août 2014, RTS
  30. « Sputnik France : actualités du jour, infos en direct et en continu », sur ruvr.ru (consulté le ).
  31. Charlotte Peyronnet et Service Infographie, « Ces pays qui profitent de l'embargo russe », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
  32. « Sputnik News - World News, Breaking News & Top Stories », sur ria.ru (consulté le ).
  33. « Sputnik France : actualités du jour, infos en direct et en continu », sur ria.ru (consulté le ).
  34. Comment les produits interdits contournent l'embargo russe, Anna Iourieva, Russia Beyond The Headlines, 28 novembre 2014
  35. Embargo russe : de multiples leviers pour contourner l’interdiction, Benjamin Quenelle, 5 septembre 2014
  36. Les producteurs français s'organisent pour contourner l'embargo russe, Charlotte Peyronnet, Le Figaro, 14 juillet 2014
  37. Comment les pays exportateurs contournent l'embargo russe, Victoria Masson, Le Figaro, 7 août 2015
  38. Comment le saumon norvégien franchit le barrage des sanctions, Irina Javoronkova, Russia Beyond The Headlines, 27 octobre 2014
  39. Moscou détruit des tonnes d'aliments, Le Figaro, 6 août 2015
  40. Moscou a déjà détruit plus de 650 tonnes d'aliments occidentaux sous embargo, Le Figaro, 7 août 2015

Articles connexes

Liens externes

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