Droit de représentation

Le droit de représentation désigne l'artifice juridique, qui permet à un mort d'être représenté par ses descendants, lors d'une succession à laquelle il aurait normalement participé s'il avait encore été en vie. Autrement dit, les descendants d'un mort sont admis à la succession qui échoit à cette personne décédée, et héritent de sa part dans ladite succession, en quelque sorte au nom, par l'intermédiaire, par le biais de ce mort, en le représentant.

Pour le droit de représentation en propriété intellectuelle, voir Droit_d'auteur#Droits_patrimoniaux.

On peut aussi utiliser ce terme de représentation dans le cas d'une succession de fief qui échoit à une femme, jugée incomplètement capable de l'assumer dans le contexte médiéval, puisqu'elle ne peut remplir l'obligation féodale, alors essentielle, de faire la guerre, de porter les armes, d'aller à l'ost du suzerain ou du roi : elle est donc représentée par son époux. Ces deux acceptions sont évoquées dans le cas de la France et de la Bretagne anciennes, qui suivent ; l'antinomie de la première acception est vue un peu plus loin dans le cas de la Flandre médiévale.

Cas de la France et de la Bretagne

- En France, en effet, lorsqu'un roi de France décédait, sa plus proche parenté masculine héritait du trône : d'abord sa descendance directe masculine aînée ; sinon, le plus proche parent mâle, par ordre de primogéniture (l'aîné des aînés succède), en acceptant la représentation de mâle en mâle. Cela correspond à l'exercice de la loi salique, qui n'est autre qu'un héritage franc. Ainsi Louis XV succède à son arrière-grand-père Louis XIV en 1715, par représentation de son grand-père le Grand Dauphin et de son père le dauphin, duc de Bourgogne.

- En Bretagne, les choses différaient : une femme pouvait avoir des droits à la succession ducale et transmettre ces droits, elle pouvait hériter du duché ; mais elle ne prenait pas forcément le duché en main, elle pouvait ne pas gouverner réellement. Mais alors son époux pouvait le faire : il la représentait.

Ce fut notamment le cas d'Alix de Thouars, duchesse de Bretagne, demi-sœur d'Arthur Ier assassiné par Jean sans Terre en 1203, fille de la duchesse Constance et de son troisième mari Guy de Thouars. Elle fut mariée en 1213 à Pierre de Dreux dit "Mauclerc". Ce dernier, de sang royal capétien et relativement proche du roi Philippe Auguste, permettait le retour de la Bretagne dans le giron français, après plusieurs décennies de lutte franco-anglaise. Pierre de Dreux, nommé « baillistre de Bretaigne », représente sa femme et commence alors une nouvelle dynastie ducale bretonne. Déjà, la mère d'Alix, la duchesse Constance, avait été représentée par son premier mari le duc jure uxoris (du chef, du droit de sa femme) Geoffroy Plantagenêt, puis son troisième mari le baillistre-duc jure uxoris (duc consort) Guy de Thouars.

- En Grande-Bretagne, Victoria est devenue reine en 1837 en succédant à son oncle Guillaume IV et par représentation de son père Édouard-Auguste de Kent, frère cadet de Guillaume, prédécédé dès 1820.

Cas de la Flandre

Le principe antinomique de la représentation est la non-représentation, pratiquée dans la Flandre médiévale, par rapport opposition à la coutume du Maine.

- Ce fut notamment le cas avec Béatrix de Gavre, dame de Gavre. Par elle, le titre de sire de Gavre[1] fut réservé selon la coutume familiale au premier héritier présomptif survivant du chef de la Maison de Laval. Car Béatrix de Gavre avait incorporé aux domaines de son époux Guy IX de Laval, un vaste territoire situé en Flandre, Gavre et ses dépendances. Cet héritage lui était venu grâce à une disposition de la coutume de Flandre absolument contraire à ce qui était réglé par la coutume du Maine, et qui avait l'inconvénient de compromettre singulièrement les intérêts de la postérité des aînés. La transmission des héritages avait lieu en Flandre sans admettre le droit de représentation. C'est ainsi qu'en 1300, lors du décès de Rasse VIII de Gavre, il se trouva que par le prédécès de son fils unique, appelé Rasse lui aussi ou Gauthier, le défunt ne laissait qu'une seule héritière au premier degré : Béatrix, dont les droits de fille survivante annulaient ceux de ses neveux, dont le père était mort et au nom duquel ils ne pouvaient pas intervenir par représentation dans ladite succession. Béatrix devint donc dame de Gavre, et après elle ses descendants de la famille de Laval, en acceptant d'ailleurs, à défaut d'homme, les droits des femmes : ainsi Anne succéda à son père Guy XII en 1412, mais fut représentée par son mari Guy XIII de Laval-Montfort. En 1501, contrairement au comté de Laval qui suivait la coutume du Maine et admettait donc la représentation, la succession de Gavre n'alla pas à Guy XVI de Laval, neveu de Guy XV, mais passa à François de Laval-Montafilan-Châteaubriant, demi-frère puîné de Guy XV : car le père de Guy XVI, Jean de La Roche-Bernard, frère cadet de Guy XV et demi-frère aîné de François, était prédécédé dès 1476.

- Le cas sans doute le plus célèbre de non-représentation est celui de la succession d'Artois en 1302 (le comté d'Artois est le bout méridional du comté de Flandre, venu à la France en dot d'Isabelle de Hainaut-Flandre, la femme de Philippe Auguste : la coutume de Flandre s'y applique donc ; c'est un des ressorts des fameux Rois maudits  : à Robert II succède en 1302 sa fille Mahaut et non son petit-fils Robert (III) car le père de ce dernier, Philippe, frère de Mahaut, est prédécédé dès 1298.

Notes et références

  1. À ne pas confondre avec Le Gâvre, près de Nantes.
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