Dominique Méda

Dominique Méda, née le à Sedan, est une haute-fonctionnaire française, également philosophe et sociologue. Normalienne, énarque et inspectrice générale des affaires sociales, elle a particulièrement écrit sur le thème du travail et des politiques sociales, des indicateurs de richesse et des femmes.

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Parcours personnel

Née en 1962 à Sedan, Dominique Méda fait ses études secondaires au lycée Pierre-Bayle avant d'entrer en hypokhâgne et en khâgne au lycée Henri-IV à Paris. Ancienne élève de l'École normale supérieure (Sèvres puis Ulm après la fusion de 1985) et de l’École nationale d'administration, agrégée de philosophie, elle est membre de l'IGAS depuis 1989 et inspectrice générale des affaires sociales. Elle a été responsable de la Mission animation de la recherche à la DARES de 1995 à 2005[1] puis directrice de recherches au Centre d'études de l'emploi. Elle obtient une habilitation universitaire en sociologie en 2009, à l'Université Toulouse-Jean-Jaurès[2], Gilbert de Terssac étant son garant.

Depuis 2011, Dominique Méda est professeur de sociologie à l'Université Paris-Dauphine-PSL, directrice de l'Institut de recherches interdisciplinaires en sciences sociales[3] (IRISSO, UMR CNRS INRAE) et co-titulaire avec Florence Jany-Catrice de la chaire « écologique, travail, emploi et politiques sociales »[4] au Collège d'études mondiales (CEM)[5].

Travaux

Depuis 1993, date de son premier ouvrage collectif, Politiques sociales, écrit avec Marie-Thérèse Join-Lambert, Anne Bolot-Gittler, Christine Daniel et Daniel Lenoir, également membres de l'IGAS, Dominique Méda mène une réflexion philosophique et sociologique sur la place du travail dans nos sociétés, les rapports entre économie et politique, les instruments avec lesquels nous mesurons la richesse d'une société, la place des femmes dans l'emploi, le modèle social français.

Ses travaux ont marqué la sociologie du travail en France et en Europe, soulevant des débats publics[réf. nécessaire]. Dominique Méda a en effet mené, en inscrivant sa réflexion dans l'histoire de l'humanité, de nombreuses recherches fondamentales sur le travail : le rapport qu'on entretient avec lui et le sens qu'on lui prête. C'est en 1995 que paraît son premier livre sur le travail qui rencontre un large écho[réf. nécessaire] : Le travail. Une valeur en voie de disparition [6],[7]. Elle propose une histoire philosophique du concept de travail en s'appuyant notamment sur les travaux de Jean-Pierre Vernant et Marie Noëlle Chamoux et en montrant les différentes étapes historiques au travers desquelles le concept moderne de travail a émergé : au XVIIIe siècle, le travail trouve son unité au prix d'une conception abstraite, marchande et détachable ; le XIXe siècle voit l'apparition sur la scène publique de la dimension de « liberté-créatrice du travail » bien représentée dans la philosophie allemande, mais aussi dans les œuvres de jeunesse de Marx ; à la fin du XIXe siècle, avec l'émergence de la société salariale, le travail devient le pivot du système de distribution des revenus, des droits et des protections. Méda montre que les contradictions existant entre ces différentes dimensions du travail, qui coexistent, sont légion. Au terme de cette histoire, le travail apparaît comme une norme, un fait social total, considéré comme le moyen individuel de réalisation de soi et le mode privilégié de création de lien social. L'ouvrage est un plaidoyer pour une réduction de la place du travail dans la vie individuelle et sociale [8],[9] - qui permettrait de libérer de l'espace et du temps pour les activités citoyennes, politiques, centrales pour la cohésion sociale - et pour un meilleur partage du travail. Il s'agit de permettre à tous, femmes et hommes, d'accéder à la gamme diversifiée des activités humaines (activités politiques, productives, familiales, amoureuses, de libre développement de soi). Les enquêtes sociologiques menées avec ses collègues permettront de mettre en évidence l'importance accordée au travail par les Européens, notamment les Français. Dominique Méda a également travaillé sur les questions d’égalité hommes/femmes au travail. Ses ouvrages récents sont consacrés à la place des femmes dans l'emploi. Ils constituent un plaidoyer pour un meilleur partage des tâches domestiques et parentales entre les hommes et les femmes et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les hommes et les femmes, ainsi qu'une amélioration de la place des femmes dans l'emploi[10].

Plus largement, Dominique Méda interroge les rapports entre économie et politique et les instruments avec lesquels nous mesurons la richesse d'une société. En 1999, elle publie Qu'est-ce que la richesse ?, dans lequel elle met en évidence les limites du produit intérieur brut comme indicateur de richesse sociale et propose une politique de civilisation appuyée sur une nouvelle conception de la richesse et du progrès, et de nouveaux indicateurs[11]. Elle réintroduit ainsi en France la critique de la croissance[réf. nécessaire], thème qu'elle travaillera avec Florence Jany-Catrice et Jean Gadrey durant les années suivantes. Pour Pierre-Olivier Monteil, « l'ouvrage est résolument tonique, critique, voire militant... »[11] Dominique Méda y fait intervenir une matière considérable pour tenter d'ébaucher des propositions concrètes sur le plan politique et syndical. Néanmoins, selon Monteil, le livre ne se départ pas d'une certaine ambiguïté en ce qui concerne certaines formulations et problématiques[11].

Dans le prolongement de cette réflexion, elle est l’un des membres-fondateurs puis aujourd'hui coprésidente du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR) créé au moment de la mise en place de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure des performances économiques et du progrès social. Elle effectue des comparaisons européennes en matière de modèle social et met ainsi en perspective le modèle français. Dans Faut-il brûler le modèle social français ? (2006), Dominique Méda et Alain Lefebvre analysent en profondeur les dysfonctionnements du modèle social français et les atouts du modèle nordique[12].

Depuis, Dominique Méda a entamé une nouvelle réflexion sur le passage d’une économie des quantités à une économie de la qualité. Comment penser une prospérité sans croissance, avec quelles nouvelles définitions et répartition des richesses ? Comment faire de la contrainte écologique une extraordinaire occasion de transformer le système économique et les rapports de travail pour que chacun accède à un travail décent ? Des questions qu’elle traite dans les deux derniers ouvrages collectifs qu'elle a préfacés ou co-dirigés en 2010 et 2011 : Redéfinir la prospérité et Les chemins de la transition. Elle prolonge ses réflexions dans La Mystique de la croissance. Comment s'en libérer, et dans Réinventer le travail, écrit avec Patricia Vendramin, puis dans un livre collectif, Travailler au XXIe siècle. Des salariés en quête de reconnaissance.

Entre 2008 et 2012, elle a consacré ses recherches au rapport des Européens au travail[13], à l'évaluation critique du revenu de solidarité active[14], à la flexicurité et aux réformes intervenues en matière de droit du travail[15], notamment à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle[16].

Essais et engagements associatifs

En 2010, elle crée le Laboratoire de l'égalité[17] avec Olga Trostiansky, Cécile Daumas, Armelle Carminati, entre autres. Cette association a pour but de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment professionnelle. Elle n'en est plus membre depuis 2015.

En 2016, dans Einstein avait raison il faut réduire le temps de travail, publié avec Pierre Larrouturou, elle défend la semaine de quatre jours de travail.

En 2018, elle publie avec Éric Heyer et Pascal Lokiec, Une autre voie est possible, chez Flammarion. Dans cet ouvrage, les auteurs remettent en cause l'idée selon laquelle le modèle social serait responsable de la situation de la France. Ils rappellent que la France n'est pas le seul pays à connaître des taux de chômage élevés : c'est également le cas de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce... Par ailleurs, ils reviennent sur les raisons de la crise : des dysfonctionnements majeurs du capitalisme financier, des dettes souveraines qui ont explosé parce que les États ont volé au secours des banques en 2008, de graves erreurs de politique économique réalisées notamment en Europe à partir de 2011 lorsque des politiques d'austérité et d'équilibre budgétaire ont été déployées. Les politiques de désinflation compétitive inaugurées en Allemagne au début des années 2000 et reprises ensuite par les pays européens ont entraîné ceux-ci dans une compétition mortifère[réf. nécessaire]. Les auteurs consacrent plusieurs chapitres à des propositions très concrètes - dont la principale est la mise en œuvre d'un programme d'investissement public massif de plus de 20 milliards d'euros par an pendant dix ans dans la transition écologique et sociale - qui constituent un véritable programme de gauche.

Activités politiques et sociales

En 1996, Dominique Méda participe à l'élaboration des thèses du mouvement Utopia lors de sa création. En 2008, elle fait partie du noyau qui fonde le Forum pour d'autres indicateurs de richesse avec les économistes Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice, le sociologue Georges Menahem et le philosophe Patrick Viveret. Depuis 2012, elle en est une des trois co-présidentes.

En 2012, elle s'engage dans le lancement du collectif Roosevelt. En 2013, elle est présente au lancement du nouveau parti politique Nouvelle Donne aux côtés de Pierre Larrouturou. Elle est également membre du comité scientifique de la revue de sciences humaines, Bulles de Savoir.

Après la victoire de Benoît Hamon à la primaire citoyenne de 2017, elle devient conseillère « travail » pour sa campagne présidentielle[18] bien que ne partageant pas ses idées sur la disparition des emplois et la première version du revenu universel.

Elle soutient en 2018 le collectif européen Pacte Finance Climat, destiné à promouvoir un traité européen en faveur d'un financement pérenne de la transition énergétique et environnementale pour lutter contre le réchauffement climatique.[19]

Elle est membre du comité d’orientation et de prospective du Forum Vies Mobiles ».

Depuis le , elle est la présidente de l'Institut Veblen pour les réformes économiques[20].

Elle tient une chronique mensuelle (https://www.lemonde.fr/signataires/dominique-meda/) dans le journal Le Monde[21].

Distinctions

Elle est membre associée de l'Académie royale de Belgique.

Ouvrages

  • 2020, avec Isabelle Ferreras et Julie Battilana, Manifeste Travail. Démocratiser. Démarchandiser. Dépolluer, Le Seuil
  • 2019, avec Sarah Abdelnour, Les nouveaux travailleurs des applis, PUF/ La Vie des idées
  • 2019, avec Florence Jany-Catrice (dir.), L'économie au service de la société. Autour de Jean Gadrey, Les petits matins 2019.
  • 2018, avec Eric Heyer et Pascal Lokiec, Une autre voie est possible, Flammarion
  • 2017, avec Isabelle Cassiers et Kevin Maréchal (dir.), Vers une société post-croissance. Intégrer les défis écologiques, économiques et sociaux, éditions de l'aube
  • 2016, avec Florence Jany-Catrice, Faut-il attendre la croissance ?, La Documentation française
  • 2016, avec Dominique Bourg et Alain Kaufman (dir.), L'Âge de la transition. En route pour la reconversion écologique, Institut Veblen/Les petits matins
  • 2016, avec Pierre Larrouturou, Einstein avait raison : il faut réduire le temps de travail, Éditions de l'Atelier.
  • 2015, avec Maëlezig Bigi, Olivier Cousin, Laetitia Sibaud, Michel Wieviorka, Travailler au XXIe siècle. Des salariés en quête de reconnaissance, Robert Laffont
  • 2013, La mystique de la croissance. Comment s'en libérer, Flammarion.
  • 2013, avec Patricia Vendramin, Réinventer le travail, P.U.F.
  • 2011, Pour en finir avec ce vieux monde. Les chemins de la transition, par Thomas Coutrot, David Flacher et Dominique Méda (dir.), Utopia.
  • 2010, Travail, la révolution nécessaire, éditions de l'Aube, La Tour d'Aigues (ISBN 978-2-8159-0036-2).
  • 2008, Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, Champs-Actuel
  • 2008, avec Évelyne Serverin, Le contrat de travail, Collection Repères, La Découverte.
  • 2007, avec Hélène Périvier, Le deuxième âge de l’émancipation, La République des idées.
  • 2006, avec Alain Lefebvre, Faut-il brûler le modèle social français ?, Seuil.
  • 2005, avec Peter Auer et Geneviève Besse (dir.), Délocalisations, normes du travail et politique d’emploi. Vers une mondialisation plus juste ?, La Découverte.
  • 2005, avec Françoise Milewski, Sandrine Dauphin, Nadia Kesteman, Marie-Thérèse Letablier, Françoise Nallet, Sophie Ponthieux et Françoise Vouillot, Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité, Rapport de mission remis à Madame Nicole Ameline, ministre de la Parité et de l’Égalité professionnelle, mars, 339 p.[23]
  • 2004, avec Francis Vennat, Le travail non qualifié, Perspectives et paradoxes, La Découverte.
  • 2004, Le Travail, coll. Que sais-je ? , PUF, réed. 2007.
  • 2001, avec Bernard Bruhnes, Denis Clerc, Bernard Perret, 35 heures : le temps du bilan, Desclée de Brouwer.
  • 2001, avec Jean-Yves Kerbouc’h, Christophe Willmann et Rachel Beaujolin-Bellet, Le salarié, l’entreprise, le juge et l’emploi, Cahier Travail emploi, La Documentation française.
  • 2001, Le Temps des femmes. Pour un nouveau partage des rôles, Flammarion, rééd. Champs-Flammarion, 2002 puis Champs Actuel, 2008.
  • 1999, Qu’est-ce que la richesse ?, “ Alto ”, Aubier ; rééd. Champs-Flammarion, 2000.
  • 1997, Travail, une révolution à venir, entretien avec Juliet Schor, Mille et une nuits/Arte Éditions.
  • 1997, Le partage du travail, Problèmes sociaux, La Documentation française.
  • 1995, Le Travail. Une valeur en voie de disparition, “ Alto ”, Aubier ; rééd. Champs-Flammarion, 1998.
  • 1993, avec Marie-Thérèse Join-Lambert, Anne Bolot-Gittler, Christine Daniel, Daniel Lenoir, Politiques sociales, en collaboration, FNSP/Dalloz, 1994, 2e édition 1997
  • Publications : https://www.cairn.info/publications-de-Dominique-M%C3%A9da--2400.htm

Notes et références

  1. DARES
  2. CV de Gilbert de Terssac
  3. IRISSO, UMR CNRS
  4. Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales
  5. Les chaires du Collège d'études mondiales
  6. Robert Solé, « Le travail désenchanté », Le Monde, , p. 16 (ISSN 0395-2037) :
    « A propos du livre "Le travail, une valeur en voie de disparition" paru chez Aubier : « Voici un vrai livre, dense, profond et stimulant, qui nous change de beaucoup de faux essais aux pages creuses et aux titres accrocheurs ». »
  7. Jacques Robin, « Une valeur qui disparaît », Le Monde diplomatique, , p. 27 (ISSN 0026-9395) :
    « Dans un ouvrage qui va faire date (Le travail une valeur en voie de disparition, Aubier), une jeune philosophe, Dominique Méda, nous livre une réflexion dense et stimulante sur le rôle du travail dans la société. »
  8. Chemin 2014.
  9. Lemaître 1996.
  10. Brown 2004.
  11. Monteil 2000.
  12. Nezosi 2007.
  13. La relation des Européens au travail - Introduction - Site de la Documentation française
  14. Le RSA : innovation ou réforme technocratique ?, http://www.cee-recherche.fr/fr/doctrav/152-rsa-innovation-reforme-technocratique-enseignements-monographie-departementale.pdf
  15. L'Emploi en rupture, Dalloz, 2010
  16. http://www.cee-recherche.fr/fr/connaissance_emploi/97-raisons-rompre-cdi-rupture-conventionnelle.pdf
  17. Site du Laboratoire de l'égalité
  18. Boris Manenti, « Qui compose l'équipe de campagne de Benoît Hamon ? », nouvelobs.com, (consulté le )
  19. « Les Premiers signataires | Pacte Finance Climat », sur climat-2020.eu (consulté le )
  20. Dominique Méda devient présidente de l’Institut Veblen sur le site de l'association le
  21. « Dominique Méda, ses dernières publications dans Le Monde », sur lemonde.fr (consulté le ).
  22. Promotion du
  23. Fiche de présentationhttp://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000445/index.shtml de La Documentation Française et téléchargement http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000445/0000.pdf (attention : le pdf débute par 2 pages blanches)

Voir aussi

Bibliographie

  • Anne Chemin, « Février 1996 : Dominique Méda se défend de toute paresse », Le Monde, (lire en ligne).
  • Delphine Chauffaut et Danielle Boyer, « Dominique Méda et Hélène Périvier, Le deuxième âge de l’émancipation. La société, les femmes et l’emploi », Recherches et prévisions, no 90, , p. 117-119 (lire en ligne).
  • Gilles Nezosi, « Alain Lefebvre. Dominique Méda. Faut-il brûler le modèle social français? », Recherches et prévisions, no 87, , p. 105-106 (lire en ligne).
  • Elizabeth Brown, « Méda D. — Le temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles », Population, vol. 59, no 1, , p. 172-174 (lire en ligne).
  • Pierre-Olivier Monteil, « Dominique Meda, Qu'est-ce que la richesse ? », Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique, vol. 66, no 1, , p. 111-112 (lire en ligne).

Webographie

Liens externes

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