Démarchandisation

La démarchandisation (ou décommodification) est le processus par lequel la sphère du marché se réduit pour laisser place à un engagement de la force publique. La démarchandisation vise à réduire la dépendance des individus face au marché et à assurer les risques des citoyens, c'est-à-dire à lui assurer une autonomie vis-à-vis du marché[1]. C'est le mouvement inverse de la marchandisation, qui vise à faire de tout bien un bien privé, vendable[2].

Définition

La démarchandisation est définie par Gøsta Esping-Andersen comme "lorsqu'un service est obtenu comme un dû et lorsqu'une personne peut conserver ses moyens d'existence" indépendamment de sa participation sur le marché du travail[3]. Cela revient à considérer certains biens communs comme essentiels à la vie, et ne devant ainsi pas être traduit sur le marché, c'est-à-dire, ne devant pas faire l'objet de perspectives de gains individuels[4]. Les biens démarchandisés échappent à la logique du profit[5].

Pour François Eymard-Duvernay, la démarchandisation ne suppose pas une extinction de l'économie de marché, qui continue de fonctionner pleinement, mais une extension relative de la sphère non-marchande dans le but de corriger les inégalités[6]. La démarchandisation fonde une citoyenneté sociale en plus de la citoyenneté politique, comme suggérée dans le préambule de la Constitution de 1946.

Formes de démarchandisation

Démarchandisation de la monnaie et du travail

Pour Karl Polanyi, historien de l'économie, les accords de Bretton Woods, qui participe à l'ère qui s'ensuit, marque une sortie relative de la monnaie de la sphère du marché, car celle-ci est retirée aux spéculateurs par le biais du contrôle des capitaux[7].

La Libération et l'immédiat après-guerre voient une démarchandisation du travail, qui est alors considéré comme une "propriété sociale". Gøsta Esping-Andersen remarque ainsi que la protection sociale et la construction des caisses d'assurance-maladie et de retraites s'inscrit dans cette volonté d'extraire de la sphère du marché la santé et la retraite des individus. Certains auteurs soutiennent que le concept de responsabilité sociétale des entreprises qui prend de l'ampleur dans les années 2000 traduit une ambition de démarchandisation des travailleurs[3].

État-providence et politiques sociales

Les politiques sociales de l'État-providence, construit et renforcé en France et en Europe, procèdent sur le mode de la démarchandisation en retirant au marché la gestion de certains éléments de la vie des populations[3],[8].

Pour Esping-Andersen, la démarchandisation partielle est directement liée à la construction de l’État-providence. Le niveau de démarchandisation strictement entendu et le ratio public-privé dans la fourniture des biens sociaux sont deux des trois indicateurs permettant de calculer la providentialité des différents types d'États-providence[9].

Ce ratio diffère selon le type d’État-providence. Le régime libéral, qui repose sur l'idée que le libre marché doit réguler les transferts sociaux et que les classes moyennes et supérieures doivent utiliser des assurances privées, a un niveau de démarchandisation faible. Le régime conservateur, qui est construit autour de la famille et qui ont des prestations sociales basées sur la participation au marché du travail couplées à un système assurantiel obligatoire, a un niveau de démarchandisation élevé. Le régime social-démocrate, typique des pays nordiques, a le niveau de démarchandisation le plus élevé, puisque les protestations et services de l’État-providence sont nombreux[10].

L'économie collaborative

L'économie collaborative est une forme de démarchandisation des échanges économiques[11]. De la même manière, les activités associatives et coopératives et les banques coopératives promeuvent une démarchandisation.

Exemples de démarchandisation

Le développement

montre que le monde, système dynamique complexe en perpétuelle recherche d'équilibre lorsque règne la liberté d'adaptation, évolue, dans de nombreux domaines, de façon tout à fait inverse.

Notes et références

  1. Chantal Euzéby et Julien Reysz, La dynamique de la protection sociale en Europe, Presses universitaires de Grenoble, (ISBN 978-2-7061-1674-2, lire en ligne)
  2. Lionel-Henri Groulx, Revenu Minimum Garanti: Comparaison Internationale, Analyses et Débats, PUQ, (ISBN 978-2-7605-1854-4, lire en ligne)
  3. Louis-André Vallet, Gøsta Esping-Andersen, Louis-Andre Vallet et Gosta Esping-Andersen, « Les trois mondes de l'État-providence. Essai sur le capitalisme moderne », Revue Française de Sociologie, vol. 43, no 2, , p. 423 (ISSN 0035-2969, DOI 10.2307/3322512, lire en ligne, consulté le )
  4. Serge Paugam, « L’épreuve du chômage: une rupture cumulative des liens sociaux? », Revue européenne des sciences sociales. European Journal of Social Sciences, no XLIV-135, , p. 11–27 (ISSN 0048-8046, DOI 10.4000/ress.248, lire en ligne, consulté le )
  5. Simon Borel, David Massé et Damien Demailly, « L’économie collaborative, entre utopie etbig business », Esprit, vol. Juillt, no 7, , p. 9 (ISSN 0014-0759 et 2111-4579, DOI 10.3917/espri.1507.0009, lire en ligne, consulté le )
  6. François Eymard-Duvernay, « Approches institutionnalistes de l'État Social », Revue Française de Socio-Économie, vol. 1, no 1, , p. 89 (ISSN 1966-6608 et 2104-3833, DOI 10.3917/rfse.001.0089, lire en ligne, consulté le )
  7. Isabelle HILLENKAMP et Jean-Louis LAVILLE, Socioéconomie et démocratie : l'actualité de Karl Polanyi, Eres, (ISBN 978-2-7492-3749-7, lire en ligne)
  8. Hedva Sarfati, « Où va la protection sociale ?, Sous la direction de Anne-Marie Guillemard, Paris : PUF, Collection Le lien social, 2008, 404 p., (ISBN 978-2-13-057092-9). », Relations industrielles, vol. 65, no 4, , p. 681 (ISSN 0034-379X et 1703-8138, DOI 10.7202/045593ar, lire en ligne, consulté le )
  9. François-Xavier Merrien, « États-providence en devenir. Une relecture critique des recherches récentes », Revue française de sociologie, vol. 43, no 2, , p. 211–242 (DOI 10.2307/3322505, lire en ligne, consulté le )
  10. Gøsta Esping-Andersen, Les trois mondes de l'État-providence, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-055916-0, DOI 10.3917/puf.espin.2007.01., lire en ligne)
  11. Bernard Perret, « De la propriété à l’usage », Esprit, vol. Juillt, no 7, , p. 30 (ISSN 0014-0759 et 2111-4579, DOI 10.3917/espri.1507.0030, lire en ligne, consulté le )
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