Contraception masculine thermique

Les méthodes de contraception masculine thermique (C. M. T.) tirent leur efficacité du fait de l'altération de la fonction de thermorégulation du scrotum[1].

Lorsque cette fonction est altérée par le port de sous-vêtements serrés[2], par une température extérieure élevée, ou par une fièvre, la fertilité peut en être altérée.

Histoire

Depuis l'Antiquité, l'effet délétère de l'hyperthermie sur la fertilité masculine est connu. C'est à partir du XIXe siècle que la communauté scientifique a débuté des recherches pour mieux comprendre le phénomène.

Dans les années 1930, la médecin, Marthe Voegeli (en)[3], a exploré le rôle de la chaleur dans la stérilisation masculine. Elle a mené des expériences sur la relation entre la chaleur et la spermatogenèse. Elle a mis en évidence que l'exposition des testicules, par le biais de bains chauds à une température élevée, altérait la fertilité. Les concentrations de spermatozoïdes des volontaires chutaient au point que ces derniers étaient considérés comme infertiles. C'est la première scientifique à populariser cette méthode alternative de contraception pour les hommes.

La thermodépendance de la spermatogenèse a été confirmée au cours de différentes études entre 1950 et 1970 par les docteurs Watanabe et Robinson[4],[5],[6].

L'effet de la température a d'abord été étudié avec des procédés externes comme le bain chaud ou le sauna avec des valeurs supérieures à 40 °C sur de courtes périodes d'exposition[7],[8].

Des antécédents de problèmes de descentes testiculaires (cryptorchidie) ou des pratiques professionnelles amenant à élever la température scrotale ou encore la fièvre, sont identifiés comme des facteurs de baisse de la fertilité[9]. Des études ont été menées avec une exposition quotidienne des testicules à une chaleur de moindre intensité de l'ordre de 37 °C, proche de la température corporelle[10],[11].

Principe

Anatomie génitale interne de l'homme.

La production de spermatozoïdes peut être perturbée avec l'augmentation de la température[12].

Les méthodes thermiques impliquent le chauffage des testicules pour que la production de spermatozoïdes soit freinée. Les spermatozoïdes sont produits à une température légèrement inférieure à celle du corps, de l'ordre de 1 à 2 °C en dessous de 37 °C.

Le muscle crémaster recouvre les testicules. Il fonctionne de manière involontaire. Son rôle est d'abaisser les testicules si la température du corps augmente ou de les soulever si la température du corps baisse ; il permet ainsi de réguler la température des testicules et de la maintenir de plusieurs degrés inférieure à celle du corps pour favoriser une spermatogenèse idéale[6],[13].

Associés à cela, d'autres effets ont été observés, comme la diminution de la mobilité et l'altération des caractères morphologiques des spermatozoïdes produits[13],[14],[15],[16].

Certains suggèrent que l'exposition à de hautes températures (47 °C) peut affecter la fertilité pendant des mois[1].

Efficacité

Il est à noter que les méthodes thermiques n'entraînent pas une azoospermie, mais une réduction des spermatozoïdes[17] en dessous du seuil contraceptif considéré comme efficace.

Il est défini en 2007 à 1 million de spermatozoïdes/millilitre par éjaculat[18],[19],[20] pour la contraception masculine thermique, chimique et hormonale.

Seule la méthode de la cryptorchidie artificielle par remontée testiculaire à l'aide de port d'un dispositif a été testée sur assez de volontaires pour établir que l'efficacité de la contraception masculine thermique est satisfaisante. En effet, au cours des études cliniques, 50 couples furent suivis sur 537 cycles de grossesse. Une seule a été constatée à la suite d'une mauvaise utilisation de la technique[19]. L'indice de Pearl serait donc inférieur à 0,5 et cette contraception peut être considérée comme efficace selon les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).

Effets indésirables

La limite maximale d'exposition à la chaleur est de l'ordre de 45 °C, qui provoque sur les cellules vivantes la coagulation des protéines intracellulaires[21]. Toutefois, une exposition supérieure à 41 °C sur de courtes périodes peut être pratiquée, comme cela a été le cas pour les études scientifiques sur le bain chaud.

L'exposition à une température proche de celle du corps (37 °C) dans le cas de la cryptorchidie artificielle ou encore de l'isolement thermique des testicules, a permis d'augmenter le temps de réchauffement pour freiner la spermatogenèse sur de longues périodes, au maximum 4 années de suite. À ce jour, seule une diminution de quelques pourcent du volume des testicules a été observée durant la période de contraception. Il n'a pas été mis en évidence une augmentation du risque de torsion testiculaire. Toutefois, il a été démontré que la qualité nucléaire des spermatozoïdes était altérée durant la phase d'inhibition de la spermatogenèse, mais que celle-ci était réversible 3 mois après l'arrêt de la pratique de la cryptorchidie artificielle[22]. Cette constatation doit être prise en compte lors de l'utilisation de la contraception, pendant la phase d'inhibition et pendant 3 mois après l'arrêt du traitement[19].

Méthodes

Bains chauds

En quelques mois d'exposition quotidienne le nombre de spermatozoïdes chute à condition que la température soit supérieure à celle du corps : 38 à 46 °C au lieu de 37 °C[4],[6],[8],[12],[7],[23],[24],[25].

Cryptorchidie artificielle

Le principe de la cryptorchidie artificielle ou contraception masculine thermique[26] par remontée testiculaire[27],[28] est simple.

Réchauffer les testicules grâce à la chaleur corporelle en les maintenant dans la poche inguinale plusieurs heures par jour permet de réduire la production de spermatozoïdes en dessous du seuil contraceptif de million/ml[4],[14],[16],[29],[30],[31],[11],[22].

La connaissance de la thermodépendance de la spermatogénèse apparaît en 1941[7]. Pourtant, ce n'est que 50 ans plus tard, en 1991 qu'est publiée la première étude rapportant l'effet contraceptif de la chaleur chez l'homme : les andrologues Roger Mieusset et Jean-Claude Soufir ont été les premiers à obtenir des résultats avec la méthode de la cryptorchidie artificielle[1] (testicules maintenus à l'intérieur de la poche inguinale) grâce au port de dispositifs adaptés.

Isolement thermique du testicule

Par un acte chirurgical, les testicules sont maintenus dans la poche inguinale[29].

Accessoires chauffants

Le port quotidien d'un accessoire qui plaque les testicules de l’homme contre son corps permet de faire monter la température de 2 °C et ainsi, de freiner la production de spermatozoïdes[32]. Pour être efficace, le port de l'accessoire doit être quotidien (temps de pose d'environ 15h par jour) pendant au moins 3 mois, ce qui équivaut au cycle de vie des spermatozoïdes. Cela permet d'atteindre temporairement le seuil contraceptif d'un million par millilitre de sperme (contre 15 à 60 millions en moyenne)[33]. Les pratiquants doivent faire réaliser des analyses avant et après le port pour vérifier le taux de spermatozoïdes[33].

À l'image d'un sac isolant avec des éléments chauffants au contact du scrotum, diverses techniques sont envisagées[34].

Le slip chauffant

Un des moyens existants est le slip chauffant. Cette méthode a été inventée et est prescrite par le docteur Mieusset au centre hospitalier universitaire de Toulouse[35]. LCI indique en 2019 que « seule une petite vingtaine d’hommes porterait ce vêtement contraceptif en France »[32]. Elle n'est pas commercialisée et une mauvaise réalisation artisanale peut entraîner des gènes ou des irritations[35]. D'autres modèles "do-it-yourself" dits "jock-strap" ou "soutien-gorge" existent également.[36]

L'anneau en silicone

Un anneau en silicone est un autre accessoire possible. Inventé et breveté par Maxime Labrit, infirmier français, il est disponible à l'achat sur internet pour quelques dizaines d’euros[33].

Ultrasons

Une méthode en cours d'essais est celle des ultrasons. Elle consiste en l'application d'ondes sonores à hautes fréquences sur les tissus, qui absorbent les ondes sonores en énergie sous forme de chaleur. La possibilité d'utiliser les ultrasons comme contraception est basée sur l'idée que l'exposition temporaire à la chaleur des testicules peut interrompre la production de spermatozoïdes, conduisant à une infertilité temporaire pendant environ six mois. En outre, les ultrasons peuvent affecter les cellules des taux d'absorption des ions, qui lui-même pourrait créer un environnement défavorable à la spermatogenèse. Son effet extrêmement localisé sur les tissus, peut faire des ultrasons un candidat intéressant pour la recherche, mais jusqu'à présent, les études ont été réalisées uniquement sur des animaux, tels que les chiens[37].

Notes et références

  1. « Contraceptions masculines non déférentielles : revue de la littérature | Urofrance », sur www.urofrance.org (consulté le ).
  2. Wolf-Bernhard Schill, Roger Mieusset, Frank H. Comhaire et Timothy B. Hargreave (trad. de l'anglais), Traité d'andrologie à l'usage des cliniciens, Paris, Springer Science & Business Media, (ISBN 978-2-287-72080-2, lire en ligne).
  3. « Contraception masculine : par la chaleur - La Santé des Femmes et Style de Vie », La Santé des Femmes et Style de Vie, (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Watanabe A. The effect of heat on human spermatogenesis. Kyushu J Med Sci. 1959;10:101–117.
  5. (en) Robinson D, Rock J, Menkin MF. Control of human spermatogenesis by induced changes of intrascrotal temperature. J Am Med Ass. 1968;204:80–87.
  6. (en) Rock J, Robinson D. Effect of induced intrascrotal hyperthermia on testicular function in man. Am J Obstet Gynec. 1965;93:793–801.
  7. (en) Robert S. Hotchkiss et John Macleod, « The effect of hyperpyrexia upon spermatozoa counts in men », Endocrinology, vol. 28, no 5, , p. 780–784 (ISSN 0013-7227, DOI 10.1210/endo-28-5-780, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Brown-Woodman PDC, Post EJ, Gasc GC, White IG. The effect of a single sauna exposure on spermatozoa. Arch Androl. 1984;12:9–15.
  9. « Chapitre 02 - Stérilité du couple : conduite de la première consultation | Urofrance », sur www.urofrance.org (consulté le ).
  10. (en) Robinson D, Rock J. Intrascrotal hyperthermia induced by scrotal insulation: effect on spermatogenesis. Obstet Gynecol. 1967;2:217–23.
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  28. Jean-Claude Soufir et Roger Mieusset, « Guide pratique d’une contraception masculine hormonale ou thermique », Andrologie, vol. 22, no 3, , p. 211–215 (DOI 10.1007/s12610-012-0192-1, lire en ligne).
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  36. Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine, « Méthode thermique | » (consulté le )
  37. (en-US) « Expanding Options for Male Contraception », Planned Parenthood Advocates of Arizona, (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Claude Soufir, Roger Mieusset, La contraception masculine, Springer, 2013 (ISBN 978-2-8178-0345-6).
  • Desjeux Cyril, « Histoire de la contraception masculine – l’expérience de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (1979-1986) », Politiques sociales et familiales, no 100, .
  • Huygues Eric, Nohra Joe, Vezzosi Delphine, Bennet Antoine, Caron Philippe, Mieusset Roger, Bujan Louis, Plante Pierre, « Contraceptions masculines non déférentielles : revue de la littérature », Progrès en Urologie, 17, 2007.
  • (en) Davidson Andrew R., Ahn Kye Choon, Chandra Subhas, Diaz-Guerro Rogelio, Dubey D. C. et Mehryar Amir, « Contraceptive choices for men: Existing and potential male methods. », rapport préparé pour être présenté au « Seminar on Determinants of Contraceptive Method Choice », 26-, East West Population Institute, Honolulu, Hawaii, 1985
  • Kalampalikis Nikos et Buschini Fabrice, « La contraception masculine médicalisée : enjeux psychosociaux et craintes imaginaires », Nouvelle revue de psychosociologie 2/2007 (no 4).
  • Oudshoorn Nelly, « Contraception masculine et querelles de genre », Cahiers du genre, no 25, 1999b.
  • Jaspard Maryse, Sociologie des comportements sexuels, Paris, La Découverte, 2005.

Liens externes

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