Concert de casseroles

Un concert de casseroles ou casserolade (en espagnol cacerolazo ou cacerolada) est une forme de protestation populaire pratiquée en France par les opposants à la monarchie de Juillet, puis à la fin de la guerre d'Algérie, et utilisée plus tard dans certains pays hispanophones — en particulier le Venezuela, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay — ainsi qu'au Québec. Consistant à frapper des ustensiles domestiques de métal, dont des casseroles, lesquelles nomment la pratique, cette manifestation a pour intention d'appeler l'attention par le biais du bruit produit.

Manifestation et cacerolazo en 2002. La bannière se lit «Banques voleuses - redonnez-nous nos dollars».
Cacerolazo contre Nicolás Maduro à Caracas le

Les casserolades sont une technique populaire collective ancienne de protestation, pour créer brouhaha, chahut, charivari, tapage, tumulte, turbulence, cette forme de contestation et de mobilisation pouvant amener un certain désordre, préfigurer un chaos, une chienlit. Les concerts de klaxon peuvent jouer le même rôle, mais sont aussi manifestation collective de joie (mariage, victoire sportive, ou électorale, etc).

Moyen-Âge

L'Antiquité a connu de nombreuses fêtes populaires, avec défilés agités et bruyants, dont les Bacchanales et les Saturnales sont les mieux connues. Le Moyen-Âge occidental a eu la Fête des fous, puis la pratique du carnaval s'est imposée, dont le Carnaval de Paris : la mise à mort du Bonhomme Hiver (ou du vieux monde) est une réjouissance importante. Une forme de critique sociale peut s'y manifester, au moins symboliquement.

Dans le domaine germanique, les célébrités indésirables (médisantes) pouvaient être promenées avec au cou la Pierre des Bavards (Klapperstein) : en témoigne le Klapperstei de Mulhouse, forme de pilori mobile, peine afflictive et infamante.

Au XIXe siècle av. J.-C., revivifiant des traditions carnavalesques, les Sociétés festives et carnavalesques organisent généralement des mascarades, manifestations festives sonores : Sociétés bigophoniques, Fanfares des Beaux-Arts, sans revendication autre que de ferveur partagée, avec une certaine dose de parodie.

France

Le phénomène socio-politique moderne du concert de casseroles remonte en France au début de la monarchie de Juillet. Les opposants républicains au nouveau régime utilisent cette pratique reprise du charivari traditionnel à l'encontre du gouvernement et de ses préfets. Les manifestations de ce type atteignent en 1832 la dimension d'une campagne nationale où se conjuguent une centaine de charivaris. Chacun d'eux dure plusieurs heures, se répète parfois plusieurs jours et peut impliquer de quelques dizaines à plusieurs milliers de personnes, le plus souvent la nuit[1].

Dans les départements d'Algérie, le phénomène apparait vers 1961 comme une forme de protestation populaire des pieds-noirs favorables au maintien de l'Algérie française, contre la politique gaullienne d'autodétermination et l'indépendance du pays. Au cours de concerts nocturnes, souvent organisés à l'initiative de l'OAS, les habitants, montés sur les terrasses, ou depuis leur balcon, scandent sur des casseroles en style télégraphique trois brèves et deux longues symbolisant Al-gé-rie fran-çaise.

« L'an 1961 finissait dans le bruit et le sang. On ferait semblant. […] Minuit sonna à tous les clochers de la ville [ il s'agit d'Oran ]. Quelqu'un dit : « Les casseroles ! » Une immense clameur s'élevait de la ville : derrière les volets des balcons, dans les cours, depuis les terrasses sombres, jaillirent des concerts improvisés de casseroles, sous un ciel serein, lui. En un rien de temps, chacun s'était débrouillé, sa casserole et sa cuillère à la main, tapait avec l'énergie du désespoir « Algérie française » […] Après ce concert de casseroles, réconfortant et éprouvant à la fois, l'ambiance aux petites heures du jour se fit mélancolique. »

 Helyett Ben Amara[2]

« Ces casseroles, ces sifflets, ces klaxons Al-gé-rie française, ont quelque chose d'émouvant. Cela a duré deux heures sans une seconde d'interruption. Ce n'est plus de l'hystérie, mais un cri désespéré, interminable, qui remue les plus endurcis. Voilà comment on est balancé continuellement entre deux mondes qui s'entretuent, pleurent, souffrent, appellent au secours : cri dérisoire des casseroles, quête pathétique d'un impossible miracle. Cela ne me fait pas oublier les autres, les miens qui ne finissent pas de tomber, de se faire haïr et ne parviendront sans doute jamais à émouvoir leur vis-à-vis car il y a longtemps qu'on se refuse à les prendre pour des hommes. »

 Mouloud Feraoun[3]

Le XXIe siècle voit une forme de protestation analogue se développer peu à peu, dans l'ensemble de l'Europe, parallèlement au mouvement des indignés[4]. En 2016, lors des grèves et manifestations contre la loi El Khomri, en France métropolitaine, plusieurs manifestations de ce type, appelées « Casseroles debout » (en référence au mouvement social Nuit debout), sont organisées dans plus de 350 villes différentes[5].

Europe (autres pays)

Le mot cacerolazo vient de cacerola en espagnol, qui signifie « casserole ». Le suffixe azo désigne un coup (de perforation ou de suppression) d'action, et a été étendu métaphoriquement à toute sorte de manifestation de choc.

Espagne

  • Processus souverainiste en Catalogne en 2012-2018) (es)
  • Grève générale en Catalogne (2017) (en)

Islande

Amérique latine

Argentine

Chili

Les manifestations qui ont eu lieu au Chili le , n'avaient pas vraiment un caractère spontané, mais étaient organisées en sous main par la droite et l'extrême-droite contre le gouvernement de l'unité populaire et le président Salvador Allende.

Colombie

  • décembre 2012
  • juin 2017
  • novembre 2019

Honduras

  • Crise électorale au Honduras (2017-2018) (es)

Mexique

Uruguay

  • Crise économique en Uruguay (2009-2012) (es)

Venezuela

Amérique non latine

Canada

Le phénomène de cacerolada ou cacerolazo fut introduit au Québec à partir du pendant la grève étudiante québécoise de 2012. Ce jour-là, le gouvernement du Québec faisait adopter la Loi 78, une loi visant à mettre un frein aux piquets de grève et à plusieurs délits commis dans les manifestations, comme la casse ou l'outrage au travail de la police. De fortes amendes sont notamment prévues dans cette législation, pour les grévistes commettant ces délits. Ce mode de protestation se répandit très vite dans tout le Québec et surtout dans les quartiers du centre de l'île de Montréal[6].

Afrique

Gabon

Le concert des casseroles est repris par la population gabonaise au début de l'année 2021 pour contester les mesures de restriction décrétées par le gouvernement visant à lutter contre la progression de la Covid-19. Jugées liberticides, ces mesures impopulaires poussent une partie de la population gabonaise à organiser des concerts de casseroles devants les fenêtres durant le couvre-feu pour exprimer son mécontentement. Bien qu'il se veuille et qu'il soit majoritairement non violent, ce mouvement donne lieu à des débordements à Libreville, des jeunes en colère ayant violé l'interdiction, érigés des barricades, allumé des incendies et jeté des projectiles sur les forces de l'ordre ; les affrontements avec la police font deux morts du côté des contestataires et plusieurs blessés[7].

Références

  1. Hélène Combis, « De la monarchie de Juillet à François Fillon, petite histoire de la casserole comme outil politique », France Culture, (lire en ligne).
  2. Helyette Ben Amara, Il était une fois… là-bas, éd. Alzieu, Grenoble 2000, p. 228-230 (citée par Jeannine Verdès-Leroux, Les Français d'Algérie de 1830 à aujourd'hui, Arthème Fayard 2001, (ISBN 2-7028-4685-8), p. 322).
  3. Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, Éditions du Seuil, 1962, p. 337 ()
  4. « Casserolade pour dire stop à la précarité à l'occasion du sommet social », sur L'Humanité, .
  5. François Vignal, « Loi travail : après « Nuit Debout », « Casseroles Debout » veut faire du bruit », sur Public Sénat,
  6.  : Global noise, site lesindignesduquebec.wordpress.com.

Voir aussi

Articles connexes

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