Clotaire Rapaille

Clotaire Rapaille est un spécialiste en étude de marché, notamment sous l'angle de la psychologie et de l'anthropologie. Né en France en 1941, il est établi aux États-Unis. Il est l'auteur de The Culture Code[1] et de 7 Secrets of Marketing in a Multi-Cultural World.

Son intérêt pour la psychiatrie et la psychanalyse inspire son travail en marketing. Il a une formation en science politique ainsi qu'en psychologie, il est détenteur d'un doctorat en psychologie sociale de la Sorbonne[2],[3].

Clotaire Rapaille est engagé comme consultant par des entreprises désireuses de percer dans de nouveaux marchés[4]. Il a participé à un projet marketing pour encourager les Japonais à consommer du café et un autre pour la compagnie Chrysler où il a aidé à créer la PT Cruiser[5],[6].

Biographie

Il nait à Paris le 16 août 1941.

Il soutient sa thèse de doctorat en psychologie en 1969 auprès de Jean Stoetzel à l'Université de la Sorbonne, dont le sujet était les croyances de communautés nicaraguayennes par rapport à la maladie[7]. Il publie ses premiers ouvrages sous le nom de Gilbert Rapaille, mais va éventuellement opter pour Clotaire Rapaille[7].

Il travaille en France en tant que conseiller en marketing ou développement personnel, où il se présente comme docteur en psychologie. En 1981 il émigre pour de bon aux États-Unis où il se décrit comme docteur en anthropologie médicale et jouit, notamment au début des années 2000, d'une profitable carrière de consultant auprès de grandes corporations souhaitant « décoder » le consommateur afin d'adapter leurs produits et leur communication[8],[7],[9].

La Ville de Québec lui confie un mandat à l'automne 2009, mais celui-ci est annulé après qu'un journaliste eu révélé en mars 2010 qu'il ait menti dans son curriculum vitæ. Il avait déjà créé une certaine controverse quelques semaines auparavant en affirmant que les gens de la ville étaient des « sadomasochistes fiers mais névrosés ». Au bout du compte il a tout de même empoché environ 250 000 dollars. Après cette mésaventure, Rapaille a toutefois continué, occasionnellement, de prononcer des conférences ou obtenir des contrats auprès de firmes américaines chez qui la saga médiatique connue à Québec en 2010 n'a pas fait grand bruit[10].

Théories

Empreintes

Clotaire Rapaille a développé sa théorie sur le cerveau après avoir travaillé comme psychologue pour enfants autistes et a étudié les travaux de Konrad Lorenz sur la théorie de John Bowlby : les empreintes et la théorie de l'attachement[11],[12]. Ce travail l'a amené à croire que les enfants apprennent tout en un mot donné et l'idée qui s'y rattache, ils l'associent à certaines émotions. Il a appelé cette association primitive une empreinte émotionnelle. Cette empreinte détermine notre attitude à l'égard d'une chose en particulier. Ces empreintes individuelles regroupées forment un inconscient collectif culturel, qui inconsciemment pré-organise et influence le comportement d'une culture[13],[4].

Cerveau reptilien

Rapaille souscrit à la théorie, aujourd'hui considérée comme obsolète, du cerveau triunique de Paul D. MacLean, qui décrit trois cerveaux distincts : le cortex, le limbique, et le reptilien. Le système limbique, qui abrite les émotions se trouve sous le cortex (le siège de la logique et de la raison). Et enfin le cerveau reptilien que Rapaille a théorisé est camouflé sous les deux précédents[14].

Rapaille estime que les décisions d'achat sont fortement influencées par le cerveau reptilien, qui se compose du tronc cérébral et du cervelet. Uniquement accessible via le subconscient, le cerveau reptilien est la maison de nos instincts intrinsèques. Elle programme deux choses importantes : la survie et la reproduction. Rapaille propose que, dans une bataille à trois entre le cortex, le limbique (siège de l'émotion) et les zones reptiliennes, le reptilien gagne toujours, parce que la survie passe avant tout. Cette théorie est devenue la base de ses réflexions sur ce que signifie un produit aux consommateurs sur le niveau le plus fondamental.

Le dicton de Rapaille est « le cerveau reptilien gagne toujours »[15].

Inconscient collectif culturel

Sa recherche sur les consommateurs cherche à comprendre ce que M. Rapaille a identifié comme «l'inconscient culturel collectif»[16]. Lors de l'ouverture de son livre, 7 secrets du Marketing, dit-il, « Les cultures, comme les individus, ont un inconscient. Cet inconscient est actif en chacun de nous, et nous fait faire des choses dont on pourrait ne pas être au courant »[17]. Cette inconscient collectif culturel peut être défini comme une piscine d'expériences partagées qui inconsciemment pré-organise et influence le comportement d'une culture.

La méthode Rapaille

Rapaille utilise des focus groupe afin de saisir le sentiment inconscient, qu'il qualifie de « code culturel »[1],[18], des consommateurs d'un pays à l'égard d'un produit, d'une notion ou d'une destination touristique[19],[20]. Les participants sont graduellement menés à livrer leurs impressions premières du produit (« Quand j'étais enfant, les camions me semblaient énormes, terrifiants… ») au lieu de fournir les rationalisations courantes de consommation (« J'ai choisi ce modèle de camion parce qu'il est économe en carburant »).

Les témoignages sont par la suite psychanalysés et résumés sous la forme d'une formule choc (« Aux États-Unis, le mot-clé pour l'automobile est « intimidation » »)[1]

Finalement, le produit serait remodelé pour correspondre plus fidèlement aux désirs inconscients des consommateurs. Par exemple, un camion plus imposant, aux lignes de carrosserie plus agressives.

La méthode Rapaille est employée par plusieurs spécialistes en marketing, notamment par l'agence latino-américaine Mindcode International[21]. Une demande de brevet d'invention a été déposé par Clotaire Rapaille en 2004 concernant sa méthode appliquée à la publicité de vêtements en cuir[22].

Controverse

En février 2010, la Ville de Québec, Pôle Québec Chaudière-Appalaches (actuel Québec International), le Bureau de la Capitale nationale et l'Office du tourisme de Québec[23] font appel à Clotaire Rapaille pour découvrir le « code » de la région de Québec[24],[25]. Rapaille soulève des réactions dans la population lorsqu'il caractérise les citoyens de Québec de « masochistes » ayant un penchant irrépressible à se comparer à Montréal et ayant besoin du reste du Canada pour entretenir la relation sado-masochiste[26].

Le , le quotidien Le Soleil publie un article de Pierre-André Normandin, intitulé Clotaire Rapaille décrypté: un homme et sa légende, démontrant que la biographie de Rapaille, disponible sur le site Internet de ce dernier, contient plusieurs invraisemblances et exagérations[7],[27]. La nouvelle fait boule de neige et est reprise par de nombreux médias québécois, dont Le Téléjournal[28],[29],[30].

Le , le maire de Québec, Régis Labeaume, résilie le contrat à la suite de l'embarras que provoque la controverse entourant Rapaille. 130 000 dollars des 300 000 dollars du contrat ont déjà été versés[24].

Le , le maire de Québec annonce au conseil municipal qu'une entente a été conclue avec Clotaire Rapaille. 75 000 dollars seront versés en honoraires supplémentaires et 25 000 dollars pour les frais de transport et d'hébergement. Au total, la rémunération du conseiller se chiffre à 225 000 dollars plus environ 25 000 dollars pour les frais reliés aux groupes de discussion (recrutement et compensation des participants)[31].

La controverse entourant Clotaire Rapaille a inspiré la pièce satirique Clotaire Rapaille, l'opéra-rock, présentée par le Théâtre d'Aujourd'hui les 21 et 22 décembre 2012[32], dont l'intrigue gravite autour des fumisteries d'un gourou du marketing[33].

Clotaire Rapaille et l'industrie du tabac

Clotaire Rapaille s'est associé avec Philip Morris dans un projet d'archétype pour étudier les raisons émotionnelles qui poussent les fumeurs à fumer. De façon que la société puisse utiliser ces émotions dans des publicités, Rapaille a trouvé que la première expérience typique est la vue d'un adulte admiré en train de fumer et le sentiment d'exclusion de l'activité, puis le sentiment fort, de vouloir y prendre part. Clotaire Rapaille relie alors l'action de fumer avec les rites d'initiations à l'âge adulte, à la prise de risque, prendre part au sein d'un groupe et avoir une « activité d'adulte ». L'aboutissement de l'étude sera : « La première empreinte de l'action de fumer et le fait que les adultes le font, et que moi mineurs, je suis donc exclu… Un élément critique dans ce contexte et le fait que l'individu est à ce moment 'dehors', exclu… »

Voici les recommandations de M. Rapaille à Philip Morris :

  • fumer est uniquement pour les adultes ;
  • il doit être difficile pour des mineurs d'obtenir des cigarettes ;
  • continuer de jouer sur l'aspect de prise de risque, et sur l'aspect ambigu de la morale de cette activité ;
  • marquer la dangerosité, fumer c'est pour les gens qui aiment prendre des risques, qui ne sont pas effrayés des tabous et prennent la vie comme une aventure ;
  • amplifier le rituel de fumer ; le feu et la fumée ;
  • amplifier la conformité de chaque individu, choisir cette marque renforce l'identité et l'appartenance au groupe.

Les recommandations de Rapaille à Philip Morris expliquent pourquoi la marque restreint fortement la vente aux mineurs et éloigne la cigarette des enfants[34].

Ouvrages

  • The Global Code: How a New Culture of Universal Values Is Reshaping Business and Marketing, 2015, en anglais.
  • Move UP, Penguin UK, 2015, en anglais.
  • El Verbo De Las Culturas, Taurus, 2015, en espagnol.
  • Culture Codes, publié le 9 avril 2008 en français et en anglais.
  • Les Sept Secrets du Marketing dans un monde pluri-culturelle, première édition, Utah 2001 en anglais; Seconde édition : Tuxedo Productions, New York 2004 en anglais également.
  • Cancer Social (le code pour Terrorisme)Tuxedo Productions, New York 2003, en Anglais
  • Versteh' Deine ElternBucher, Munich, 1984, en allemand
  • Comprendre ses parents et ses grands-parents, Paris, Marabout, 1982, en français
  • Escuchelo: Es Su HijoPomaire, Barcelona, Colección Libre, 1981, en espagnol
  • Le Trouple, Paris, éditions Menges, 1980, en français
  • Si vous écoutiez vos enfants, Paris, éditions Menges, 1978, en français
  • La Communication créatrice, Paris, éditions Dialogues, 1976, en français
  • Wisdom Of Madness Thomas Jefferson State College, Michigan State University, manuscript, 1975, en français
  • La Relazione Créatrice, Cittadella Editrice,1975, en italien
  • La Relation créatrice, Paris, éditions Universitaires, 1973, en français
  • Laing, Paris, éditions Universitaires, 1972 en français
  • Analyse des pratiques médicales et des croyances liées à la maladie et aux soins dans quinze communautés cicaraguayennes, Thèse, Paris, Sorbonne, 1969 (220 pages), en français[35]

Notes et références

  1. Clotaire Rapaille, « The culture code: an ingenious way to understand why people around the world live and buy as they do », Random House of Canada, (ISBN 0767920570 et 9780767920575).
  2. Gilbert C.. Rapaille, Analyse des pratiques médicales et des croyances relatives à la maladie et aux soins dans quinze communautés nicaraguayennes, , 440 p. (lire en ligne).
  3. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1970_num_11_2_1662
  4. http://www.creargie.fr/wp-content/uploads/2011/06/Link-n%C2%AF20-Culture-Codes.pdf
  5. Gilles Baribeau, « Clotaire Rapaille ou la folie des grandeurs », Le Soleil, .
  6. Simon Durivage, « Entrevue - Frédéric Metz, professeur à l'École de design de l'UQAM, commente le travail de Clotaire Rapaille », Réseau de l'information, Société Radio-Canada, .
  7. Pierre-André Normandin, « Clotaire Rapaille décrypté: un homme et sa légende », Le Soleil, .
  8. Josée Blanchette, « Le code Rapaille », sur Le Devoir, .
  9. (en-US) Jane Gross, « A Dream Life Freud Would Have Envied », sur The New York Times, .
  10. Karine Gagnon, « Sur les traces de Clotaire Rapaille », Le Journal de Québec, (consulté le ).
  11. https://web.archive.org/web/20060715203023/www.randomhouse.com/broadway/culturecode/influences.html
  12. Phil Patton, « Car Shrinks Forget rear-seat legroom. Automakers have decided that the key to higher sales lies in meeting your deepest emotional needs. Here come the », CNN, (lire en ligne).
  13. http://assets.browardpalmbeach.com/content/printVersion/131254
  14. http://www.fastcompany.com/magazine/104/rapaille.html
  15. (en) « Mind Games », Forbes, (lire en ligne).
  16. http://www.promenadespeakers.com/page8.html
  17. G. Clotaire Rapaille, 7 Secrets of Marketing, 9.
  18. « Bazzo.tv reçoit Clotaire Rapaille », .
  19. Isabelle Mathieu, « Rapaille à la recherche de l'essence de Québec », Le Soleil, .
  20. Isabelle Mathieu, « La méthode décortiquée », sur http://www.cyberpresse.ca, Le Soleil, .
  21. « Mindcode International : Is your brand on code? ».
  22. G. Clotaire Rapaille, « Advertisement for leather clothing ».
  23. Isabelle Mathieu, « Le contrat de Rapaille toujours sous enquête », Le Soleil, .
  24. « CV de Clotaire Rapaille - Québec résilie le contrat du faiseur d'image », sur http://www.radio-canada.ca, Société Radio-Canada, 29 mars 2010 (dernière mise à jour).
  25. Annie Saint-Pierre, « Clotaire Rapaille s’inspirera largement de Saint-Roch », Le Journal de Québec, .
  26. Pierre-André Normandin, « Les gens de Québec sont fiers... mais complexés, dit Rapaille », Le Soleil, .
  27. Pierre-André Normandin, « Premier contrat dans le public pour Rapaille », Le Soleil, .
  28. « CV de Clotaire Rapaille - L'intégrité du faiseur d'image mise en doute », sur http://www.radio-canada.ca, Société Radio-Canada, 28 mars 2010 (dernière mise à jour le 29 mars 2010).
  29. Patrick Lagacé, « Clotaire Rapaille, l’homme-bullshit », sur http://blogues.cyberpresse.ca, .
  30. Marc Beaudet, « Clotaire Rapaille aurait gonflé son CV », sur http://exRueFrontenac.com, .
  31. Karine Gagnon, « L'affaire Rapaille aura coûté 225 000 $ », Le journal de Québec, .
  32. « Clotaire Rapaille, l'opéra rock », sur http://www.theatredaujourdhui.qc.ca, .
  33. Cadieux, Alexandre, « L'homme rapailleur », Le Devoir, 21 décembre 2012, p. B4
  34. Etude pour Philip Morris.
  35. http://www.archetypediscoveriesworldwide.com/en/books

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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