Capital social (comptabilité)

Le capital social, appelé souvent plus simplement le capital, désigne, en comptabilité les ressources (le capital au sens général du terme) apportées à une société par ses associés lors de sa création ou d'augmentations de capital ultérieures. Le capital social est un élément obligatoire pour toutes les sociétés[1].

Cet article concerne le capital social en comptabilité. Pour capital social sociologique, voir capital social (sociologie).

Usage du capital social et responsabilité limitée

Le capital social est un apport obligatoire mais surtout indispensable pour « monter son entreprise » : il permet en général les premiers investissements en moyens de production (locaux, machines, informatique) et ensuite une augmentation de ces moyens (à la suite d'une augmentation de capital). Par cet apport, les « actionnaires » ou « associés » ou « investisseurs » sont de fait propriétaires de TOUS les moyens de production : ils ont pouvoir de décision et patrimonial sur ceux-ci. Ils sont même propriétaires des moyens de production acquis directement par l'entreprise, en plus de ceux acquis grâce au « capital social » et ce sans qu'ils n'y rajoutent un sous : l'entreprise les acquiert soit en piochant dans sa trésorerie, soit en empruntant directement et en remboursant.

Cela est possible depuis le XIXe siècle grâce à deux caractéristiques juridiques : la « responsabilité limitée » et le fait que l'entreprise ne soit pas sujet de droit quant à la propriété[2].

« responsabilité limitée » et importance relative du « capital social »

Le concept de « responsabilité limitée » et sa mise en œuvre dans les lois au XIXe siècle (ex : en France, lois du 23 mai 1863 puis du 24 juillet 1867 ; en Angleterre lois de 1856 à 1862 sur les Joint-Stock Company limited) compte, d'après Y.N. Harari dans son célèbre ouvrage SAPIENS, « parmi les inventions les plus ingénieuses de l’humanité » : « Peugeot est une création de notre imagination collective. Les juristes parlent de « fiction de droit ». Peugeot appartient à un genre particulier de fictions juridiques, celle des « sociétés anonymes à responsabilité limitée ». L’idée qui se trouve derrière ces compagnies compte parmi les inventions les plus ingénieuses de l’humanité. ». Il en explique ainsi les avantages : « Si une voiture tombait en panne, l’acheteur pouvait poursuivre Peugeot, mais pas Armand Peugeot. Si la société empruntait des millions avant de faire faillite, Armand Peugeot ne devait pas le moindre franc à ses créanciers. Après tout, le prêt avait été accordé à Peugeot, la société, non pas à Armand Peugeot, l’Homosapiens» actionnaire !

Cette explication montre que le terme « responsabilité limitée » est un euphémisme : il s'agit en fait non d'une limitation des risques mais d'un véritable transfert de responsabilité et des risques de l'actionnaire à l'entreprise, à son collectif de travail, responsabilité pénale et économique. Toutefois, quel que soit le montant investi par l'actionnaire il a toujours le pouvoir et est propriétaire de tous les moyens de production (locaux, machines, moyens informatiques, etc.), y compris ceux acquis grâce aux « millions » empruntés. En effet, l'entreprise, qui acquiert en empruntant, qui rembourse, qui entretient à ses frais les moyens de production, n'est propriétaire de rien car elle n'est pas sujet de droit quant à la propriété.

Grâce à cette « responsabilité limitée » et à la non-existence juridique de l'entreprise plusieurs procédés permettent aux actionnaires d'accroître les moyens de production qu'ils contrôlent en minimisant au maximum leur mise (le capital social[3]) : investissement par effet de leviers, achat par effet de levier, rachat d'actions. Il est donc très compréhensible que les actionnaires recourent à ces procédés plutôt que d’émettre des actions supplémentaires provoquant l'arrivée d'autres actionnaires avec qui certes les risques sont partagés mais également le pouvoir et la propriété. Si l'entreprise était, comme une association 1901, sujet de droit, la « responsabilité limitée » serait remplacée par les « responsabilités et propriétés partagées » entre actionnaires et le collectif de travail de l'entreprise, chacun selon sa contribution. Les procédés « à effet de levier » et autres au profit de certains ne seraient plus.

Signification comptable

Le capital social est la représentation, au passif du bilan comptable, des engagements de l'entreprise envers ses associés ou actionnaires (les capitaux propres par an) pour la partie venant de leurs apports[4]. Il est la contrepartie des apports en nature ou numéraire réalisés par eux. De ce fait, cela permet aux investisseurs de toucher, si l'entreprise génère un bénéfice, des dividendes à hauteur de leur contribution.

C'est une garantie générale du créancier (fournisseur, banquier…) et est donc soumis à un régime juridique strict. Ainsi les réductions du capital social sont soumises à des mesures de publicité pour que les créanciers de la société en soient informés.

Le capital social minimum selon le type de sociétés

En effet, selon la législation française, la plupart des entreprises n'ont pas besoin de prévoir un capital social, en revanche pour les Sociétés Anonymes (SA) un capital minimum de 37 000 euros doit être fourni[5].

Composition du capital social

Les apports en nature

Les associés ou actionnaires peuvent apporter des biens à la société, il s’agit là des apports en nature. Ils peuvent être des biens corporels comme des immeubles, des machines ou du matériel ou alors des biens incorporels comme un brevet ou les titres d'une autre entreprise.

Quel que soit le type d'entreprise, il est obligatoire de faire appel à un commissaire aux apports afin d'évaluer la valeur de l'apport[6].

Les apports en numéraire

Il ne faut pas confondre les apports en numéraire avec les apports en compte courant d’associé, qui ne permettent pas d’obtenir de titres en contrepartie.

Les apports en numéraire correspondent aux apports d’argent effectués par les actionnaires. En contrepartie, ils recevront des parts sociales ou des actions qui permettent notamment d’obtenir des droits de vote en assemblée et des droits dans les bénéfices de l’entreprise, à savoir la répartition des bénéfices (investissement ou dividendes)[7].

Mesures

Capital social et croissance économique

Des recherches sociologiques et économiques ont démontré que la croissance économique dépend non seulement du capital physique et humain, mais aussi de la capacité des populations à collaborer et à échanger des connaissances[8]. La croissance économique et le bien-être social sont souvent plus élevés que prévu dans les régions où les gens se font confiance et forment des réseaux sociaux étroits informels et formels (par exemple, le cas de l'Italie du Sud et du Nord[9]). Aussi, Putnam a souligné que l'érosion du capital social aux États-Unis est devenue l'un des défis à la démocratie et au bien-être dans le pays[10].

Les variations du capital social peuvent prédéterminer les différences de dynamique de la croissance économique entre les différentes régions d'un même pays[11] et le rythme de propagation du virus COVID-19[12],[13],[14]. Il n'y a pas de consensus sur les effets du capital social d'attachement (bonding) et d'accointance (bridging) sur la croissance économique régionale[15],[16], mais l'hypothèse théorique dominante est que le capital social d'attachement et le capital social d'accointances se complètent[9],[17].

Muringani J., Fitjar R. D. et Rodríguez-Pose A.[18] étudient comment le capital social d'attachement (bonding) et d'accointance (bridging) affectent la croissance économique dans différentes régions européennes, ainsi que la manière dont leurs effets sont modérés par le capital humain. Pour mesurer le niveau de capital social de 2002 à 2016 dans 21 pays européens, les chercheurs ont utilisé les données de l'Enquête Sociale Européenne (European Social Survey, ESS), de l'European Values Study (au niveau individuel) et de l’Office statistique de l’Union européenne (données sur le capital humain, le niveau du PIB par habitant, etc.). L'analyse a révélé que l'intensité du capital social d'attachement et d'accointance diffère selon les régions européennes : le niveau le plus élevé de capital social d'accointance se trouve dans les pays nordiques et dans les régions à grandes agglomérations. L'Europe de l'Est est caractérisée par des niveaux plus faibles des deux types de capital social que l'Europe de l'Ouest. Les résultats montrent que des niveaux plus élevés de capital social d'attachement sont associés à des niveaux plus faibles de PIB par habitant lorsque l'on étudie le niveau de capital social d'accointances. En revanche, les régions ayant des niveaux plus élevés de capital social d'accointance ont des niveaux plus élevés de PIB par habitant lorsque l'on étudie le capital social d'attachement. De plus, le développement du capital humain réduit l'impact du capital social d'attachement et d'accointance sur la croissance économique. Ainsi, tous les types de capital social ne sont pas également utiles à la croissance économique.

Notes et références

  1. « Capital social », sur lesechos.fr (consulté le )
  2. Voir J.P. Robé : publication L’entreprise et le droit, Puf, collection Que sais-je ?n 3442.) au cours du séminaire « l’entreprise oubliée par le droit » du01/01/2001 de Vie des Affaires organisé « grâce aux parrains de l’École de Paris »
  3. En 2016 investissement par émission d'actions : 22 M€ ; par emprunt des entreprises : 297 M€ (source : LaTribune et Insee)
  4. Définition du capital social au glossaire Vernimmen
  5. « Capital social des sociétés : ce qu'il faut savoir », sur Le coin des entrepreneurs, (consulté le )
  6. « Les apports en nature à la création de la société », sur Le coin des entrepreneurs, (consulté le )
  7. « Les apports en numéraire à la constitution », sur Le coin des entrepreneurs, (consulté le )
  8. (en) Jonathan Muringani, Rune Fitjar et Andrés Rodríguez-Pose, « Bridging, not bonding, for regional growth », sur voxeu.org, (consulté le )
  9. (en) Putnam RD., Leonardi R. et Nanetti R., Making Democracy Work: Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press, , 280 p. (ISBN 978-0691037387)
  10. (en) Putnam RD., Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community, New York, Simon & Schuster, , 544 p. (ISBN 978-0743203043)
  11. Sjoerd Beugelsdijk et Tonvan Schaik, « Social capital and growth in European regions: an empirical test », European Journal of Political Economy,, vol. 21, Issue 2, , p. 301-324 (DOI https://doi.org/10.1016/j.ejpoleco.2004.07.004, lire en ligne)
  12. (en) Alina Kristin Bartscher, Sebastian Seitz, Sebastian Siegloch, Michaela Slotwinski et Nils Wehrhöfe, « The role of social capital in the spread of Covid-19 », sur voxeu.org, (consulté le )
  13. (en) Janaki Imbulana Arachchi et Shunsuke Managi, « The role of social capital in COVID-19 deaths », BMC Public Health, (DOI https://doi.org/10.1186/s12889-021-10475-8, lire en ligne)
  14. (en) Christos A. Makridis et Cary Wu, « How social capital helps communities weather the COVID-19 pandemic », PLoS ONE, vol. 16(1), (DOI https://doi.org/10.1371/journal.pone.0245135, lire en ligne)
  15. (en) Sjoerd Beugelsdijk et Sjak Smulders, « Bonding and Bridging Social Capital and Economic Growth », SSRN Electronic Journal, , p. 39 (lire en ligne)
  16. (en) Hans Westlund et Frane Adam, « Social Capital and Economic Performance: A Meta-analysis of 65 Studies », European Planning Studies, vol. 18:6, , p. 893-919 (DOI https://doi.org/10.1080/09654311003701431, lire en ligne)
  17. (en) Andrés Rodríguez-Pose et Michael Storper, « Better Rules or Stronger Communities? On the Social Foundations of Institutional Change and Its Economic Effects », Economic Geography, vol. 82, Issue 1, , p. 1-25 (DOI https://doi.org/10.1111/j.1944-8287.2006.tb00286.x, lire en ligne)
  18. (en) Jonathan Muringani, Rune Dahl Fitjar et Andrés Rodríguez-Pose, « Social capital and economic growth in the regions of Europe », Environment and Planning A: Economy and Space, (DOI https://doi.org/10.1177/0308518X211000059, lire en ligne)

Voir aussi

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