Capital humain

Le capital humain est l'ensemble des connaissances, aptitudes, expériences, talents, qualités accumulées par une personne, une équipe, une organisation, ou un groupe d'organisations, et qui déterminent en partie leur capacité à travailler ou à produire pour eux-mêmes ou pour les autres[1].

« Qu'est-ce que le capital humain ? », infographie de l'Office for National Statistics, 2014.

Histoire du concept

En 1866, justifiant la création d'un « secondaire spécial », le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy affirme que « par le développement de cet enseignement, on répondra à une nécessité impérieuse de la nouvelle organisation du travail : mettre l'homme en valeur, c'est un capital et le plus précieux de tous »[2].

Le 4 mai 1935, Joseph Staline reprend la formule à l'occasion de la promotion des élèves de l'Académie de l'Armée rouge[3],[4].

Le concept de « capital humain » émerge véritablement en 1961, développé par l’économiste américain Theodore Schultz qui l’exprime en ces termes : « Alors qu’il apparaît évident que les individus acquièrent des savoir-faire et des savoirs utiles, il n’est pas si évident que ces savoir-faire et savoirs constituent une forme de capital [et] que ce capital soit pour une part substantielle le produit d’un investissement délibéré. »

À partir de 1965, l'économiste Gary Becker approfondit le concept et le vulgarise, obtenant en 1992 le prix Nobel d’économie pour son développement de la théorie du capital humain. Des chercheurs en gestion comme Flamholtz et Lacey, dès 1980, ou plus tard Lepak et Snell contribuent alors à la diffusion de la théorie et à son utilisation pratique.

Une nouvelle façon d’appréhender l’individu et le marché du travail

La théorie du capital humain

La théorie du capital humain fonctionne par analogie à celle du capital financier ou physique. On considère que le capital humain est formé de trois éléments qui, ensemble, déterminent une certaine aptitude de l’individu à travailler :

La notion de capital est contestée. Savall et Zardet lui préfèrent la notion de « potentiel humain », montrant en cela que le capital humain n'a pas de valeur en soi, mais dépend en grande partie de la qualité du management de l'entreprise[5].

Pour d'autres auteurs, les trois composantes essentielles sont les compétences, les comportements et la créativité (modèle 3C)[6]. D'autres chercheurs y ajoutent la dimension psychologique, sous-jacente aux aspects comportementaux[7]. Autrement dit, la structure de personnalité des individus est un élément fondamental dans les interactions qu'ils nouent avec les autres, afin d'échanger, produire de la connaissance et créer de la valeur.

De même que le capital physique, le capital humain peut s’acquérir (notamment par l’éducation), se préserver et se développer (par un entretien à travers des formations continues et/ou l’attention portée à la santé de l’individu au titre de son capital santé). De même, il doit pouvoir produire un bénéfice privé ou sociétal, monétaire ou non monétarisé.

On peut distinguer le capital humain spécifique, qui comprend les compétences non transférables à un tiers ou à un système de savoir, et le capital humain générique, dont les compétences sont transférables. Cette distinction met en évidence un dilemme. Le salarié s'interroge sur la pertinence d'un investissement en capital humain spécifique, le dirigeant chercher à inciter le salarié à investir en capital humain spécifique.

Investir dans le capital humain

Qui dit capital, dit investissements. Avec ce nouveau concept de capital humain, s’ouvre toute une gamme d’investissements autour des axes majeurs de l’éducation et de la santé. L’investissement en capital humain consiste donc dans l’ensemble des dépenses effectuées dans ce sens. Ces dépenses sont estimées en deux temps : on a d’une part les coûts directs (frais de scolarité, de médecine…) et de l’autre les coûts de renoncement. Ces derniers résident dans l’arbitrage des individus dans leur gestion du capital humain. Exemple : choisir de poursuivre ses études universitaires, plutôt que d’entrer immédiatement après le Bac dans la vie active, a un coût de renoncement estimé, le plus souvent, avantageux par rapport à la situation inverse. Dans tous les cas, on espère un retour d’investissement.

Deux façons de comprendre et d’appliquer la théorie

Ou bien on assimile l’individu à son capital humain, ce qui a pour conséquence de l’objectiver et de le traiter concrètement comme un bien nécessitant une gestion, comme tout autre bien, ou bien on considère l’individu comme son propre investisseur, ce qui revient à le percevoir comme un acteur à part entière sur le marché du travail, un acteur ayant d’autant plus de poids qu’il apporte lui-même son capital. L’analyse démontre que, logiquement, la première version est celle qui est la plus souvent rencontrée du côté des entreprises, tandis que du côté des individus la seconde version est la plus revendiquée.

Richesses et limites de la théorie

Particularités du capital humain

La double interprétation soulignée plus haut résulte en réalité du fait économiquement exceptionnel que le capital humain est indissociable de son détenteur. Cette incorporation du capital humain a deux conséquences : son inappropriabilité (ou sa personnalisation) et sa limitation. Parce qu’il est nécessairement personnel, le capital humain implique l’individu tout entier dans une démarche d’investissement constante (l’individu s’enrichit en permanence de nouveaux savoirs et expériences). De plus, le capital humain, contrairement au capital financier, ne peut devenir propriété d’un tiers ; il est simplement mis à disposition par l’individu. Enfin, le capital humain est limité à l’individu qui l’incorpore : il dépend de ses capacités physiques et mentales, de son cycle vital.

Conséquences sur la relation de travail

Il est risqué pour un employeur d’investir dans le capital humain dans la mesure où celui-ci ne présente aucune garantie de rentabilité. L’individu étant libre et seul propriétaire réel de son capital humain, il peut à tout moment soustraire celui-ci à l’employeur (en allant travailler ailleurs par exemple). Certains pensent donc qu'il n'est pas judicieux, pour l'employeur, d'investir dans le capital humain d’un individu à partir d’un certain âge (que ce soit un particulier ou une entreprise). Cela reste discutable[Par qui ?]. En effet, un employé « senior », soit à forte compétences (savoirs + expériences), est moins enclin à quitter son entreprise et recherche plus de stabilité (en raison des charges d'habitation, d'enfants...). L'investissement est donc moins risqué puisque son seul départ risque d'être celui de la retraite. De plus, ces derniers ont des compétences à transmettre aux plus jeunes. L'investissement doit donc se faire à ce niveau du capital humain[pas clair].

Par ailleurs, l’individu fait des choix dans l’investissement de son propre capital, tout comme l’employeur fait des choix de coût de renoncement dans sa gestion du capital humain. Il peut traiter l’individu comme un partenaire commercial, comme un simple rouage économique ou bien encore le considérer comme un investisseur au même titre que les investisseurs financiers.

Une théorie dynamique

Selon Jean-Pierre Jarousse dans Formations et carrières, les limites de la théorie font paradoxalement sa richesse. Du fait de son particularisme, le capital humain oblige les agents économiques à repenser les mécanismes du marché du travail et à trouver de nouvelles façons de s’y adapter (certaines entreprises vont jusqu’à créer des départements du capital humain), à développer des nouvelles stratégies de gestion de ressources humaines. Au-delà même de la stricte économie du travail, le capital humain influence désormais l’économie de l’éducation, ou plus largement celle du savoir : introduit dans les mentalités, le concept pousse à la prise de conscience par l’individu (et la société) de son potentiel économique. Il s’ensuit un désir d’optimisation de ce potentiel qui bouleverse nécessairement les processus traditionnels conduisant l’individu à l’employeur. Il convient cependant de souligner que la théorie du capital humain, parce qu’elle ne peut clairement définir son concept clef, risque d’être trop largement utilisée : on a tendance à parler de capital humain pour tout ce qui a trait à « l’immatériel » chez l’individu et dans la société. De plus, la théorie nie d’une certaine façon tout processus collectif d’accumulation des savoir-faire et être. Or l’expérience prouve que ce processus existe bel et bien.

Le rôle économique

La prise en compte du capital humain dans l'analyse économique a constitué une avancée importante. L'accumulation de capital humain est un facteur essentiel de croissance économique : la diffusion des connaissances permet des rendements croissants et génère des externalités positives. De ce fait, il s'agit d'un concept central de l'économie du développement, de l'économie de l'éducation et plus largement de l'économie du savoir capital-savoir »). Cette théorie a également permis de réhabiliter l'idée d'une hétérogénéité du facteur travail, et ainsi de rendre compte de la structure des salaires et des formes de rigidités sur le marché du travail. L'analyse fondatrice dans le domaine du capital humain est celle[Quoi ?] de l'économiste Gary Becker.

Le capital culturel collectif qui favorise le capital humain

Pierre Bourdieu a développé les théories d'Émile Durkheim concernant le « capital culturel » d'un individu, concept proche de celui de capital humain, qui lui est plutôt relatif à un groupe d'individus mais qui favorise la transmission et l'enrichissement potentiel du capital humain au fil du temps[réf. souhaitée].

Le capital culturel est tridimensionnel :

  • le « capital culturel incorporé » : il est le fruit de la socialisation différenciée selon les milieux sociaux (langage, aptitudes scolaires diverses, façons de se tenir et de se comporter en société...) ;
  • le « capital culturel objectivé » : il désigne les outils de culture qui se matérialisent sous forme d'objets possédés par une personne (tableaux, bibliothèque, piano, etc.). Ce capital n'a de valeur que par la transmission de la manière de s'en servir ;
  • le « capital culturel institutionnalisé » : il consacre la transformation d'une culture personnelle en titres et diplômes sanctionnant une aptitude socialement reconnue.

De la théorie à la pratique

Évaluation « macro » du capital humain

En France, le Centre d'Analyse Stratégique en traitant de la délicate question de l'évaluation[8] a résumé l'état de la recherche européenne en la matière en mettant en exergue les travaux d'un think tank qui retient quatre critères pour mesurer à l'échelle d'un État ce capital :

  • les dépenses formelles et informelles en faveur de la formation initiale ou continue cumulées par un individu moyen ;
  • la proportion de personnes formées effectivement employées en proportion de la population totale ;
  • le ratio du PIB au capital humain employé ;
  • le potentiel de croissance numérique de la population à horizon de 25 ans (qui tiendra compte du vieillissement de la population).

Comme pour la comparaison des systèmes scolaires, Suède et Danemark sont en tête du classement. Leurs capacités d'innovation pour l'avenir seront portées par ce capital collectif.

Évaluation « micro » du capital humain

Le MEDEF, dans sa brochure intitulée La place de l'Homme dans l'entreprise, le management du XXIe siècle (2009), indiquait : « Parce que la valorisation du capital humain est devenue une question cruciale, dans un environnement très concurrentiel, un nombre croissant d’entreprises place l’engagement des salariés au centre de leur politique RH ». Ramener le capital humain aux seuls salariés est cependant probablement une vision assez restrictive du capital humain. Le capital humain n'est pas synonyme de GRH. Il s'agit d'un concept plus large et complexe.

Certes, comme le confirme l'Observatoire de l'immatériel, les directions des ressources humaines (DRH) sont au centre de l'évaluation de ce capital fluctuant[9]. La méthode suggérée tente d'évaluer non seulement l'efficacité des actions ou politiques de DRH en faveur de la rétention et la bonification de ce capital immatériel selon une méthode appropriée (« ISO, EFQM, tableau de bord prospectif », méthodologie de l'enquête capital humain de l'université de Bordeaux[10]), et envisage aussi d'évaluer l'état du stock de compétences que représente chaque collaborateur mis en interaction au sein de l'organisation.

Les travaux de recherche engagés permettront sans doute de mieux quantifier cet actif essentiel. Par les différentes formes d'intelligence déployées par les salariés, chaque collaborateur dynamise et pérennise les moyens mis à sa disposition. Dans le cas contraire, faute d'évaluation et d'investissement, le gâchis du capital humain guette lorsqu'il est abusé au profit du « court-termisme » qui semble parfois devenir le maître étalon du management moderne. Selon Christophe Dejours, psychiatre et titulaire de la chaire de psychanalyse santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),

« Nous souffrons beaucoup du court-termisme des dirigeants. Économistes et politiques exaltent le système qui consiste à ramasser le maximum d'argent dans un minimum de temps. Or ces bénéfices sont de plus en plus déconnectés du travail. Le « vivre ensemble » n'est pas rentable immédiatement, mais il est fondamental pour la pérennité du système. (...) On ne peut pas constamment pomper le capital humain et l'intelligence collective sans se préoccuper des conséquences. Parce qu'au bout d'un moment, il n'y aura plus rien à pomper, nous aurons une société invivable, et le système économique ne fonctionnera plus. On a peut-être déjà atteint ces limites. »

 Le Monde, [réf. incomplète].

La norme ISO 30414 a été proposée pour élaborer un bilan du capital humain[11]. L'International Integrated Reporting Council mentionne aussi explicitement cette composante immatérielle dans son référentiel de reporting intégré et incite les entreprises à traiter les questions d'attractivité de l'entreprise et d'impact de cette dernière en matière de capital humain. Aucun standard suffisamment précis et partagé n'existe cependant à ce jour.

Évaluation personnelle de son capital humain

C'est sans doute là, avec la pratique du bilan de compétences, que ce capital humain est le mieux apprécié par son détenteur et où les méthodes convergent le plus. La volonté d'un bilan marque la volonté d'investissement sur soi. Il constitue un jalon nécessaire au-delà de l'entretien annuel avec son employeur.

Hors de la sphère du monde du travail, différentes méthodes de bilan de son capital sont mises à disposition du grand public avec les ouvrages de développement personnel.

"Le capital humain: entre marchandisation et réalisation de soi", une approche socio-économique

Une actualisation de la théorie du capital humain a été proposée par la sociologue Audrey Garaffa[12] lors de son travail de thèse en 2011[13].

Elle a mis en avant un double constat :

"Premièrement, le terme de capital humain est né d'une théorie économique néoclassique, principalement, formalisée à travers les travaux de l'économiste américain (prix Nobel en 1992) Gary Stanley Becker dés 1964, qui définit « l'approche du capital humain comme la façon dont la productivité des personnes, en situation marchande ou non-marchande, est modifiée par des investissements en éducation, en compétence et en connaissance. »[14] schématiquement, le capital humain vise à désigner les connaissances des individus comme une ressource productive dans les théories de la croissance. L'éducation étant considérée comme un investissement, tant pour l'individu que pour la société, qui accroît la productivité de ceux qui la reçoivent, créant ainsi, une élévation de leur rémunération".

Mais le capital humain pose un double problème : la difficulté de le définir et de le mesurer. Ce problème nourrissant des critiques attribuées à la théorie économique du capital humain, depuis plus de cinquante ans. En effet, certains économistes et sociologues reprochent à cette théorie de se baser sur un concept flou qui est difficilement mesurable. Plus encore, à l'instar du sociologue français Pierre Bourdieu, le capital humain ne donnerait à voir qu'une vision réductrice de l'individu assimilé à une marchandise faisant de l'homo oeconomicus, c'est-à-dire l'homme économique, rationnel et égoïste, le modèle consacré dans l'explication des comportements sociaux. Participant, ainsi, à une opposition épistémologique entre les théories économiques et sociologiques concernant les logiques d'actions qui sont à l'oeuvre dans la compréhension et l'explication des comportements sociaux".

Pourtant, et ce qui constitue le second constat, depuis le début années 90, le terme de capital humain est employé tant par des organisations mondiales (comme l'ONU, L'OCDE ou l'UNESCO) que dans le milieu des entreprises, pour désigner les compétences d’un individu ainsi que ses caractéristiques personnelles pouvant être optimisées au sein de la société. D'ailleurs, depuis le début des années 2000, Le capital humain est majoritairement défini à travers la représentation donnée dans un ouvrage publié aux éditions de l'OCDE l'exprimant par un ensemble « de connaissances, de qualifications, de compétences et de caractéristiques individuelles qui facilitent la création de bien-être personnel, social et économique. »[15]

Ce double constat a permis de mettre en évidence un déplacement d'une définition statique initiale présentant le capital humain en tant que stock, relativement homogène de ressources productives coordonné par des actions rationnelles vers la description d'un ensemble complexe d'aptitudes humaines nécessaire au développement des sociétés.

Le capital humain pouvant être entendu comme créateur de valeur ou comme une capacité de se produire en tant qu’individu en ce que l'économiste français André Gorz[16], appelait la production de soi qui serait liée à une socialisation primaire permettant aux personnes de développer un ensemble de capacités en s'appropriant une culture commune. Et c'est bien là tout l'intérêt de porter un regard sur l'utilisation du terme de capital humain en sciences de l'éducation.

Car, en sociologie de l'éducation, la socialisation renvoie à la fonction première du système éducatif, et dans une vision plus globale, au principe de formation, ce que le sociologue français Émile Durkheim[17] exprimait à travers l'idée d'une fabrication de l'être social, par l'inculcation des normes et des valeurs de notre société.

L'intérêt étant alors de proposer une interprétation du capital humain axée sur les logiques d'action qui sont à l'oeuvre dans la mise en place de dispositifs visant à l'évaluer. Le principal objectif étant de faire le lien entre le terme de capital humain et l'expression par les compétences autour de l'idée qu'il s'agit d'identifier des ressources incorporées à l'individu et que cette identification passe par des formes de jugements, s'intégrant, a minima, dans une gestion de l'humain où logique de l’immatériel et sociétés des savoirs viennent structurer un rapport au monde bousculant des logiques d'action tant sur un plan économique : la connaissance devient un bien économique dans nos sociétés, que sur un plan sociologique : l'individu devient producteur et consommateur de connaissance.

Son cheminement théorique l'a conduit, dans la première partie de sa thèse, à présenter un regard sur l'utilisation du terme de capital humain entre le début des années 60 et le début des années 2000; afin de mettre en avant trois dimensions principales dans la représentation du capital humain :

Premièrement, une dimension micro-économique dans laquelle le capital humain est considéré comme un outil économique valable dans l'analyse des comportements sociaux.

Deuxièmement, une dimension macro-économique, donnant à voir le capital humain comme un investissement socialement productif tant pour l'individu que pour l'ensemble de la société.

Troisièmement, une dimension socio-économique à travers l'apport récent de l'économie des conventions[18] et de l'intérêt dans la vision managériale de son expression mesurable autour des compétences. Ces dernières ne pouvant être dissociées du processus d'évaluation qui les structure, lui-même engageant nécessairement une question de valeur et d'estimation de valeur. Elle pose la problématique de recherche suivante:

En quoi l'estimation d'une valeur individuelle s'intègre dans des logiques d'action spécifiques participant à une confusion entre une chose mesurée (le capital humain exprimé par des compétences) et ce qui conduit à la mesurer (la justification de la démarche) ?

Afin de répondre à cette problématique, deux dispositifs ont été étudiés: la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) et le bénévolat de compétences (initiée par l'association Passerelles et compétences[19]). 3 ans d'enquête de terrain, notamment en tant que responsable des ressources humaines ont conduit Audrey Garaffa à travailler sur la posture paradoxale de l'individu à travers ses compétences. "La GPEC tendait vers une instrumentalisation : les compétences sont la valeur ajoutée existante que l'entreprise cherche à rendre visible, comme un relais pour communiquer. Entraînant des logiques d'action axées sur la communication et la négociation de la valeur ajoutée d'un individu pour obtenir une reconnaissance".

"Deuxièmement, Le bénévolat de compétences qui tend à aller vers un investissement : il s'agit d'exploiter des compétences existantes afin de révéler la valeur ajoutée d'un individu, valeur ajoutée entendue comme une adéquation entre une technique (compétences d'un individu) et un secteur (domaine professionnel de référence) qui permettrait de se révéler ou de révéler sa valeur afin de créer une richesse humaine et sociale".

"En définitive, dans les deux cas, il n'a pas été question de mesurer des compétences mais plutôt de justifier une démarche autour des compétences afin de servir des intérêts".

"La GPEC engageait surtout une obligation de négociation et de communication avec les salariés autour de leurs compétences, conduisant la démarche vers une visibilité sur l'existant. Le bénévolat de compétences engageait principalement, une participation solidaire et un investissement individuel conduisant la démarche vers une exploitation des compétences".


"En cela, nous pourrions dire qu'au regard de l'expression par les compétences, mis à l'épreuve dans deux dispositifs en organisations, le capital humain, tel que définit dans ses dimensions micro-économique et macro-économique, pourrait être entendu comme un outil de négociation et de communication valable ainsi qu'un investissement socialement productif, créateur de richesse humaine. Ainsi, ce que nous avions appelé l'ouverture socio-économique, dans une dimension contextuelle du capital humain et dont nous avons proposé une interprétation possible à travers l'expression par les compétences au regard du modèle des économies de la grandeur, nous a permis de mettre en évidence que parler de compétences peut revenir à parler de valeur ajoutée et que cette dernière prend son sens en situation, autrement dit s'exprime dans l'action ou s'exprime dans ce qui est engagé en situation. Cette expression étant tributaire (ou conditionnée), voire déterminée et déterminante, des références engagées dans la situation : c'est à dire des justifications et des modes de jugement engagés dans l'action. Enfin, cette expression permettant de mettre en avant les deux dimensions, déjà citées, dans lesquelles peuvent s'exprimer les compétences que nous pouvons rapprocher des deux dimensions (intrinsèques) du capital humain".

"L'Interprétation du capital humain au regard de l'expression par les compétences met donc en exergue la posture paradoxale de l'individu entre marchandisation et réalisation de soi :

  • se marchander pour obtenir une reconnaissance : autour d'une communication et d'une négociation de ses compétences.
  • réaliser sa valeur pour mieux la mettre en œuvre : donner vie, existence à ses compétences en tant que capital humain".[20]

Notes et références

  1. Introduction à l'économie de Jacques Généreux.
  2. Claude Lilièvre, Le capital humain, le plus précieux de tous, Médiapart, 2 juin 2013
  3. Joseph Staline, Le capital le plus précieux, Éditions sociales, 1952
  4. Jacques Ellul, La dictature sur le prolétariat en URSS, dans Changer de révolution, 1982, p. 48-97
  5. Savall et Zardet, 1995.
  6. Goujon-Belghit et Trébucq, 2016.
  7. Ployhart et al., 2014.
  8. « Titre inconnu »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur Centre d'analyse stratégique.
  9. « http://www.observatoire-immateriel.com/spip.php?article35&var_recherche=capital%20humain »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur observatoire-immateriel.com.
  10. Goujon Belghit et Trébucq, 2016.
  11. 14:00-17:00, « ISO 30414:2018 », sur ISO (consulté le ).
  12. Audrey Garaffa (1979-) est une sociologue française. Docteure en Sciences Humaines et Sociales, spécialisée dans l'accompagnement socio-professionnel et la formation. Après plus de 15 ans d'expériences professionnelles dans les ressources humaines, la coordination de projets d'éducation et d'insertion et la direction de centres de formations; elle se consacre aux questions de transitions agroécologiques et alimentaires. Elle a fondé le 8 mars 2021: l'association S-Avoir A Soi, ayant pour objet la création et l'accompagnement de projets et d'actions dans tout domaine culturel, social et/ou environnemental pour une approche écosystémique de l'Homme et de la Nature.
  13. Audrey Garaffa, "Le capital humain : entre marchandisation et réalisation de soi, perspectives et discussions autour de deux dispositifs en organisation", Thèse de Doctorat en Sciences Humaines et Sociales, sous la Direction de Roger Sue, Université Paris 5, CERLIS (Centre de Recherches sur les Liens Sociaux), , 381 p. (Président du jury: Yann Moulier-Boutang. Membres du jury: Jeanne Mallet et Pascal Roquet)
  14. (en) Gary Becker S. (1993), « Nobel lecture : the economic way of looking at behavior » in Journal of political economy, vol. 101, n°3. pp.385-386
  15. Healy, T.; Field, S.; (2001), Du bien-être des nations, Le rôle du capital humain et social, Paris, OCDE, p.19
  16. André Gorz, L'immatériel. Connaissance, valeur et capital, Paris, Galilée, , p.19
  17. Emile Durkheim, Education et sociologie, Paris, Quadrige, PUF, 1992 (1922), p.51
  18. L’économie des conventions s’est développée au milieu des années quatre-vingt. Elle donne une place importante, dans l’analyse, aux représentations des acteurs et au domaine symbolique. Cette économie place au centre de son champ d’investigations les représentations, et non les données objectives (revenus et prix) habituellement préférées par les économistes.
  19. « Passerelles et compétences »
  20. Propos d'Audrey Garaffa lors de sa soutenance de thèse en novembre 2011, Amphithéâtre Durkheim, Sorbonne, Paris

Voir aussi

Bibliographie

  • Géza Ankerl, L'épanouissement de l'homme dans la perspective de la politique économique, Sirey, Paris, 1966.
  • Michel Fourmy, Ressources humaines, stratégie et création de valeur, vers une économie du capital humain, Éditions Maxima, 2012.
  • Henri Savall et Véronique Zardet, Ingénierie stratégique du roseau : souple et enracinée, Paris, Economica, 1995.
  • Stéphane Trébucq, « Capital humain et comptabilité sociétale : le cas de l'information volontaire des entreprises françaises du SBF 120 », Revue Comptabilité Contrôle Audit, mai, tome 12, vol. 1, p. 103-124, 2006.
  • Stéphane Trébucq. « La mesure du capital humain : nouvelles perspectives ouvertes par la chaire « capital humain » de l’université de Bordeaux », Vie & sciences de l'entreprise, vol. 200, no. 2, 2015, p. 26-48.
  • (en) R. E. Ployhart, A. J. Nyberg, G. Reilly, et M. A. Maltarich, « Human capital is dead; long live human capital resources! », Journal of management, 40(2), p. 371-398, 2014
  • Anne Goujon Belghit et Stéphane Trébucq, « Proposition d’une mesure du capital humain : entre comportement organisationnel, compétence et créativité. Le modèle des 3C de la chaire du capital humain et de la performance globale de Bordeaux », Vie & sciences de l'entreprise, 2(2), 2016, p. 145-165.
  • Fabienne Autier, « Vous avez dit "capital humain ?" », Gérer et comprendre, n°85, septembre 2006.
  • Jean-Marie Albertini et Ahmed Silem, Lexique d’économie, Dalloz, Italie, 1999.
  • Jean-Pierre Jarousse, Formations et carrières : contribution de la théorie du capital humain à l’analyse du fonctionnement du marché du travail, Presses de l’université de Bourgogne, Dijon, 1991.
  • Michelle Riboud, Accumulation du capital humain, Economica, Paris, 1978.
  • Henri Lepage, Demain le capitalisme, Livre de Poche, 1977.
  • (en) Gary Becker, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education, NBER-Columbia University Press, 1964, 187p. (en) « lire en ligne » (consulté le )

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