Bülent Ecevit

Mustafa Bülent Ecevit, né le à Constantinople et mort le à Ankara, est un journaliste, poète et homme d'État turc. Il a exercé la fonction de Premier ministre à quatre reprises.

Bülent Ecevit

Bülent Ecevit, en 2000.
Fonctions
Premier ministre de Turquie

(3 ans, 10 mois et 7 jours)
Président Süleyman Demirel
Ahmet Necdet Sezer
Gouvernement Ecevit IV et V
Législature 19e et 20e
Coalition DSP (1999)
DSP-MHP-ANAP (1999-2002)
Prédécesseur Mesut Yılmaz
Successeur Abdullah Gül

(1 an, 10 mois et 7 jours)
Président Fahri Sabit Korutürk
Gouvernement Ecevit III
Législature 15e
Coalition CHP-CGP-DP
Prédécesseur Süleyman Demirel
Successeur Süleyman Demirel

(1 mois)
Président Fahri Sabit Korutürk
Gouvernement Ecevit II
Législature 15e
Coalition CHP
Prédécesseur Süleyman Demirel
Successeur Süleyman Demirel

(9 mois et 23 jours)
Président Fahri Sabit Korutürk
Gouvernement Ecevit I
Législature 14e
Coalition CHP-MSP
Prédécesseur Naim Talu
Successeur Sadi Irmak
Vice-Premier ministre de Turquie

(1 an, 6 mois et 12 jours)
Premier ministre Mesut Yılmaz
Gouvernement Yılmaz III
Président général du Parti républicain du peuple

(8 ans, 5 mois et 16 jours)
Prédécesseur İsmet İnönü
Successeur Deniz Baykal
Ministre du Travail et de la Sécurité sociale

(3 ans et 3 mois)
Premier ministre İsmet İnönü
Gouvernement İnönü VIII, IX et X
Prédécesseur Cahit Talas
Successeur İhsan Sabri Çağlayangil
Biographie
Nom de naissance Mustafa Bülent Ecevit
Date de naissance
Lieu de naissance Constantinople (Turquie)
Date de décès
Lieu de décès Ankara (Turquie)
Parti politique CHP (1957-1981)
DSP (1985-2004)
Diplômé de Université d'Ankara


Premiers ministres de Turquie

Ses mandats sont marqués dans l'histoire notamment par l'invasion de Chypre en 1974, contre l'avis des États-Unis, et par l'arrestation du chef rebelle kurde Abdullah Öcalan en 1999.

Biographie

Jeunesse et études

Né le dans une famille bourgeoise de Constantinople, il passe son baccalauréat en 1944 dans un lycée américain, le Robert College d'Istanbul.

Après avoir suivi à Ankara des études de littérature anglaise, il entre à l'École des études orientales et africaines de Londres où il étudie l'histoire de l'art, le sanskrit et le bengalî.

Débuts en politique : le CHP

Il entame sa carrière politique en 1957, lorsqu'il adhère au Parti républicain du peuple (CHP), parti social-démocrate et kémaliste. Aux élections législatives du suivant, il est élu député de la province d'Ankara à la Grande Assemblée nationale de Turquie.

Désigné, en 1959, président du CHP dans la province minière de Zonguldak, il est nommé ministre du Travail et de la Sécurité sociale le , dans le huitième gouvernement d'İsmet İnönü. Il exerce cette responsabilité jusqu'au .

Lors des élections législatives qui se tiennent le qui suit, il devient représentant de Zonguldak à ce qui était alors la chambre basse du Parlement turc.

Secrétaire général du CHP

Ambitieux, Ecevit gravit très rapidement les échelons du parti dont il est élu secrétaire général en 1966. Il accentue l'orientation à gauche du parti, persuadé que le socialisme démocratique est le meilleur moyen de se défendre face au communisme.

Ecevit démissionne de son poste en mars 1971, en raison du soutien accordé par son parti au gouvernement de Nihat Erim, à la suite du coup d'État militaire dirigé contre Süleyman Demirel. Ecevit rejette l'implication des militaires dans les affaires de l'État.

Premier ministre une première fois

Le , âgé de 46 ans, Bülent Ecevit est élu président général (Genel Başkanı) du Parti républicain du peuple, fonction où il remplace İsmet İnönü, démissionnaire six jours plus tôt.

Ecevit, réorientant le parti vers la gauche, cherche à récupérer l’héritage du TIP (Parti des travailleurs de Turquie), interdit après le coup d’État de 1971, tout en se posant en leader d’un mouvement en pleine restructuration tant du côté de la jeunesse que du mouvement syndical. Dans une période de cristallisation des oppositions politiques qui tendent à se radicaliser, le CHP espère marquer une nette différence avec ses adversaires et obtenir les voix de gauche via une relecture du kémalisme mettant l’accent sur sa dimension « révolutionnaire ». Il assimile dans cet esprit l’AP au conservatisme, sinon à la réaction, et relaie les discours stigmatisant le MHP comme « fasciste ». Il revendique une politique sociale plus marquée en tentant de se poser en partenaire des syndicats et en soutenant les droits des travailleurs et la planification économique. L’invasion de Chypre en 1974, contre l’avis des États-Unis, et la loi d’amnistie politique de 1974 pour les détenus du coup d’État de 1971 lui valent une grande popularité au sein des milieux de gauche. Le parti renforce cette stratégie par son entrée dans l’Internationale socialiste en 1976. Celle-ci s’avérera payante puisque la centrale syndicale DISK, ainsi que certains groupes étudiants, appelleront régulièrement leurs adhérents à voter CHP jusqu’en 1980, au détriment des petits partis politiques socialistes marginalisés par leur éclatement et l'empiétement du CHP sur leurs positions[1].

Il lui revient alors de conduire le parti lors des élections législatives du 14 octobre 1973. Avec 33,3 % des voix et 185 députés sur les 450 de la Grande Assemblée nationale de Turquie, le CHP réalise sa meilleure performance depuis 1961. Il redevient la première force politique du pays, devant le Parti de la justice (AP) de Süleyman Demirel.

Afin de s'assurer une majorité stable, Ecevit constitue une coalition gouvernementale avec le Parti du salut national (MSP), formation islamiste de Necmettin Erbakan. L'exécutif, dans lequel Erbakan est Vice-Premier ministre, prend ses fonctions le , plus de trois mois après l'élection.

Sous ce premier mandat, l'interdiction de la production d'opium est levée, tandis que Chypre est envahie par les forces armées turques, pour protéger la minorité turque après le coup d'État des colonels en Grèce. Cette dernière décision fait de Bülent Ecevit un héros national.

Sa coalition se disloquant, il cède le pouvoir à l'indépendant Sadi Irmak au bout de dix mois à peine, puis devient le chef de l'opposition en , avec le retour de Demirel à la direction du gouvernement.

Deuxième fois Premier ministre

Aux élections législatives du 5 juin 1977, le CHP remporte plus de 41 % des voix et 213 des 450 députés de la Grande Assemblée nationale de Turquie. En sa qualité de chef du parti vainqueur, Ecevit est invité par le président Fahri Sabit Korutürk à former, le 21 juin, le quarantième gouvernement de la République turque.

Il constitue une équipe de membres uniquement CHP, mais perd le vote de confiance devant les députés. Il cède alors les fonctions de Premier ministre à son prédécesseur Süleyman Demirel.

Troisième mandat de chef du gouvernement

En , il forme un nouveau gouvernement avec le Parti démocrate (DP) et le Parti de la confiance républicaine (CGP), qui disposent chacun d'un seul député.

Il promet alors de mettre un terme à la crise économique et à la montée de la violence politique. Son mandat ayant été marqué par un accroissement du terrorisme et par une détérioration de l'économie, son action est considérée comme un échec. Contraint de démissionner, il se retire en , remplacé de nouveau par Süleyman Demirel, à qui il avait lui-même succédé[réf. nécessaire].

Scission du CHP : la fondation du DSP

Après le coup d'État militaire du 12 septembre 1980, les partis politiques sont interdits et Bülent Ecevit est privé d'activité politique. Cela ne l'empêche pas de participer à la fondation, en , du Parti de la gauche démocratique (DSP), une formation social-démocrate, kémaliste et étatiste dont son épouse Rahşan prend la présidence.

Porté lui-même à la direction du parti une fois son interdiction levée, le , il subit les contraintes de la nouvelle loi électorale qui impose un seuil de représentativité de 10 % en ne remportant que 8,5 % des suffrages. Il abandonne ses fonctions de président du DSP le , mais les retrouve le .

Lors des élections législatives du 20 octobre 1991, sa formation franchit le seuil électoral et remporte sept sièges, dont un pour lui-même qui fait ainsi son retour dans l'arène parlementaire après onze années d'absence.

La montée du DSP

Quatre ans après, à l'occasion des élections législatives anticipées du 24 décembre 1995, après avoir représenté la province de Zonguldak depuis trente ans, il se fait élire député dans la province d'Istanbul. Lors de ce scrutin, le DSP devient une véritable force parlementaire avec 76 représentants sur 550 et un score de 14,6 % des voix.

À la tête du parti, il participe à la coalition gouvernementale formée avec le Parti de la mère patrie (ANAP), parti politique de centre droit. De à il occupe le poste de vice-Premier ministre.

Dernier mandat à la tête du gouvernement turc

Le , le président Süleyman Demirel le nomme à 74 ans Premier ministre pour la quatrième et dernière fois de sa vie, avec pour fonction de diriger le pays jusqu'aux élections législatives anticipées du suivant. Bien que le DSP ne soit que la quatrième force parlementaire avec seulement 76 députés, il obtient le soutien sans participation des trois plus grands partis du pays.

Lors du scrutin anticipé, le parti d'Ecevit réalise un score de 22,2 %, le meilleur depuis sa fondation, devenant la première force politique turque avec 136 députés sur 550. Cherchant à s'assurer un gouvernement majoritaire après l'instabilité de la précédente législature, il s'associe avec le Parti d'action nationaliste (MHP), formation nationaliste d'extrême droite, et l'ANAP. Le cinquante-septième gouvernement de la République, formé le 28 mai, dispose ainsi d'une forte majorité absolue de 351 sièges.

Son mandat est marqué par des scandales politique, par le tremblement de terre d'août 1999 qui a fait 20 000 morts et qui a fait éclater au grand jour la corruption qui gangrène la Turquie, et par la grande crise économique de l'année 2000 et 2001, qui a mené l'économie turque à la quasi banqueroute. Il abandonne le projet de construction d'une centrale nucléaire à Akkuyu en 2000.

Son dernier mandat reste aussi historiquement marqué par la capture de l' « ennemi public numéro un », le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan, Abdullah Öcalan. Le 16 février 1999, la voix tremblante d'émotion, Ecevit s'adresse au pays, dans une déclaration télévisée, et annonce l'arrestation du chef rebelle kurde, dans laquelle la Turquie a pourtant joué un rôle minime, l'opération ayant été réalisée essentiellement par les services secrets américains, israéliens et grecs[2],[3].

Contestation interne et échec électoral

Bülent Ecevit, d'un âge avancé et très malade, continue malgré tout d'occuper son poste. Le , il est hospitalisé et se trouve empêché d'exercer ses fonctions au sein du gouvernement pendant près de deux mois. Le , des députés du DSP demande à Ecevit de démissionner et le Premier ministre convoque des élections anticipées qui ont eu lieu le . Son parti, le DSP, s'effondre, obtenant à peine 1,22 % des voix lors des élections du , au profit de l'AKP de Recep Tayyip Erdoğan.

Retrait de la politique et décès

En 2004, Bülent Ecevit se retire de la vie publique et publie des ouvrages de poésie, de politique ainsi que des traductions. Il traduit notamment des auteurs tels que Thomas Stearns Eliot et Rabindranath Tagore. Il meurt le dans un hôpital militaire d'Ankara où il était hospitalisé depuis le mois de mai, à la suite d'une hémorragie cérébrale survenue lors des funérailles d'un juge assassiné dans un attentat.

Notes et références

  1. Paul Cormier, « La gauche en Turquie : une histoire fragmentée », Note franco-turque, no 11, , p. 1-24
  2. « Ecevit glorifié par l'affaire öcalan », sur Libération.fr, (consulté le )
  3. Christophe Chiclet, « La capture d’Abdullah Öcalan », Confluences Méditerranée, no 34, , p. 63-67 (lire en ligne)

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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