Ausculta fili

Ausculta, fili (en latin, Écoute, mon fils) est l'incipit et donc le titre donné à une bulle fameuse, adressée par le pape Boniface VIII au roi Philippe IV le Bel (). Ausculta fili rappelle la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, et convoque pour le mois de un concile à Rome, où le roi de France peut se présenter.

Ausculta fili
Bulle pontificale du pape Boniface VIII
Date 5 décembre 1301
Sujet Supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel
Chronologie

Histoire

Philippe IV le Bel, roi de France, était en conflit ouvert avec le pape. Tirant argument de son pouvoir royal, il conférait des bénéfices et nommait les évêques aux sièges épiscopaux, sans reconnaître au pape une quelconque autorité, et déplaçait de leurs sièges les évêques qui s'opposaient à lui et prétendaient rester fidèles à Rome. Le roi, ayant besoin d'argent pour les guerres, voulut imposer des contributions extraordinaires au clergé pour remplir son trésor épuisé. Le pape protesta et déclara, dans la bulle Clericis laicos (), que le roi ne pouvait lever aucun impôt sur le bien de l'Église sans son autorisation, quiconque exigeant du clergé des subsides extraordinaires étant ipso facto excommunié. Pour riposter, Philippe le Bel interdit toute sortie d'or et d'argent hors des frontières, privant ainsi la Cour de Rome de ses revenus français. Enfin, en , le monarque avait fait emprisonner Bernard Saisset, évêque de Pamiers. Boniface VIII écrivit alors au roi la bulle qui commence ainsi : « Écoute, ô mon fils, les avis d'un tendre père… ».

La bulle développait le principe de l'autorité souveraine du pape, et posait une théorie générale, offensante et hautaine : « Nous sommes fatigué de t'avertir de te corriger, et de mieux gouverner ton royaume ; comme l'aspic qui n'entend rien, tu as fermé les oreilles » ; puis elle reprochait à Philippe la saisie des biens ecclésiastiques et l'altération des monnaies. Le pape terminait en annonçant au roi qu'il convoquait à Rome tous les représentants de l'Église de France, ajoutant : « Tu pourras t'y trouver toi-même, ou tes envoyés,… nous ne laisserons pas de procéder en ton absence ainsi que nous le jugerons à propos. »

Cette bulle irrita violemment Philippe. Certains chroniqueurs affirment qu'elle fut brûlée publiquement à Paris, le dimanche , en sa présence, devant les nobles, et qu'il fit annoncer cette exécution à coup de trompe. Le comte d'Artois lui-même aurait arraché cette bulle au légat du pape et l'aurait déchirée devant lui[1].

Le , en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le roi réunit pour la première fois les états généraux (les députés du tiers état, ceux du clergé et ceux de la noblesse). Les prétentions du pouvoir spirituel y furent condamnées définitivement.

En même temps, Philippe adressait à Boniface VIII une réponse, dont voici le début : « Philippe, par la grâce de Dieu roi de France, à Boniface, soi-disant pape, peu ou point de salut. Que ta très grande fatuité sache que nous ne sommes soumis à personne pour le temporel… » Le roi exposait ensuite ses idées, contraires à celles du pape, et concluait par : « Ceux qui croient autrement, nous les réputons fous et déments. »

La bulle papale ne fut donc pas acceptée par le roi, et fut suivie de la fameuse bulle Unam sanctam.

Version contestée

Philippe avait eu soin, auparavant, de falsifier le document pontifical : à la vraie lettre du pape, il avait substitué une lettre très courte où l'on avait condensé en six lignes claires et dures les propositions enveloppées de la bulle pontificale. Il est certain que les conseillers de Philippe le Bel avaient arrangé la bulle Ausculta fili pour exciter l'opinion et créer un état d'esprit tendancieux et infidèle. Et ces pièces, si suspectes par leur forme même, furent prises au sérieux[2].

Notes et références

  1. Voir Jules Michelet, Histoire de France, tome III, p. 69. Cf « Persée »
  2. Cette version est reprise par dans un opuscule qui date de 1883 de Felix Rocquain, Philippe le Bel et la bulle Ausculta fili. L'auteur ne prend pas position, se contentant de commencer par Selon une opinion généralement admise… - Réf. Bibliothèque de l'École des chartes, 1883, n°44.

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