Augustin Hamon

Augustin Frédéric Adolphe Hamon, né le à Nantes et mort le , à Penvénan (Côtes-d'Armor) est un écrivain français, philosophe, éditeur de journaux politiques et responsable politique passé de l'anarchisme au socialisme et au communisme. Il a aussi été, avec son épouse, le traducteur officiel de George Bernard Shaw. Il est considéré comme un des précurseurs de la psychologie sociale. Il signe beaucoup de ses écrits, Auguste Frédéric Hamon.

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Biographie

Augustin Hamon, portrait par Maximilien Luce.

Né à Nantes, il se liera avec deux Nantais Charles Brunellière et Fernand Pelloutier[1], figures importantes de la construction de la future SFIO. La Bourse du Travail de Nantes le nomme comme délégué au congrès socialiste international de Londres, en 1896.

Dès l'enfance, il va habiter Paris et fait ses études au lycée Condorcet. Ses premiers écrits, vers 1881, le montrent comme un amoureux de la Science, en particulier, de la physique et de la chimie et collabore à de nombreux périodiques de vulgarisation scientifique, français, italiens, britanniques et même polonais et américains[2]. Il milite dans les milieux anarchistes se revendiquant comme anarchiste-socialiste, et écrit ses premiers livres et édite de 1897 à 1903, L'Humanité nouvelle.

En mars 1901, il épouse, à Bruxelles, Henriëtte Rynenbroeck, une Belge qui, maîtrisant parfaitement l'anglais sera, à ses côtés la traductrice de George Bernard Shaw pour la langue, lui-même s'intéressant plus à la manière d'exprimer la pensée. En 1904, il décide, pour des raisons financières, de s'établir à Port-Blanc, village dépendant de la commune de Penvénan. Il lui naît deux filles, Geneviève (née en 1905) et Maryvonne. Celle-ci ayant vécu sans être mariée avec Jean Painlevé, cela fut une matière à scandale dans un village d'esprit très conservateur. Son anticléricalisme et sa critique des aspects traditionnels de la vie religieuse en Bretagne, le firent surnommer An Diaoul (Le Diable, en breton) aussi bien dans les conversations que dans la presse locale. Par esprit de contradiction, il apposa le nom de Ty-an-Diaoul sur son habitation (La Maison du Diable)[3].

Il devient alors une figure politique de la SFIO et est nommé, dès 1907, responsable de la fédération des Côtes-du-Nord qui est alors faiblement influente dans une région dominée par la droite conservatrice.

Pendant la 1re guerre mondiale, n'étant pas mobilisable, il s'exile avec sa famille en Grande-Bretagne et, comme maître de conférence (lecturer), donne 13 cours à l'Université de Londres. Revenu en Bretagne et engagé dans les luttes politiques locales, et parfois isolé dans son parti, il est aussi le membre d'un réseau de correspondants à l'échelle de l'Europe.

La victoire électorale du Front populaire est l'occasion d'un regain de notoriété, grâce à sa stature d'écrivain politique antifasciste et pacifiste. Pendant la guerre, il participe à la Résistance du côté des communistes, puis, adhère au Parti communiste français, l'année même de son décès en 1945.

Sa correspondance conservée en France et aux Pays-Bas ne comprend pas moins de 6 000 lettres à des dizaines de correspondants dans le monde. Ses deux filles ont légué ses archives, pour l'essentiel à l'Institut d'histoire sociale d'Amsterdam et secondairement à l'Université de Brest et au Centre d'histoire du travail, à Nantes.

Le précurseur de la psychologie sociale

Deux livres établiront sa réputation de sociologue s'intéressant aux ressorts psychologiques des différentes catégories de population et c'est pourquoi il est crédité d'avoir été l'un des fondateurs de la psychologie sociale en France. La psychologie sociale du militaire professionnel, parue en 1894, avec un succès réel[4], est une œuvre savante et bien documentée, bien que l'auteur se réfère à l'idéal libertaire qui a été à l'œuvre dans la Révolution française. Il met l'accent sur la criminalité significative, mais souvent occultée que l'on peut trouver dans la population étudiée[5].

L'année précédente, alors que nul ne contestait que son département natal, la Loire-Inférieure ne fasse partie de la Bretagne, il s'intéresse aux croyances traditionnelles en vigueur dans celle-ci et les critique dans un article à La Revue socialiste.

La psychologie de l'anarchiste-socialiste est évidemment originale, puisque l'auteur fait partie de son sujet.

Un écrivain anarchiste et vulgarisateur

Augustin Hamon.

Si Charles Brunellière est plus proche des marxistes et intégrera son parti, la Fédération socialiste de Bretagne, dans la SFIO en 1905, Fernand Pelloutier, l'organisateur des bourses du Travail est plus proche de l'anarcho-syndicalisme. Sa fréquentation et celle de Pierre Kropotkine amènent le jeune Hamon vers l'anarchisme, qu'il voit comme une fraction du grand courant socialiste.

Il crée, en collaboration, L'Humanité nouvelle et doit faire un procès pour en obtenir le contrôle total, mais le journal ferme en 1903. Il se lie, par correspondance avec de nombreux penseurs et militants anarchistes et socialistes, parmi lesquels Pierre Kropotkine, Gustave Hervé, Émile Verhaeren, Karl Kautsky, Alexandra Kollontaï, Jean Longuet, Paul Lafargue, Malatesta, Jean Allemane, et aussi avec Winston Churchill, Émile Durkheim, Léon Tolstoï, Émile Zola et d'autres.

C'est une période d'activité littéraire très intense qui touche de nombreux sujets (histoire, sociologie, économie politique) et qui débute par un livre, L'agonie d'une société… qui dénonce, entre autres, le poids des Juifs qu'il juge « accapareurs » dans la société[6].

Il s'essaie aussi à la philosophie avec une étude sur le déterminisme, mène des enquêtes sur les motivations des crimes et des guerres et réfléchit sur l'articulation entre la Patrie et l'internationalisme.

En 1894-1895, il trouve plus prudent de quitter la France pour la Grande-Bretagne, à la suite du tumulte provoqué par les attentats de Caserio et y écrit pour des revues politiques locales.

Le responsable remuant de la SFIO

Augustin Hamon en 1933. Photographie publiée dans L'Ouest-Éclair, no 13357, , Paris, BnF.

C'est après son installation en Bretagne qu'il adhère à la SFIO. Parallèlement, il est un dignitaire de la franc-maçonnerie et un adhérent à la Libre Pensée[7].

En 1921, il reste à la SFIO après le Congrès de Tours et est une figure de la gauche de ce parti. Il est le rédacteur en chef de La Charrue Rouge, un bulletin politique local. Il se lie d'amitié avec Marcel Cachin, qui est originaire d'un village proche de chez lui, et s'enthousiasme pour la modernisation de l'URSS par le parti bolchévique, car la maîtrise planifiée du territoire hostile de la Sibérie le fascine. Cela l'amène à déclencher, en 1931, une violente polémique dans la presse locale, quand il organise la projection à destination des lycéens de Lannion, d'un documentaire de propagande sur la construction de la branche Sud du Transsibérien.

Les ventes-saisies d'exploitations agricoles lui donnent l'occasion de mener des luttes contre les « accapareurs de la terre » avec d'autres militants d'extrême gauche. Son livre en trois volumes, Les Maîtres de la France (1936-1938), se veut une dénonciation des grandes fortunes capitalistes qui contrôlent censément l'économie et la politique. L'ouvrage remporte un succès de librairie en consolidant les mythes politiques du « mur d'argent » et des « deux cents familles »[8] mis en avant par la SFIO et le parti communiste.

Avec le groupe politique situé à gauche de la SFIO, la Charrue rouge, il s'engage dans les mobilisations antifascistes et apparaît alors comme proche du communisme. Il participe officiellement, avec sa fédération socialiste, au mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel, et se rend dans la ville néerlandaise pour y être nommé secrétaire, malgré les interdictions de l'Internationale socialiste.

Il achève sa vie militante au côté des maquisards communistes et adhère au PCF en 1945.

Citation

« Le caractère le plus important de toute mentalité anarchiste est l'Esprit de Révolte. Alors que cette tendance existe, latente, chez tous les hommes et s'atrophie le plus souvent sous l'influence des milieux, chez les anarchistes elle est, dès l'origine, très prononcée. Les milieux ne font que l'exacerber. » - Psychologie de l'anarchiste-socialiste, 1895.

Œuvres

  • (avec G. Bachot). L'agonie d'une société : Histoire d'aujourd'hui. Savine 1889
  • La France sociale et politique (1890)
  • La France sociale et politique (1891)
  • Les hommes et les théories du l'anarchie, 1893
  • La psychologie du militaire professionnel, 1894
  • Psychologie de l'anarchiste-socialiste, 1895
  • Patrie et Internationalisme, 1896
  • Un Anarchisme, fraction du socialisme, 1896
  • Le socialisme et le congrès de Londres, Stock, 1896.
  • Déterminisme et responsabilité, Reinwald, 1898.
  • Une enquête sur la guerre et le militarisme, 1899. Réimprimé en 1972.
  • Socialisme et anarchisme : études sociologiques, 1905
  • The twentieth century Molière: Bernard Shaw, 1911
  • The technique of Bernard Shaw's plays, 1912
  • Le Molière du XXe siècle, Bernard Shaw, Éditions Figuière, 1913
  • Les leçons de la Guerre Mondiale, 1917
  • Le mouvement ouvrier en Grande-Bretagne, 1919
  • Les Maîtres de la France (3 vol.), 1936-1938

Articles de presse

  • Les survivances de l'animisme et du polythéisme en Bretagne, La Revue socialiste, 1893.

Les traductions des œuvres de George Bernard Shaw par Augustin Hamon et par son épouse sont trop nombreuses pour être citées (environ 30 publications).

Archives

En 1985, la bibliothèque (1500 ouvrages) et certaines archives (une centaine de boîtes) d'Augustin Hamon[9] ont été déposées à la Bibliothèque Yves Le Gallo[10] du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l'Université de Bretagne occidentale. Cette donation comprend des documents d’archives, quelque 2 000 lettres échangées entre George Bernard Shaw et Augustin Hamon, des documents sur l’activité politique d’Augustin Hamon, ses mémoires et des collections de journaux comme La Charrue rouge.

Bibliographie

  • Patrick Galliou, Correspondance George Bernard Shaw – Augustin Hamon. II. Les Années médianes (1914-1925). Texte établi et annoté par Patrick Galliou[11], Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, Brest, 2014, 509 p. (ISBN 979-10-92331-09-7)
  • Patrick Galliou, Augustin Hamon. Mémoires d'un en-dehors. Les années parisiennes (1890-1903). Texte établi et annoté par Patrick Galliou[12], Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 2013, 602 p. (ISBN 979-10-92331-01-1).
  • François Prigent, « Les mondes d’Augustin Hamon », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, nos 113-2, , p. 117-134 (lire en ligne).
  • Philippe Le Maux, Les réseaux socialistes bretons (1936-1981). Identités et pratiques des élus socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, mémoire de DEA, Université Rennes 2, 2005.
  • Patrick Galliou, George Bernard Shaw et Augustin Hamon. Les premiers temps d’une correspondance (1893-1913), Presses universitaires du Septentrion, Lille, 2000. Thèse.
  • Dominique Le Page, Augustin Hamon. Présentation biographique d’un En Dehors, mémoire de DEA, UBO (Brest), 1998
  • Dominique Le Page, « De Paris à la Bretagne : Augustin Hamon », Le Mouvement social, Paris, Éditions ouvrières, no 160, , p. 99-124 (lire en ligne).
  • Eric Apfelbaum et Yann Lubek, « Les « études de psychologie sociale » d’Augustin Hamon », Hermès, n°5-6, 1989, lire en ligne.
  • Eric Apfelbaum et Yann Lubek, « Augustin Hamon aux origines de la psychologie sociale française », Recherches de psychologie sociale, 1982.
  • Léo Campion, Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas : les Maillons libertaires de la Chaîne d'Union, Éditions Alternative libertaire, 1996, lire en ligne, pdf.

Notices

Article connexe

Notes et références

  1. Fernand Pelloutier s'établit à Paris en 1893 et est délégué de la Bourse du Travail de Saint-Nazaire.
  2. Articles en 1881 dans Le Cosmos sur la distribution de l'électricité et en 1882, sur L'hygiène pour tous.
  3. Dominique Lepage, De Paris à la Bretagne : Augustin Hamon », Le Mouvement Social, no 160, juillet-septembre 1992, p. 112.
  4. Selon Nicolas Roussiau, dans La psychologie sociale, 10 000 exemplaires auraient été tirés en France et il y aurait eu 8 traductions.
  5. Citation : Les individus qui, par vocation, choisissent un tel métier, décèlent évidemment, par cette élection, une propension naturelle à la brutalité. Ils savent que la fonction du militaire est de tuer et, malgré ce, ils entrent en cette carrière des armes. Il y a certainement chez ces individus une organisation physiologique qui les rend, pour remplir les conditions meurtrières de la profession militaire, plus aptes que ne le seraient d'autres individus portés par leur manière d'être vers le commerce, l'industrie, l'art, la science. Les militaires professionnels sont donc des prédisposés sur lesquels les conditions mésologiques de la profession retentiront fortement pour déterminer un état d'âme spécial, constatable en temps de paix aussi bien qu'en état de guerre.
  6. D'après Marc Crapez, L'antisémitisme de gauche : L'antisémitisme a été une composante des idées socialistes et anarchistes à la fin du XIXe siècle et Augustin Hamon, ami d'André Lorulot, président antisémite de la Libre Pensée, n'y échappe pas. Citation de L'agonie d'une société publié chez Albert Savine : « Malgré leur or, ou plutôt à cause des fortunes qu'ils ont entassées, les Juifs sont destinés à disparaître du sol européen. Le jour où la plèbe de l'Océan Atlantique à l'Oural, de la mer du Nord à la Méditerranée, se soulèvera dans une colère terrible contre les exploiteurs, les Juifs ne trouveront aucun toit pour les abriter, aucun aryen pour les protéger. Ils jetteront leur or, source de tant de crimes et de tant de larmes, aux pieds des vengeurs, mais ce sera en vain ! Qu'importe l'or ou l'argent quand arrive le moment d'une vengeance si impatiemment attendue. Cette race qui veut conquérir le monde, qui a des richesses considérables, qui est toute-puissante, mais qui ne réussira qu'à succomber finalement sous un cataclysme prochain dont elle ne se fait pas une idée, elle se trompe, si elle croit que la civilisation la protégera. ».
  7. François Prigent, Les mondes d’Augustin Hamon'.
  8. « Tous les travaux cités depuis la note (19) ont eu pour premier bienfait, il va sans dire, de rompre avec l'atmosphère de suspicion systématique qui entourait toute observation du patronat au temps des « 200 familles » et qu'ont alors « illustrée » les livres d'E. Beau de Loménie et d'A. Hamon. », (Jean-Pierre Rioux, « Les élites en France au XXe siècle. Remarques historiographiques », Mélanges de l'École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, t. 95, , p. 13-27 (lire en ligne)).
  9. http://www.univ-brest.fr/crbc/menu/Bibliotheque_Yves-Le-Gallo/Fonds_d_archives/Hamon__Augustin_#
  10. http://www.univ-brest.fr/crbc/menu/Bibliotheque_Yves-Le-Gallo/Presentation
  11. http://www.univ-brest.fr/crbc/menu/Editions+du+CRBC/Hors_collection/Correspondance-GBS-AH
  12. http://www.univ-brest.fr/crbc/menu/Editions+du+CRBC/Hors_collection/Augustin-Hamon
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