Armistice de Villa Giusti

L’armistice de Villa Giusti est signé au cours de la Première Guerre mondiale en Italie, à la villa Giusti, située à Mandria, près de Padoue, le 3 novembre 1918 à 15 heures, avec effet le 4 novembre à 15 heures. Comme tout armistice, il met seulement fin aux combats, mais pas à l’état de guerre, qui ne cesse qu'avec les traités de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919) entre la République autrichienne et la Triple-Entente et de Trianon (4 juin 1920) avec la République hongroise.

L'armistice a été signé autour de cette table.

Contexte

Épuisement austro-hongrois

L’année 1918 est marquée par l’épuisement de l'armée austro-hongroise, qui a de plus en plus de mal à tenir le front italien et recule sur le front balkanique face aux forces serbes et françaises[1]. En effet, les troupes austro-hongroises souffrent de sous-alimentation chronique, ne sont pas relevées régulièrement et ne sont pas suffisamment ravitaillées en armes et en munitions[2].

Les pénuries alimentaires touchant les civils incitent les autorités de chaque région de l’Autriche-Hongrie à conserver sous leur autorité les stocks de nourriture disponibles, ce qui, en plus d’affaiblir l’armée, accélère la décomposition politique en constituant des régions économiquement autonomes de facto[3]. En Vénétie, depuis l’échec sur le Piave en , offensive lancée pour des raisons politiques[1], les unités austro-hongroises ne sont plus en mesure de résister à une offensive alliée de grande ampleur.

Effondrement des fronts austro-hongrois

Depuis le 14 septembre 1918, une offensive de rupture alliée dans les Balkans perce le front d'Orient, essentiellement tenu par les Bulgares, dont le gouvernement se voit alors obligé de demander l’armistice, signé à Thessalonique le 29 septembre 1918. Conformément aux clauses de cet accord, les troupes bulgares se retirent à l’intérieur des frontières bulgares de 1913. Le front des puissances centrales en Macédoine ainsi que la participation ottomane au conflit[4] sont ainsi compromis. Dans l’urgence, une ligne de défense est mise en place en Serbie centrale à partir du mi-octobre, mais l’armée austro-allemande, qui la tient, se montre incapable d’arrêter la remontée des unités franco-serbes vers Belgrade[5].

Parallèlement, à partir du 24 octobre, une offensive italienne balaie les lignes austro-hongroises en Italie alors que les unités hongroises sont retirées du front italien, pour être déployées dans les Balkans, et que l’Autriche-Hongrie entre dans la phase finale de sa dislocation[6],[7]. Après trois jours de résistance austro-hongroise, les unités alliées engagées en Italie établissent des têtes de pont sur la rive droite du Piave en exploitant la percée en profondeur du dispositif austro-hongrois en Italie[8].

Dislocation de l'Autriche-Hongrie.

Dislocation politique austro-hongroise

Depuis juillet, les succès des Alliés et les échanges de notes diplomatiques avec l’Autriche-Hongrie qui s’ensuivent, accélèrent le processus de dislocation politique en faisant « sauter le cadre de la monarchie », selon Stephan Burián von Rajecz, alors ministre des affaires étrangères austro-hongrois[9]. Le président américain, Woodrow Wilson, reconnaît officiellement le 21 octobre le droit des peuples qui composent l’Autriche-Hongrie à organiser à leur guise leur cadre politique, et à la rentrée parlementaire, le Parti social-démocrate autrichien annonce reconnaître le droit des peuples à l'indépendance. Cela incite les représentants des peuples de l’Empire, regroupés à partir du en sept « conseils nationaux », à radicaliser leurs revendications en passant de l’autonomisme à l’indépendantisme[3].

Au Nord, les trois premiers « conseils nationaux » à proclamer leur sécession sont ceux des sujets slaves de la partie autrichienne de la « double-monarchie » : Polonais de Galicie occidentale et Tchèques de Bohême-Moravie le 28 octobre, auxquels se joignent dès le lendemain les Slovaques, alors sujets de la partie hongroise de l’Empire : ainsi naît la première république tchécoslovaque, tandis que les Ruthènes de Galicie orientale y proclament le 1-er novembre une république populaire d'Ukraine occidentale. De son côté, le 16 novembre, le « Conseil national » des Magyars constitue, par la révolution des Asters, la toute nouvelle république démocratique hongroise désormais indépendante, qui s'oppose à la sécession des Slovaques et, à partir du 19 novembre, à celle des Ruthènes de Hongrie[10].

Les trois autres « conseils nationaux » en voie de sécession sont : à l’Ouest, le 22 novembre, celui des Autrichiens germanophones qui souhaitent rejoindre la république de Weimar (à l’exception de ceux du Vorarlberg qui eux, souhaitent rejoindre la Suisse[11]) ; au Sud, le 29 octobre, celui des Slaves méridionaux ou « Yougo-Slaves » souhaitant s’unir à la Serbie, et à l’Est, le 28 novembre 1918, celui des Roumains transylvains alors sujets de la partie hongroise de l’Empire et bucoviniens alors sujets de la partie autrichienne de l’Empire, qui proclament le 1-er décembre 1918 leur union avec la Roumanie[10].

Face à ces tendances centrifuges, la nouvelle Hongrie indépendante n’est pas signataire de l’armistice de Villa Giusti : ce dernier doit donc être complété par la convention de Belgrade signée le 13 novembre par le français Louis Franchet d’Espèrey et le hongrois Mihály Károlyi auquel les Alliés imposent de reconnaître le dixième des « quatorze points de Wilson » qui implique la cession des deux tiers de la partie hongroise de la « double-monarchie » au profit de la Tchécoslovaquie, de la Roumanie et de l’État des Slovènes, Croates et Serbes[12].

Négociations

Composition des délégations

Le 31 octobre 1918, une délégation austro-hongroise est invitée à se présenter au haut-commandement italien pour négocier l'armistice avec les Alliés. Elle est formée par sept représentants de l’empereur Charles d’Autriche :

  • Général Viktor Weber Edler von Webenau
  • Oberst Karl Schneller (de)
  • Fregattenkapitän Johannes Prinz von und zu Liechtenstein
  • Oberstleutnant J.V. Nyékhegyi
  • Korvettenkapitän Georg Ritter von Zwierkowski
  • Oberstleutnant i.G. Victor Freiherr von Seiller (de)
  • Hauptmann i.G. Camillo Ruggera (it).

Propriété du comte Giusti, sénateur d’Italie, la villa Giusti, située aux environs de Padoue, servait de résidence et poste de commandement au roi Victor-Emmanuel III et à son État-major depuis 1917. Le roi était représenté par :

Ces quatorze personnes furent les signataires de l’armistice[13].

Clauses

Conséquences

Désaccords entre Alliés

À mesure que l’armée austro-hongroise se retirait et était démobilisée, des désaccords apparurent entre l’État des Slovènes, Croates et Serbes et l’Italie au sujet de leur future frontière commune[13] :

  • le premier revendiquait l’ensemble des territoires peuplés par des Slaves du Sud, Dalmatie et Istrie entières ainsi que Trieste inclus ;
  • l’Italie revendiquait, conformément à son idéal irrédentiste, les territoires, pour la plupart anciennement vénitiens, où vivaient des minorités italiennes et qui lui avaient été promis par le pacte de Londres de 1915 : Trieste, l’Istrie entière et une partie de la Dalmatie (la moitié des îles et un large territoire continental autour de la ville de Zara).

La solution médiane qui sera finalement adoptée après la guerre ne satisfera ni les uns, ni les autres : l’Italie n’eut que trois îles dalmates (Cherso, Lussino, Lagosta et leurs petites « îles-satellites ») et la ville de Zara sans territoire adjacent ; le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes n’eut ni Trieste, ni la moitié slave (orientale) de l’Istrie, et dut même renoncer au quart occidental de la Slovénie au profit de l’Italie, qui finit aussi par annexer Fiume en 1924[14].

Notes et références

Notes

    Références

    1. Bled 2014, p. 382.
    2. Bled 2014, p. 383.
    3. Renouvin 1934, p. 631.
    4. Bled 2014, p. 401.
    5. Bled 2014, p. 402.
    6. Renouvin 1934, p. 634.
    7. Bled 2014, p. 411.
    8. Bled 2014, p. 412.
    9. Renouvin 1934, p. 633.
    10. Renouvin 1934, p. 632.
    11. (en) Alfred D. Low, The Anschluss Movement, 1918-1919, and the Paris Peace Conference, 1985 p. 350.
    12. Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 329
    13. Renouvin 1934, p. 639.
    14. Luigi Tomaz, Il confine d'Italia in Istria e Dalmazia : duemila anni di storia, Presentazione di Arnaldo Mauri, ed. Think ADV, Conselve 2008.

    Voir aussi

    Bibliographie

    Articles connexes

    Liens externes

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