Anticatholicisme au Royaume-Uni

L'anticatholicisme au Royaume-Uni regroupe les lois discriminatoires[1], les persécutions[2], et plus généralement l'hostilité manifestée à l'encontre des catholiques et de leur religion en Angleterre et au Royaume-Uni, principalement depuis le schisme anglican protestant sous Henry VIII d'Angleterre en 1534.

« Exécution de cinq jésuites ». Carte à jouer du complot papiste fomenté par l'ecclésiastique anglican Titus Oates pour discréditer les catholiques en 1678.

L'anticatholicisme est institutionnalisé dans les textes officiels de la monarchie britannique[1], où les catholiques sont désignés sous le terme péjoratif de « papistes »[1] et sont victimes de plusieurs discriminations majeures. L'acte d'établissement de 1701, toujours en vigueur aujourd'hui, interdit par exemple aux catholiques de gouverner le Royaume-Uni[1].

Histoire

En 1534, le roi Henry VIII d'Angleterre promulgue l'Acte de suprématie par lequel il s’autoproclame « chef unique et suprême de l’Église d’Angleterre », et provoque ainsi le schisme anglican avec le catholicisme. Cette scission résulte de son mécontentement de ne pouvoir obtenir l'annulation de son mariage avec Catherine d'Aragon auprès du pape Clément VII.

Le chancelier Thomas More, un catholique resté fidèle à la papauté, refuse de reconnaître l'Acte de suprématie, et est condamné à mort par le roi. Cette exécution marque le début d'une politique de répression et de discrimination à l'encontre des catholiques en Grande-Bretagne et en Irlande. Béatifié par l'Église Catholique en 1886, Saint Thomas More est canonisé en 1935.

En 1535, les prieurs des chartreuses de Beauvale, de Londres et d'Axholme sont à leur tour exécutés pour avoir récusé la loi qui faisait du roi le chef de l’Église d’Angleterre.

En 1538, Henry VIII entreprend de confisquer les biens des ordres catholiques d'Angleterre, du Pays de Galles et d'Irlande, et d’en détruire ou revendre les bâtiments. Cet épisode historique est connu sous le nom de dissolution des monastères. Plusieurs ecclésiastiques se révoltent et les abbés de Colchester, de Glastonbury et de Reading sont exécutés.

Chronologie

Date Actes Effets
1534Acte de suprématieSchisme anglican, début des persécutions anticatholiques.
1535 et 1559Oath of Supremacy (en)
1538 - 1541
1535
1539
Dissolution des monastères :
* Suppression of Religious Houses Act 1535
* Suppression of Religious Houses Act 1539
Confiscation des biens de l'Église catholique, exécutions des opposants.
1539Acte des six articlesSuprématie de la religion anglicane en Angleterre, et contestation de la réalité de la transsubstantiation.
1549 - 1662Act of UniformityConversion forcée à l'anglicanisme.
1600 - 1800Lois pénalesSéries de lois discriminatoires contre les catholiques irlandais, en particulier l'interdiction d'exercer un emploi public, de voter, d'aller à la messe, d'acheter ou d'hériter de terres.
1600 - 1800Lois pénales (Angleterre) (en)
1641Grande Remontrance
1661Corporation Act 1661Interdit aux catholiques l'accès aux emplois publics, réservés aux seuls anglicans.
1673 et 1678Test ActsInterdiction de divers droits civiques, militaires, pour les catholiques.
1678Complot papisteComplot organisé par l'ecclésiastique anglican Titus Oates pour discréditer les catholiques. Bilan: 19 catholiques assassinés, le complot permet aux anglicans de remporter la majorité des sièges à la Chambre des communes.
1679 - 1681Exclusion Bill
1689Bill of Rights 1689Interdit aux catholiques d'accéder au trône de la monarchie.
1698Popery Act 1698 (en)
1701Acte d'établissementInterdit aux catholiques de gouverner le Royaume-Uni (toujours en vigueur).
1704 - 1813Catholic Relief (Irlande) (en)
1778 - 1829Catholic Relief (Angleterre)
1780Gordon RiotsViolentes émeutes anticatholiques à Londres, à la suite du début de la guerre d'indépendance américaine. Bilan : 285 morts, les chapelles catholiques des ambassades de Bavière et du Piémont-Sardaigne sont détruites.
1808 - 1829Royal veto (en)

Période contemporaine

Aujourd'hui (hormis l'acte d'établissement), presque toutes les mesures discriminatoires envers les catholiques ont été abrogées par le Roman Catholic Relief Act de 1829 sous le règne de George IV du Royaume-Uni. Toutefois, parmi une frange protestante radicale et très minoritaire de la population britannique, une doctrine anticatholique subsiste toujours. Selon celle-ci, il existerait un monde anglo-saxon protestant opposé à un monde latin et celtique catholique. Ainsi, l'hostilité du White Anglo-Saxon Protestant (qui serait l'archétype de l'Anglo-Saxon) envers le catholique constituerait un élément fondateur de l'unification de l'anglo-monde.

L'anticatholicisme fut également associé à un sentiment monarchiste anglican et anti-républicain. De ce fait, la France, par ses racines catholiques, par sa doctrine d'une monarchie absolue de droit divin dans un premier temps puis par ses valeurs républicaines, fut souvent considérée comme un ennemi héréditaire par les royalistes anglicans. Depuis l'Entente cordiale et le développement croissant des relations internationales entre les deux pays, ce sentiment fait aujourd'hui largement partie du passé mais peut toutefois être utilisé de manière anecdotique (notamment dans la presse) comme argument historique dans un French bashing britannique.

L'anticatholicisme est en baisse en Écosse, mais il concerne toujours 50 à 60 % des crimes de haine religieuse en 2018. Les responsables politiques refusent de parler d'anti-catholicisime, préférant le terme neutre de « sectarisme »[3]. Les chants anticatholiques sont courants chez les supporteurs du Rangers Football Club de Glasgow. En , plusieurs églises catholiques sont vandalisées par des supporteurs après une victoire de leur club de football[4]. Le « sectarisme anti-catholique ignoble » est condamné par le SNP de Nicola Sturgeon, Premier ministre d'Écosse[5]. En 2021, les statistiques du gouvernement écossais montrent que les catholiques ont une probabilité plus élevée d'être victimes de crime, d'être en mauvaise santé, au chômage, en prison, victimes d'actes de haine liée à leur religion ou d'habiter dans des quartiers difficiles[6].

Cas particulier de l'Irlande sous domination britannique puis de l'Irlande du Nord

Le sentiment anticatholique est resté présent en Irlande sous domination britannique jusqu'à son indépendance en 1921. Diverses mesures furent instituées, notamment des restrictions dans l'accès à l'enseignement.

Après les premières étapes de l'émancipation catholique, les catholiques ont été autorisés à demander leur admission en 1793, avant le changement équivalent à l'Université de Cambridge et à l'Université d'Oxford[7]. Certains handicaps sont restés. En décembre 1845, le politicien britannique, Denis Caulfield Heron, a fait l'objet d'une audience au Trinity College. Heron avait déjà été examiné et, au mérite, déclaré érudit du collège mais n'avait pas été autorisé à prendre sa place en raison de sa religion catholique. Heron a fait appel devant les tribunaux qui ont émis une ordonnance de mandamus exigeant que l'affaire soit jugée par l'Archevêque de Dublin et le Primat d'Irlande[8]. La décision de Richard Whately et de John George de la Poer Beresford était que Heron resterait exclu de la bourse d'études[9]. Cette décision a confirmé que la position juridique demeurait que les personnes qui n'étaient pas anglicanes (les presbytériens étaient également touchés) ne pouvaient pas être élues à une bourse d'études ou de recherche, ni devenir professeur.

Cependant, moins de trois décennies plus tard, tous les handicaps imposés aux catholiques ont été abrogés, car en 1873, tous les tests religieux ont été abolis, sauf pour l'entrée à l'école de théologie.

Après l'indépendance de l'Irlande du sud en 1921, les discriminations anti-catholiques se sont poursuivies tout au long du XXe siècle en Irlande du Nord, dans un contexte où la religion catholique fut assimilée au républicanisme irlandais. Depuis l'Accord du Vendredi Saint conclu en 1998 mettant fin au conflit nord-irlandais, catholiques et protestants se partagent le pouvoir dans la province au sein d'un gouvernement bi-confessionnel.

Notes et références

  1. « Acte d'établissement de 1701 », sur constitution-du-royaume-uni.org,  : « il a été également promulgué, que toute personne qui était alors ou est devenue par la suite réconciliée avec l’Église de Rome, ou communierait selon le rite de l’Église de Rome, ou prétendrait être de confession papiste, ou épouserait un papiste, devrait être exclue et être pour toujours incapable d’hériter, de posséder ou de jouir de la Couronne et du gouvernement de ce royaume »
  2. Cf. par exemple les articles sur la confiscation des biens des catholiques dissolution des monastères (1538-1541), les Lois pénales, les Test Acts (1661, 1673 et 1678), les politiques de ségrégation en Irlande du Nord entre protestants et catholiques, ainsi que le mouvement pour les droits civiques en Irlande du Nord.
  3. Constance Villanova, « En Écosse, l’agression d’un prêtre ravive le débat sur l’anti-catholicisme », sur la-croix.com, .
  4. (en) Libby Brooks, « Glasgow churches subjected to anti-Catholic abuse after Rangers win », sur theguardian.com, .
  5. (en) Adam Forrest, « SNP condemns ‘vile anti-Catholic bigotry’ after Rangers celebrations in Glasgow », sur independent.co.uk, .
  6. (en) Kenny Farquharson, « Anti-Catholic hate remains a stain on society », sur thetimes.co.uk, .
  7. Catholic Relief Act, 1793, section 13
  8. The Times, Important Collegiate Question., Denis C. Heron 13 December 1845; pg3 col E
  9. The Times; Ireland. Protestant Alliance; 9 January 1846; pg5 col D

Bibliographie

  • (en) Leticia Ãlvarez-Recio, Bradley L. Drew, eds., Fighting the Antichrist: A Cultural History of Anti-Catholicism in Tudor England, 2011
  • (en) Colin Haydon, Anti-Catholicism in Eighteenth-Century England, C. 1714-80: A Political and Social Study, 1993
  • (en) E.R. Norman, Anti-Catholicism in Victorian England, 1968
  • (en) D.G. Paz, Popular Anti-Catholicism in Mid-Victorian England, 1992

Articles connexes

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