Anémic Cinéma

Anémic Cinéma est un film expérimental muet, en noir et blanc, de 7 minutes réalisé par Marcel Duchamp en 1926. Ce court-métrage 35 mm fait alterner le tournoiement de disques optiques, que Duchamp appelle Rotoreliefs, avec des séquences de jeux de mots en français. Dans le titre lui-même, Duchamp joue avec l'anagramme de Cinéma.

Le film

Les Rotoreliefs sont des disques de carton, imprimés de motifs en spirale, utilisés sur des tourne-disques, afin de produire l'illusion du volume ; leur rotation produit des effets de renflement et de creusement. Il y a un jeu sur l'illusion optique : selon les spectateurs, les disques sont tantôt vus en creux, tantôt en relief [1]. Duchamp déposera l'idée auprès du Tribunal de commerce de la Seine le et les présentera en août de la même année au concours Lépine. L'aventure est un désastre financier ; cependant, certains spécialistes d'optique ont pensé qu'ils pourraient être utiles pour restaurer une vision en trois dimensions chez les personnes avec un seul œil [2].

Le film est une succession de plans fixes : les dix séquences de disques Rotoreliefs alternent avec neuf séquences où sont filmés des disques où sont inscrits des jeux de mots, calembours et allitérations en français, disposés en spirales :

  • Bains de gros thé pour grains de beauté sans trop de bengué.
  • L'enfant qui tète est un souffleur de chair chaude et n'aime pas le chou-fleur de serre-chaude.
  • Si je te donne un sou, me donneras-tu une paire de ciseaux ?
  • On demande des moustiques domestiques (demi-stock) pour la cure d'azote sur la côte d'Azur.
  • Inceste ou la passion de famille, à coups trop tirés.
  • Esquivons les ecchymoses des Esquimaux aux mots exquis.
  • Avez-vous déjà mis la moelle de l'épée dans le poêle de l'aimée ?
  • Parmi nos articles de quincaillerie paresseuse, nous recommandons le robinet qui s'arrête de couler quand on ne l'écoute pas.
  • L'aspirant habite Javel et moi j'avais l'habite en spirale.

Le titre du film est en forme de palindrome imparfait[3].

Réalisation et réception

Duchamp signe le film de son alter ego Rrose Sélavy. Il le réalise en collaboration avec Man Ray et Marc Allégret, pendant l'été 1926 ; Anémic cinéma est filmé image par image, selon la technique des dessins animés.

Il est présenté en au Fifth Avenue Theater de New York, sans susciter de réaction particulière [3].

En , la galerie Julien Levy à New York propose une projection du film, avec le film-collage Rose Hobart de Joseph Cornell, et L’Étoile de mer de Man Ray [4],[5].

Références

  1. Patrick De Haas, Cinéma intégral/De la peinture au cinéma dans les années vingt, Paris, Transédition, , p. 30
  2. Calvin Tomkins, Duchamp : une biographie, , p. 301-303.
  3. Serge Sanchez
  4. « Joseph Cornell et les surréalistes à New York : Dali, Duchamp, Ernst, Man Ray... », sur Musée des beaux-arts de Lyon (consulté le )
  5. Chantal Le Sauze, « Le temps suspendu ou l’univers cinématique de Joseph Cornell », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, no 41, (lire en ligne).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Annette Michelson, « Anemic Cinema': Reflections on an Emblematic Work », Artforum, no 2, , p. 64-69.
  • (en) Katrina Martin, « Marcel Duchamp's Anemic Cinema », Studio International, no 973, , p. 53-60.
  • Serge Sanchez, Man Ray, Paris, Gallimard, , 355 p. (ISBN 978-2-07-044933-0, notice BnF no FRBNF43858550).
  • Avant-garde : des films expérimentaux des années 1920 et 1930 (collection de DVD qui comprend Anémic Cinéma)

Lien externe

  • Portail du cinéma français
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