Calembour

Le calembour est un jeu de mots oral fondé sur l'homophonie et la polysémie.

Pour les articles ayant des titres homophones, voir Calambour et Calembourg.

Calembours d'Honoré de Balzac.

Le calembour est un trait de l'esprit, à connotation humoristique, qui, par le sens double d'une phrase, permet une approche ironique sur un sujet donné. Il fut souvent utilisé dans cette optique par les journaux satiriques et les chansonniers du début du XXe siècle. Les calembours sont généralement davantage appréciés à l'oral qu'à l'écrit. Une légère différence d'intonation peut, en effet, orienter la compréhension d'une phrase ambiguë. Le procédé est approprié à la langue française, qui est peu accentuée et riche en homophones.[1]

Selon l'auteur américain Isaac Asimov, « le calembour est la forme la plus noble de l'esprit » (en post-scriptum de la nouvelle Cache Cash dans le recueil Histoires mystérieuses). À l'inverse, pour un des personnages des Misérables de Victor Hugo, « Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole » (mais le même précise, « Loin de moi l’insulte au calembour ! Je l’honore dans la proportion de ses mérites ; rien de plus »).

L'adjectif calembourgeois existe pour décrire une personne qui aime beaucoup et donc qui utilise les calembours. Par exemple, le peintre français Christian Zeimert est ainsi décrit[2]. Le collectif la calembourgeoisie existe donc et signifie les gens calembourgeois comme groupe[3].

Origines et étymologie

L'étymologie est incertaine[4]. Le rapprochement avec calembredaine paraît évident, sans qu'on puisse pour autant établir un rapport certain de dérivation[5].

Il est traditionnellement admis[6] que c'est Denis Diderot qui a utilisé pour la première fois ce terme, en français, dans une lettre à Sophie Volland datée du . Mais cela ne donne aucune idée de la formation du mot. Le terme est bien présent dans le Supplément à l'Encyclopédie de 1777[7], dont l'article est écrit par le « prince du calembour »[8], le marquis de Bièvre, mais son étymologie y est présentée comme incertaine et aucune allusion à Diderot (pourtant encore bien vivant) n'y est faite.

La revue Historia a évoqué l'existence d'un comte de Kahlenberg[9],[10], ambassadeur d'Allemagne à Paris, dont l'accent rendait les propos difficilement compréhensibles ; ses interlocuteurs, refusant par politesse de le faire répéter, interprétaient librement ses propos. L'initiale K admise au XVIIIe siècle[7] peut effectivement indiquer une étymologie étrangère. Cette initiale K pourrait également appuyer cette autre hypothèse[11] qui rapproche calembour du verbe néerlandais kallen (parler) et de l’ancien français bourde (erreur ou mensonge). Mais on comprend mal l'association de ces racines de langues différentes.

Le mot calembour apparaît dans la 5e édition du Dictionnaire de l'Académie française (1798).

Littérature et figures de style

  • Outil par excellence du comique, le calembour verse parfois dans la tragicomédie.


  • Dans un extrait d’Amphitryon de Molière[12], le calembour repose sur la polysémie  caractéristique d'un mot ou d'une expression qui a plusieurs sens). Le vrai Sosie s’étant fait usurper son « moi » par un imposteur, le dieu Mercure, la polysémie s'établit entre un vrai et un faux moi. Elle n’est donc pas de langue (aucun système ni dictionnaire ne prévoient qu'un pronom puisse désigner deux personnes distinctes), mais de discours : deux protagonistes aussi différents et opposés que l'actant (drôle de « héros » que ce Sosie couard...) et l'opposant (terme ici particulièrement approprié puisque le dieu vient de rouer le valet des coups).

Le procédé est renforcé par une anaphore.

  • Parmi les auteurs contemporains, Jean-Pierre Brisset ne rédige ses livres qu'à partir de calembours portés à saturation. Pour avoir démontré par des calembours que l'homme descend de la grenouille — coa = quoi ? —, cet employé des chemins de fer a été fait par Jules Romains et ses amis (Apollinaire, Max Jacob, Stefan Zweig) « Prince des Penseurs » le . Son œuvre complète a été republiée en 2001, accompagnée d'une étude. Il était l'un des auteurs préférés de Marcel Duchamp[13]. Brisset a été célébré par André Breton dans l'Anthologie de l'humour noir (1940) et par Michel Foucault en 1970. « Qu'est-ce que c'est ? est glosé Que sexe est ? », par allusion à la métamorphose de la grenouille en homme (elle prend un sexe apparent : keksekça ?).
  • Avec ses calembours, Raymond Queneau illustre «  les bases du néo-français caractérisé par une syntaxe et un vocabulaire typiques du langage parlé et par une orthographe plus ou moins phonétique. »


  • Dans la discussion pour la conjugaison conforme de vêtir (vêtissez-vous ou vêtez-vous), le calembour devient formel : il ne s'agit pas d'associer deux signifiés différents par le biais de signifiants proches, mais, au contraire, par celui de la forme admise contre la forme réputée fautive, de départager des niveaux de connaissance et des couches sociales plus ou moins éloignées et irréconciliables.

Journaux et humoristes

Certaines publications, comme Libération, L'Équipe ou 20 minutes, ainsi que certaines bandes dessinées comme Iznogoud ou Astérix se sont fait une spécialité de truffer leurs pages de calembours, pour le plus grand bonheur de leurs lecteurs, et pour la plus grande peine des traducteurs.

Le Canard enchaîné s'est particulièrement illustré dans le genre, grâce au journaliste Jean-Paul Grousset, spécialiste du cinéma et auteur[14] d'un nombre considérable de calembours (notamment dans ses manchettes). Pierre Dac, Raymond Devos, Pierre Desproges, Coluche, Laurent Ruquier, Sol, François Pérusse, Boby Lapointe et, plus récemment Noir Désir, Sttellla, Gérald Genty, Vincent Roca sont parmi les calembouristes les plus productifs.

Kakemphaton

On parle aussi de kakemphaton, synonyme plus noble, qui inclut le calembour involontaire. L'exemple suivant est souvent cité comme involontaire, à tort ou à raison, si l'on choisit de nier à Corneille sa virtuosité et son sens de l'humour.

« Vous me connoissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule[15]. »

 Pierre Corneille, Polyeucte, I, 1, v.41-42

Bibliographie

  • Marquis de Bièvre (1747-1789), Calembours, et autres jeux sur les mots d'esprit[8], Payot et Rivages, 2000 ; et rééd.
    Contient l'article « Kalembour » du Supplément à l'Encyclopédie de 1777[7].

Notes et références

  1. « Quand le français s’amuse avec ses... maux : calembours, holorimes, contrepèteries et tutti quanti - Publifarum », sur www.farum.it (consulté le )
  2. Voir Le livre Zeimert, peintre calembourgeois par auteur Gérald Gassiot-Talabot (Editions Hachette 1973)
  3. Mention sur www.sudouest.fr de la Calembourgeoisie bordelaise
  4. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Calembour » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  5. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Calembredaine » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  6. Voir entre autres Ferdinand Brunot, t. 6, 2, p. 1315.
  7. Marquis de Bièvre, « Kalembour », Supplément à l'Encyclopédie, 1777.
  8. Fiche de l'ouvrage : Marquis De Bièvre, Calembours, et autres jeux sur les mots d'esprit, sur le site de l'éditeur, Payot et Rivages.
  9. « www.oomark.com - Quartier latin : � Comte de Kahlenberg �. Cet ambassadeur d'Allemagne � Versailles est � l'origine du mot calembour. Vrai ou faux ? », sur www.oomark.com (consulté le )
  10. « CVC. Foros », sur cvc.cervantes.es (consulté le )
  11. Marcel De Grève, Calembour. In : Dictionnaire international des termes littéraires, Association internationale de littérature comparée, Provo (Utah, États-Unis).
  12. « Répétition | BD style » (consulté le )
  13. Marc Décimo, Jean-Pierre Brisset, Prince des penseurs, Inventeur, grammairien et prophète, Les presses du réel, 2001.
  14. Voir son œuvre : Si t'es gai, ris donc ! (Julliard, 1963), Mettez les voiles. (avec la coll. de Michel Claude, Julliard, 1965), Les perles du « Canard » recueillies par Jean-Paul Grousset. (Canard de Poche, Éditions du Canard enchaîné, 1967).
  15. Quand les fesses reculent. Rien ne démontre que le calembour fût involontaire dans l'esprit de l'auteur. Cf. le texte de la pièce en ligne sur Gallica.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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