Alter Mojsze Goldman

Alter Mojsze Goldman[1], né le à Lublin et mort en , est un émigré juif polonais devenu résistant français. Décoré de la légion d'honneur un mois avant sa mort[2], il est le père de quatre enfants dont Pierre Goldman, Robert Goldman et Jean-Jacques Goldman.

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Biographie

Alter Mojsze Goldman naît à Lublin, et devient orphelin de père à l'âge de 6 mois. À 15 ans, alors qu'il revendique déjà 4 ans d'appartenance à la branche communiste du Bund, il quitte la Pologne en raison des discriminations antisémites auxquelles il refuse d'être soumis.

Il travaille 6 mois en Allemagne où il tente de manifester violemment lors de l'affaire Sacco et Vanzetti. Dissuadé de le faire par le parti communiste allemand, et ayant appris que des manifestations avaient lieu en France[3], pays symbolisant à ses yeux la liberté en raison de la Révolution française, il s'y rend la même année. Refusant de continuer à endosser le métier de tailleur trop connoté « métier de Juifs », il aspire à devenir prolétaire[4] et travaille dans des mines de plomb[5] à Trémuson en Bretagne pendant une année[6],[4],[7], avant d'être ouvrier mécanicien dans un atelier de confection en région parisienne[4]. Il est membre du YASC (Yiddish Athletic Sporting Club), un club communautaire rattaché au parti communiste[8]. Il demande sa naturalisation et s'enrôle dans l'armée en 1930 au sein des Chasseurs d'Afrique[4].

En 1936, il est à Barcelone pour participer aux olympiades alternatives, avec les membres de son équipe de basket-ball du Yasc. Franco ayant pris le pouvoir la même semaine, Léon Blum incite les athlètes français à regagner le pays. Alors que plusieurs de ses camarades s'engagent dans les brigades internationales, Alter Goldman hésite avant de refuser de les suivre, ayant gardé en mémoires les procès de Moscou de 1936-1938 qu'il a trouvés très injustes, et ne comprenant pas pourquoi il devrait haïr des hommes qu'il a admirés[7],[4].

Il est mobilisé en 1939 et démobilisé en 1940. Il rejoint alors dans la Zone libre un réseau de résistance juive qui commence tout juste à s'organiser, au sein des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée[4]. Il y est chargé du travail militaire et de l'organisation de groupes de combat[4]. Ces deux mêmes années, en 1942 et 1943, son dossier est étudié à deux reprises par la commission de révision des naturalisations mise en place par le Régime de Vichy, qui prive plus de 15 000 français récemment naturalisés de toute nationalité, sans possibilité de se défendre. Il échappe au statut d'apatride grâce à un passé peu bruyant et un commentaire dans son dossier faisant mention de ses blessures au combat, d'une citation et d'une période de captivité[7]. Il participe en tant que chef des commandos à la libération de Villeurbanne lors de l'insurrection de 1944[3].

Durant la même période, il fait connaissance de Janine Sochaczewska[9], elle aussi émigrée juive polonaise engagée dans la résistance française, et farouchement communiste. Elle tient à avoir un enfant pendant cette période de guerre, et elle accouche en 1944 sous une fausse identité de leur fils commun, Pierre. Elle rejoint la région grenobloise dont elle est nommée chef du réseau de la résistance, et confie son fils à des nourrices pour mener à bien ses activités.

À la Libération, le couple se retrouve et s'installe à Paris, mais rapidement se déchire. Quand en 1947 celle qu'on a appelée « la Pasionaria juive » décide de rentrer en Pologne et d'y emmener Pierre, Alter s'y oppose violemment, refusant que son fils soit élevé dans un pays qu'il juge désormais « fasciste et antisémite ». Il l'enlève donc et le confie à sa sœur[4],[7].

En 1949, il épouse Ruth Ambrunn, une émigrée allemande juive de treize ans sa cadette. Ils habitent avenue Gambetta dans le XXe arrondissement de Paris avec Pierre, qu'ils ont récupéré. Ruth Goldman abandonne son emploi dans une jardinière d'enfants pour tenir avec son mari le magasin familial d'articles de sports, et se consacrer à ses enfants : Pierre mais aussi Evelyne, née en 1950, Jean-Jacques, né en 1951 et Robert né en 1953. En 1954, ils emménagent dans un pavillon à Montrouge, et la même année Alter Goldman rompt définitivement avec le parti communiste, indigné qu'il ait refusé de condamner le stalinisme lors du complot des blouses blanches[7].

Par la suite, il cesse toute activité politique pour se consacrer à son commerce et à sa famille, qui est très affectée en 1970 par les accusations de meurtre portées contre Pierre et par sa condamnation à perpétuité en 1974, alors qu'Alter Goldman est convaincu de son innocence, puis en 1979 lorsqu'il est assassiné.

Alter Goldman meurt en 1988, quelques semaines après avoir reçu la Légion d'honneur en reconnaissance de ses activités durant la résistance, sur lesquelles il s'est montré discret toute sa vie.

Bibliographie

  • Eric Le Bourhis, Le mystère Goldman - Portrait d'un homme très discret, Prisma, , 196 p. (ISBN 9782810413614, lire en ligne)

Références

  1. Aussi orthographié Alter Moshe Goldman ou Alter Mojze Goldman
  2. November 19: Alter Mojze Goldman and the French Resistance sur jewishcurrents.org
  3. « Je vis avec la mort et la trahison en essayant de me garder de l’une et de l’autre. »,entretien de Nicolas Morrito avec Sorj Chalandon, CQFD, no 115, octobre 2013
  4. (en) The Goldman Affair 1976 - Interview With Alter Goldman by Wladimir Rabi. (traduction en anglais d'une interview parue dans Les Temps Modernes, no 353, décembre 1976, sur Marxists.org lire en ligne
  5. Alter Goldman, lui, parle de mines de fer et d'argent
  6. Jean-Jacques Goldman refuse qu'une école porte le nom de son père sur franceinfo.fr, 7 juin 2012
  7. Le Bourhis 2014
  8. Nicolas Kriss, « Le réseau Sport libre et la persécution des sportifs juifs sous l'Occupation. La Résistance face à l'antisémitisme d'État dans le sport. », dans Georges Bensoussan, Paul Dietschy, Caroline François, Hubert Strouk, Sport, corps et sociétés de masse: Le projet d'un homme nouveau, Armand Colin / Recherches, (ISBN 9782200283551, lire en ligne)
  9. De son vrai nom Janka Sochaczewska, celle-ci, née en 1910 à Lodz est la fille d'une famille ultra-orthodoxe contre qui elle s'est rebellée après que son père ait été assassiné par les Nazis- cf. « Lectures : Myriam Anissimov, Vie et mort de Samuel Rosowski », Archives Juives 2/2007 (Vol. 40) , p. 145-151 lire en ligne.
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