Alfred Heurtaux

Alfred Marie Joseph Heurtaux, également orthographié Heurteaux[Note 1], né le à Nantes (Loire-Atlantique) et mort le à Chantilly (Oise), est un militaire, député et résistant français.

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 Alfred Heurtaux

Nom de naissance Alfred Marie Joseph Heurtaux
Naissance
Nantes (France)
Décès  92 ans)
Chantilly (France)
Origine France
Arme Armée de l'air
Armée de Terre
Grade Général de brigade
Années de service 19121945
Commandement Escadrille des Cigognes
Réseau Hector
Conflits Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Faits d'armes As de l'aviation
(21 victoires homologuées)
Déporté résistant
Distinctions Grand-croix de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération
Croix de guerre 1914-1918
Croix de guerre 1939-1945
Chevalier de l'ordre de Léopold

Pilote d'exception au cours de la Première Guerre mondiale, député de Seine-et-Oise durant l'entre-deux-guerres, il s'engage dans la Résistance après la défaite de 1940 et crée le réseau Hector aux côtés de Jacques Arthuys. Arrêté en , il est d'abord détenu à Fresnes, puis séjourne plusieurs mois dans différentes prisons en Allemagne avant d'être conduit au camp de Buchenwald en 1945. Il est fait compagnon de la Libération la même année.

Biographie

Première Guerre mondiale

Né le à Nantes, il est fils d'un officier d'artillerie[1], polytechnicien (son frère Louis sera aussi polytechnicien[Note 2]). Après des études au lycée Saint-François-Xavier de Vannes, il intègre l'École spéciale militaire de Saint-Cyr en , en sortant au sein de la promotion de Montmirail. À la mobilisation d'août 1914, il rejoint le 9e régiment de hussards à Chambéry[1] avec le grade de sous-lieutenant. Son attitude au combat, où il est blessé d'un coup de lance par un uhlan allemand[1], lui vaut sa première citation dès le .

"Le Lt Heurtaux en arrivant au col, trouve le peloton Ganier, qui vient de perdre son chef [...]. Il prend le commandement du peloton et comme notre infanterie pliait, laissant en danger une batterie d'artillerie , il porta son peloton au combat à pied dans les tranchées abandonnées, l'y maintient jusqu'au départ de la batterie d'artillerie soutenant le combat jusqu'à 150 mètres de l'infanterie allemande." - Journal de Marche du 9e régiment de hussards [2]

Il demande sa mutation dans la toute naissante aviation militaire et est muté le pour un stage de formation à Pau[1]. Puis il devient observateur à l'escadrille MS 26 avant d'être breveté pilote le . Il est d'abord affecté à l'escadrille N38 qui vole sur « bébé » Nieuport. Il obtient sa première victoire aérienne dès le mois suivant, le [1]. Affecté à l'escadrille des Cigognes (N3 puis SPA3) le , il devient un des plus redoutables pilotes de chasse de cette formation d'élite qui compte également dans ses rangs Guynemer et Fonck. Il en prend le commandement le alors qu'il n'est que lieutenant[1]. Aux commandes d'un Nieuport 16 équipé de deux mitrailleuses Lewis dont une tirant à travers l'hélice, il passe ensuite sur Nieuport 17 et SPAD VII. Il va totaliser un palmarès de 21 victoires homologuées et 13 probables, ce qui le classe parmi les principaux as de l'aviation français. C'est lui qui abat, le , au-dessus de Villers-Carbonnel, l'as allemand Kurt Wintgens (18 victoires homologuées). Le général Lyautey, venu inspecter la N3, s'étonne de voir cinq capitaines commandés par un lieutenant. Le capitaine d'Harcourt, qui commande par intérim le groupe des Cigognes, lui explique que ses talents d'as assurent à Heurtaux une autorité que nul ne songe à lui contester[réf. nécessaire]. Blessé à deux reprises (le à la main et à la jambe puis, plus gravement, le [1] de la même année à la cuisse gauche), il doit quitter son escadrille et le Front jusqu'à la fin de la guerre[1]. Ses prouesses lui valent d'engranger les récompenses : fait chevalier de la légion d'honneur en 1916 puis officier du même ordre en 1917, il orne sa Croix de guerre 1914-1918 de pas moins de 15 citations.

"Officier d'élite. D'abord cavalier d'une éclatante bravoure, est devenu un pilote de chasse d'une habileté et d'un sang-froid incomparables se battant depuis trois ans avec la même joie et le même culte du devoir. Garde au milieu des plus périlleuses attaques, le calme le plus étonnant et d'une audace splendide et donne un magnifique exemple de dévouement à la patrie. Blessé, le 5 mai 1917, en attaquant seul neuf avions de chasse ennemis, a été à nouveau gravement atteint, le 3 septembre 1917, au cours d'un dur combat. A abattu vingt et un appareils allemands. Quinze fois cité à l'ordre. Chevalier de la Légion d'Honneur pour faits de guerre." - Citation à l'ordre de l'armée au Cne Alfred Heurtaux, en date du 22 octobre 1917 [3]

L'entre-deux guerres

Alfred Heurtaux
Fonctions
Député 1919-1924
Gouvernement IIIe République
Groupe politique RG
Biographie
Date de naissance
Date de décès
Résidence Seine-et-Oise

Quittant l'armée dès 1919 avec le grade de capitaine en raison de ses blessures, Heurtaux se fait élire, à 26 ans, à la Chambre des députés[1] (la « Chambre Bleu Horizon ») et siège comme député de Seine-et-Oise sous l'étiquette des Républicains de gauche (réunie derrière Clemenceau)[4], affiliés à l'Alliance démocratique (France) du au [Note 3]. Il ne se représente pas lors des élections suivantes[4] et entre alors dans l'industrie automobile et exerce des fonctions de direction chez Ford aux États-Unis[1], puis chez General Motors en Europe, et enfin chez Renault en France.

Patriote fervent, il milite au sein du mouvement Ancien combattant et préside l'Association nationale des As de 14-18[1] puis, de 1934 à 1937 de l'Association des officiers de réserve de l'Armée de l'Air[1]. Resté actif dans la réserve, il y obtient le grade de commandant en 1931[1] puis de lieutenant-colonel en 1935. Il est fait commandeur de la Légion d'Honneur en 1936. Réintégré dans l'armée active à cette époque au Grand quartier général de l'Air[1], il est employé comme inspecteur de l'aviation de chasse.

Nationaliste proche des milieux activistes de la droite extrême des années trente sur le plan idéologique, l'ancien as fréquente Eugène Deloncle et, selon certaines supputations[évasif], aurait pu faire partie du comité dirigeant de la Cagoule.

Seconde Guerre mondiale

Démobilisé après la défaite de 1940, Alfred Heurtaux se situe dans la mouvance des vichystes patriotes et anti-allemands. Il est proche des colonels Paillole, Loustaunau-Lacau et Groussard. La loi du créant la Légion française des combattants en fait l'un des principaux membres des instances centrales de ce mouvement dont il occupe la vice-présidence (Air)[1].

Mais il s'engage très vite dans la résistance active par la voie du renseignement. Il organise le SR Air clandestin en zone occupée et constitue, grâce à ses contacts dans le milieu des militaires démobilisés et des anciens combattants, une organisation baptisée après la guerre réseau Hector. Il y recrute notamment, en , le jeune Jacques Chaban-Delmas. Rattaché aux Services spéciaux de l'armée d'Armistice sous l'autorité de Paillole, ce réseau intégrera par la suite l'OCM[1]. Mais son premier chef est vite repéré par les Allemands. Interpellé une première fois en mars 1941, Heurtaux est à nouveau arrêté le [1]. D'abord détenu à Fresnes, il est transféré en Allemagne où il séjourne 37 mois dans différentes prisons (Düsseldorf, Hanovre, Berlin et Potsdam). Il est finalement conduit le au camp de concentration de Buchenwald, où les Alliés le libèrent le suivant[1]. Même dans les conditions inhumaines de Buchenwald, il conserve la dignité d'un chef et d'un héros de guerre. Ainsi, Maurice Braun (1906-2001), un officier de réserve de l'Armée de l'air et résistant de la première heure, a témoigné qu'un soir, lors d'un interminable appel dans la nuit et sous la neige, Heurtaux l'empêche de s'évanouir et se coucher dans la neige, ce qui signifiait la mort[5].

L'après-guerre

À son retour de déportation, promu rétroactivement colonel de réserve à compter de 1942, Alfred Heurtaux est affecté en service actif à la Mission militaire pour les affaires allemandes le [1] et promu général de brigade aérienne en décembre suivant[1]. Membre de l'ordre de la Francisque, il est fait compagnon de la Libération par décret du  ; il est le seul titulaire de ces deux décorations conjointes[6]. Rendu à la vie civile, il devient ingénieur-conseil[1].

Il est élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur[1] le [réf. souhaitée].

Décès

Il meurt le à Chantilly (Oise)[1],[4] et est inhumé à Paris dans le cimetière des Batignolles (31e division)[1].

Distinctions

Ruban Décoration
Grand-croix de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération
Croix de guerre 1914-1918 (17 citations)
Croix de guerre 1939-1945 (3 citations)
Chevalier de l'ordre de Léopold (Belgique)

Notes et références

Notes

  1. Même si son patronyme apparaît souvent sous la forme Heurtaux, l'orthographe retenue ici est celle que l'on retrouve sur sa fiche d'aviateur de la Première Guerre mondiale numérisée sur le site Mémoire des Hommes et celle qu'a retenue l'Assemblée nationale, sur la base des pièces d'état-civil déposées par le député durant son mandat. L'orthographe de son patronyme sur les clichés d'époque confirme cette graphie comme le montre ce cliché de guerre.
  2. Son père, Alfred Marie Joseph Charles Henri (1863-1954), chef d'escadron d'artillerie, et son frère Louis Marie Joseph (1896-1945), ingénieur aux usines Renault.
  3. Le bref passage au poste de sous-secrétaire d'État à l'Aéronautique que certaines sources lui imputent durant ce mandat n'est confirmé par aucune des listes ministérielles de l'époque. Sa jeunesse, son inexpérience administrative et son défaut de stature politique rendent d'ailleurs cette éventualité très douteuse sur le plan technique. D'autres sources indiquent qu'après avoir quitté le front, blessé, il serait rentré dans le cabinet de Jacques-Louis Dumesnil, sous-secrétaire d'État à l'Aéronautique dans les gouvernements Painlevé (1917) et Clemenceau (1917-1920) jusqu'aux élections législatives de 1919.

Références

  1. Alfred Heurtaux sur le site de l'ordre de la Libération.
  2. « Visionneuse - Mémoire des Hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
  3. « Alfred Heurtaux », sur albindenis.free.fr (consulté le )
  4. Biographie sur le site de l'Assemblée nationale.
  5. Maurice Braun, « Un as des as à Buchenwald », Le piège, no 221, , p. 21 (lire en ligne).
  6. Paul Yonnet, François Mitterrand : le phénix, Paris, Bernard de Fallois, , 173 p. (ISBN 978-2-87706-457-6), p. 96.

Voir aussi

Monographie

  • « Alfred Heurtaux », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960
  • Christian J. Ehrengardt, Alfred Heurteaux, un lieutenant commandant d'escadrille, in Connaissance de l'histoire mensuel no 48, , éditions Hachette, page 65

Articles connexes

Liens externes

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