Alexandre Stavisky

Serge Alexandre Stavisky, né dans le village de Slobodka dans le gouvernement de Kiev en Ukraine, qui faisait partie de l'Empire russe, le et mort à Chamonix le à 47 ans, est un financier français d'origine russe coupable de détournement de fonds dont le nom reste associé à l'affaire Stavisky.

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Biographie

Les visages d'Alexandre Stavisky : à gauche, une photographie d'anthropométrie judiciaire où il a l'apparence sous laquelle il est le plus connu ; à droite, le visage composé pour se dissimuler et brouiller les pistes vers 1926.
« La belle Arlette », épouse d'Alexandre Stavisky.

Il arrive en France avec sa famille à l'âge de 12 ans. Son père Emmanuel, russe juif, est chirurgien-dentiste à Paris, et gagne bien sa vie[1]. Il fait ensuite une scolarité incomplète au lycée Condorcet[2], avant d'être naturalisé français en 1910. Séducteur et beau parleur (on le surnomme « le beau Sacha »), il devient rapidement un escroc professionnel. Dès sa jeunesse, il vole les prothèses en or de son père, pour les revendre à des receleurs du Marais.

En 1912, il devient directeur estival des Folies Marigny grâce à son grand-père Abraham, qui remarque que le théâtre n'ouvre que l'hiver, recrutant par petites annonces des concessionnaires (pour la publicité, la buvette) et leur demandant d'avancer la somme nécessaire pour faire démarrer l'entreprise. Il s'en va avec la caisse dès les premiers spectacles[3].

Alexandre Stavisky est impliqué dans plusieurs affaires de fraudes et délits (falsifications de chèques, ventes de produits qui n'existent pas, salles de jeux clandestines avec sa maîtresse Jane Darcy[4], trafic de drogue avec la Turquie, arnaques aux bons du trésor). Emmanuel Stavisky, incapable d'indemniser les victimes de son fils, se donne la mort[5]. Alexandre Stavisky est arrêté en 1926 à Marly-le-Roi pour vol d'actions sur deux agents de change. Il a été dénoncé par son ancien compère, l'aventurier Jean Galmot. Il écope de dix-huit mois d'incarcération à la prison de la Santé. Mais il est vite libéré pour raisons de santé (ayant réussi là encore à duper son monde par un faux certificat médical établi par un médecin de complaisance) contre une caution de 50 000 francs, fin 1927. Son procès est constamment repoussé et n'a jamais lieu, ce qui alimente la rumeur des hautes protections dont il aurait pu bénéficier[6]. Il épouse alors Arlette Simon, mannequin chez Chanel, se refait une respectabilité en emménageant à l'hôtel Claridge (74 avenue des Champs-Élysées) et ouvrant un commerce de joaillerie fantaisie[7]. « Monsieur Alexandre » mène grande vie, devient propriétaire du théâtre de l'Empire et investit dans des journaux politiques, fréquente les salons mondains et se forge de solides relations politiques[6].

Les affaires de Stavisky prennent un essor spectaculaire avec les crédits municipaux qui fonctionnent selon un système de Ponzi. Il réussit à Orléans, parvenant avec des complicités à émettre plus de 30 millions de bons, puis quand l'Inspection des finances s'en alerte, il se tourne vers le nouveau crédit municipal de Bayonne[1]. Malgré ses appuis dans les milieux économiques et parmi les hommes politiques, il se compromet définitivement avec l’affaire des bons de Bayonne, où il réussit à détourner, sous le nom de Serge Alexandre, plus de 200 millions de francs au détriment du Crédit municipal de Bayonne avec la complicité du député-maire de la ville, Joseph Garat.

Les malversations sont découvertes à la fin de l'année 1933. Recherché, Stavisky prend la fuite. Le , il arrive au village de Servoz, à la « villa des Argentières », mais en part trois jours plus tard pour louer, près de Chamonix, un chalet appelé « le Vieux logis ». Les policiers le traquent. Quand ils entrent dans la résidence, le , des coups de feu retentissent. Ils trouvent Stavisky agonisant, atteint de deux balles dans la tête. Transporté à l'hôpital local, il meurt le lendemain au petit-matin. Il se serait suicidé, bien que cette hypothèse (qui a la faveur de l'historien Paul Jankowski[8]) soit généralement rejetée car il est presque impossible de se suicider en se tirant deux balles dans la tête. Cet événement sera extrêmement médiatisé[9]. Les milieux de droite exploitent l'affaire afin de critiquer le gouvernement de Camille Chautemps, ce qui donne lieu à une crise politique majeure. Cette crise, désormais connue sous le nom d'affaire Stavisky, fait tomber le gouvernement et déclenche des émeutes.

Alexandre Stavisky est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (94e division)[10].

Postérité

Sa femme Arlette émigre après la mort de son mari aux États-Unis avec sa fille Micheline (née en 1930). Elle y devient danseuse de revue. Après trois ans, elle revient en France et travaille comme couturière au 269 de la rue Saint-Honoré. En 1946, elle épouse un militaire américain, le capitaine Russel T. Cook, et le rejoint à Porto Rico à nouveau avec Micheline[11]. Née en 1903, elle meurt en 1988[12].

Leur fils Claude (1926-2006) fait de nombreux séjours en hôpital psychiatrique et poursuit une carrière de prestidigitateur[13]. En 1995, il écrit un livre intitulé Stavisky était mon père[14].

Dans la culture populaire

Cette affaire a fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques :

Notes et références

  1. Clément Mesdon, « L'affaire Stavisky », La Nouvelle Revue d'histoire, n°81 de novembre - décembre 2015, p. 54-57.
  2. Pierre Albertini, « Les juifs du lycée Condorcet dans la tourmente », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, n°92, 2006/4, p. 81-100.
  3. Edouard Leduc, Une Affaire d'État : le Dossier Stavisky, Publibook, (lire en ligne), p. 21.
  4. Jeanne Bloch née Dreyfus est une chanteuse en vogue à la Belle Époque.
  5. Franck Ferrand, « Le dossier Stavisky », émission Au cœur de l'histoire, 6 février 2012.
  6. Christian Delporte, La IIIe République de Poincaré à Paul Reynaud, Pygmalion 1998, p. 262-263.
  7. Denis Bon, L'affaire Stavisky, Ed. De Vecchi, 2006.
  8. (en) Paul Jankowski, Stavisky : A confidence man in the republic of virtue, Ithaca, Cornell Univ Pr, , 326 p. (ISBN 978-0-8014-3959-9, notice BnF no FRBNF38961592), p. 326.
  9. Le Canard enchaîné publie ironiquement « Stavisky se suicide d'un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant ».
  10. Paul Bauer, Deux siècles d'histoire au Père Lachaise, Mémoire et Documents, (ISBN 978-2914611480), p. 730
  11. us warbrides.
  12. Jean-Paul Morel, « L'affaire Stavisky », Bibliothèque Zoummeroff, (consulté le ).
  13. http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=53192
  14. Stavisky était mon père, Paris, Editions no 1, 1995. In-8° broché, 311 pages. Illustrations noir et couleurs en hors-texte.

Bibliographie

  • Brigitte et Gilles Delluc, « Jean Galmot, sycophante », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 134, 2007, p. 597-608.
  • Paul Jankowski (trad. Patrick Hersant), Cette vilaine affaire Stavisky : histoire d'un scandale politique [« Stavisky : A Confidence Man in the Republic of Virtue »], Paris, Fayard, , 467 p. (ISBN 2-213-60645-5, présentation en ligne).
  • Paul Lenglois, Vie et mort de Stavisky, Denoël et Steele, 1934.
  • Jean-Michel Charlier, Marcel Montarron, Stavisky, Les secrets du scandale, Paris, réédition Éditions Atlantica 2017, 504 p.

Liens externes

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