Agence publique

Une agence publique est un démembrement de l'État (une entité publique autonome) chargé de la réalisation d'une mission d'intérêt général. Le terme agence publique peut désigner une multitude de statuts publics, privés ou mixtes.

Bien que les missions des agences puissent être les mêmes que celles des administrations, leurs statuts sont différents. Ainsi une agence publique bénéficie d'une autonomie de gestion vis-à-vis de sa tutelle et d'une spécialisation de ses missions. En général, les agences publiques emploient du personnel de droit commun.

D'un point de vue organisationnel, l'administration classique est conçue autour d'un modèle d'intégration (mutualisation des moyens) lorsque l'agence publique renvoie plutôt à une logique de spécialisation.

La transformation des administrations en agences est une tendance forte de la nouvelle gestion publique.

Origines historiques

La paternité anglo-saxonne du recours aux agences dans l’organisation des institutions administratives, avec l'apparition de la nouvelle gouvernance publique, est discutée après les recherches de Johann Chapoutot, professeur d’histoire à l’Université de Paris 3-Sorbonne Nouvelle et à l’Institut Universitaire de France. En effet, dans un ouvrage consacré à la normativité juridique du IIIème Reich (La loi du sang, penser et agir en nazi, coll. Bibliothèque des histoires, Gallimard 2014), l’auteur indique que l’organisation administrative en agences chargées d’une politique publique précise est une invention de Reinhard Höhn, premier adjoint de Reinhard Heydrich, chef du Sicherheitsdienst (SD), service de renseignement de la SS. Entré au NSDAP en et dans la SS en 1934, après un début de carrière comme professeur de droit constitutionnel et administratif  à l'Université de Heidelberg, à l'Université Humboldt de Berlin puis à l'Université d'Iéna, l’oberführer Höhn était au SD le chef du premier bureau de l’Amt II chargée des questions d’administration et d’économie. Proche de Himmler, il faisait partie du cercle très restreint des décideurs SS de premier rang (C. Ingrao, Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS, Fayard 2010). Selon l'avocat et chercheur Olivier Poinsot, le recours aux Anstalten (agences) fut expérimenté pour les besoins de l'Aktion T4, afin de ne pas impliquer directement l'État nazi dans l'extermination des personnes handicapées[1].

Fonctionnement général

La tutelle fixe à l'agence publique des objectifs et des moyens. Le directeur de l'agence est alors chargé de la réalisation des objectifs à partir du budget qui lui a été alloué. Ce changement de gestion consacre le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats. Les agences sont spécialisées sur une ou plusieurs missions, à la différence des administrations qui en mènent plusieurs de front.

Par ailleurs, la mise en place d'agence s'accompagne souvent de réformes comptables (comptabilité d'engagement notamment) permettant de calculer le prix de revient des services rendus.

De nombreux pays ayant entamé une réforme de l'État ou une révision générale des politiques publiques ont transformé une partie de leur administration en agences. Ils (qui ?) considèrent que celle-ci gère mieux les politiques publiques que les administrations traditionnelles.

Leur mise en place s'accompagne souvent de suppressions d'emplois dans la fonction publique du fait des gains de productivité qu'elles génèrent (source ?), c'est pourquoi, en général, les syndicats de fonctionnaires s'opposent à leur mise en place.

Avantages des agences par rapport aux administrations

Pour Allen Schick (en)[2], le fonctionnement par agence permet aux administrations de s'affranchir d'un certain nombre de contraintes statutaires. Elles offrent par exemple la possibilité d'attribuer plus de pouvoir aux gestionnaires, d'échapper à des contraintes de gestion du personnel ou de jouer le rôle de fournisseur de service partagé entre plusieurs administrations.

Selon l'analyse d'Allen Schick[3], l'organisation administrative classique reflétait l'opinion dominante passée qui voulait que les organisations intégrées et encadrées soient plus efficaces que les unités fragmentées et autonomes. Toutefois, les réflexions actuelles sur les organisations intégrées poussent à penser que ce genre d'organisation manque d'initiative, est peu réactive et peu adaptée au changement. L'acquisition de l'autonomie par des entités administratives permet de les libérer du « carcan » ministériel et les agences développeraient une meilleure capacité d’adaptation et une plus grande réactivité.

Dans le monde

France

En France, il existe de nombreuses agences de l'État (ou assimilés) chargées de diverses missions. Certaines d'entre elles sont des organismes divers d'administration centrale qui sont sous tutelle d'un ou plusieurs ministères (en général des Etablissements publics administratifs - EPA). Viennent ensuite des EPIC - établissements publics à caractère industriel et commercial, placés sous tutelle d'un ou plusieurs ministères ou indépendants administrativement et "appartenant" à l'Agence des participations de l'Etat.

Le terme "d'agence" n'est pas juridiquement défini ; plusieurs statuts juridiques peuvent correspondre à des agences :

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques lancée par le gouvernement Fillon en 2007, il a été envisagé de transformer un certain nombre d'administration en agences et de les fusionner entre elles.

Le rapport achevé par l'inspection générale des finances (IGF) en , mais publié le , recense 1244 agences au total (p. 1). Ce rapport démontre que les agences ont été un « point de fuite » budgétaire, et sont utilisées pour contourner les restrictions budgétaires de l’État. Il dénonce par ailleurs leurs effectifs pléthoriques, l'absence de tutelle effective de l’État, s'interroge sur l'efficacité de certaines d'entre elles et sur la légitimité de la rémunération de leurs dirigeants. Dans ce cadre, il formule plusieurs recommandations visant à rationaliser l'usage des agences et à réaliser des économies[4].

Le rapport 2012 du Conseil d’État (Les agences : une nouvelle gestion publique?), postérieur à celui de l'inspection générale des finances, donne une définition plus restrictive des agences, et ne traite pas les entités qui ne rentrent pas dans les critères qu'elle a retenus. Ses constats et ses propositions sont néanmoins proches de celles de l'IGF[5].

Royaume-Uni

En 1998, le gouvernement britannique a mis en œuvre le plan Next Steps de réforme de son administration, largement inspiré des principes de la nouvelle gestion publique.

Au terme de cette réforme, en 2004, le Royaume-Uni comptait 127 agences employant plus de 50 % du personnel de la fonction publique. Les deux plus grosses agences britanniques sont l’agence pour l’emploi (Job Centre Plus) avec 90 000 employés et le service des prisons (HM Prison Centre) avec 42 000 employés.

Les agences britanniques ont eu pour objectif de réaliser des gains de productivité de 2,5 % par an (de 2004 à 2008).

Suède

Le gouvernement de la Suède, au terme d'une révision générale des politiques publiques, a créé environ 270 agences chargées de la réalisation des politiques publiques[6]. Environ 99 % du personnel de l'État suédois sont employés par des agences[7].

Les directeurs des agences sont nommés par le ministre chargé de l'agence et évalués par le parlement. Le ministre n'intervient pas dans la gestion quotidienne de l'agence. L'autonomie des agences est garantie par la constitution.

Articles connexes

Notes et références

Rapports

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