Éruption du Toba

L'éruption du Toba, aussi appelée éruption YTT[alpha 1], est une éruption volcanique survenue il y a environ 74 000 ans sur l'île de Sumatra (Indonésie). Avec un indice d'explosivité estimé à 8, elle serait la plus importante qu'ait connue notre planète au cours du Quaternaire, laissant derrière elle ce qui est considéré aujourd'hui comme le plus grand lac volcanique sur Terre.

Éruption du Toba

Modèle numérique de terrain de la caldeira du Toba, avec le lac en son centre.
Localisation
Pays Indonésie
Volcan Mont Toba
Dates 73,88 ± 0,32 ka BP[1]
Caractéristiques
Type d'éruption Ultraplinienne, apocalyptique
Volume émis ~2 000 à 6 000 km3 DRE[2]
Échelle VEI 8
Conséquences
Régions affectées global
Géolocalisation sur la carte : Indonésie
Géolocalisation sur la carte : Sumatra

Les quantités colossales d'éjecta et de gaz émises par ce super volcan produisirent un hiver volcanique de plusieurs années et purent avoir des effets directs et indirects sérieux sur le climat, la faune et la flore à l'échelle planétaire[3], dont l'importance et la durée font l'objet de nombreuses études.

Identification du volcan

La découverte de cette éruption est un cas classique de sérendipité. Durant les années 1990, Gregory Zielinki découvre lors de l'analyse de carottes de glace du projet GISP2 des concentrations anormalement élevées[4] de sulfate présentes dans des strates de ~74 ka BP, dont la persistance s'étend sur ~6 ans[5].

A la même époque Michael R. Rampino constate lors de l'étude de carottes de sédiments marins une chute abrupte des températures à une position dans les échantillons correspondant à 74 ± 3 ka BP.

John Westgate, un téphrochronologiste de Toronto, reçoit des échantillons de cendres du monde entier afin de les étudier. Il a dans ses tiroirs de nombreux échantillons provenant de régions relativement éloignées l'une de l'autre et semblant tous émaner d'une seule et même éruption. En 1994, Craig Chesner envoie à Westgate un échantillon de téphra d'un volcan indonésien qu'il étudie depuis plusieurs années, le mont Toba. La signature géochimique correspondant, Westgate peut enfin mettre un nom sur tout ces échantillons mystérieux et estime l'âge des cendres à 73 ± 5 ka BP.

Datation

Sortant du domaine d'utilisation du carbone 14, la datation d'un évènement aussi ancien n'est pas aisée. La meilleure estimation à ce jour, obtenue par datation argon-argon, est de 73,88 ± 0,32 ka BP[1].

Déroulement

Comparaison des volumes de magma émis lors de quelques éruptions majeures

Cette éruption explosive est la dernière et la plus importante des quatre éruptions qu'a connues ce volcan au cours du Quaternaire[6]. Cinq mille fois plus puissante que la bombe d'Hiroshima, l'explosion créa un boum supersonique surpuissant qui fit plusieurs fois le tour de la Terre[7].

Elle aurait duré une quinzaine d'heures au cours desquelles une colonne éruptive d'une hauteur estimée à ~40 km[8] aurait dispersé sur ~40 millions km2, soit environ trois fois la surface de la Russie, un minimum de mm de cendres (jusqu'à 600 m aux abords directs du volcan, où elles forment le youngest Toba tuff) avec un débit d'émission de ∼1,75 × 1011 kg/s[2]. La plupart des épaisses retombées de cendres se fera dans l'océan Indien, la mer de Chine méridionale et la mer d'Arabie.

La quantité totale de téphra émise est estimée aujourd'hui à ~8 600 km3, ce qui correspond à ~3 800 km3 DRE[3], revoyant à la hausse l'estimation précédente de Zielinski qui était de ~2 500 à 3 000 km3 DRE[5], et du fait que l'on découvre encore à ce jour de nouvelles cendres dans d'autres régions, il faudra probablement encore la revoir à la hausse[9].

(A) Comparaison entre la simulation et les données de terrain. (B) Simulation de la dispersion des cendres

Plus tard, le fond de la caldeira se soulèvera pour former l'île de Samosir : un soulèvement de 1 200 m en 74 ka (au rythme moyen de 4,9 cm/an pendant les 11 200 premières années, moins d'un cm/an ensuite).

Conséquences

Les conséquences de cette éruption font aujourd'hui l'objet d'études et de contre-études nombreuses, où les méthodes et la précision des datations sont au cœur des débats. Une théorie avancée depuis les années 1990 suggère un impact colossal sur la faune et la flore ayant amené à la quasi extinction nombre d'espèces, dont l'homme[10],[11],[3]. D'autre études récentes tendent par contre à les minimiser[12],[13],[14].

Aux abords directs du volcan, le paysage fut durablement altéré par les retombées pyroclastiques décimant tout sur leur passage, et ne se rétablira qu'en l'espace de 100 à 1 000 ans[2].

L'étude paléoclimatique des carottes de glace du Groenland (GISP2) suggère une corrélation entre l'éruption et le début d'une période de refroidissement global de ~1 000 ans[5], mais les modèles climatiques actuels infirment l'idée qu'une telle éruption puisse à elle seule déclencher une nouvelle glaciation[3].

Voir aussi

Notes et références

Notes

  1. Youngest Toba tuff (« tuf le plus récent de Toba ») est le nom du dépôt de téphras provenant de cette éruption.

Références

  1. M. Storey, R. G. Roberts et M. Saidin, « Astronomically calibrated 40Ar/39Ar age for the Toba supereruption and global synchronization of late Quaternary records », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 109, no 46, , p. 18684–18688 (ISSN 0027-8424, DOI 10.1073/pnas.1208178109)
  2. Antonio Costa, Victoria C. Smith, Giovanni Macedonio et Naomi E. Matthews, « The magnitude and impact of the Youngest Toba Tuff super-eruption », Frontiers in Earth Science, vol. 2, (ISSN 2296-6463, DOI 10.3389/feart.2014.00016)
  3. Alan Robock, Caspar M. Ammann, Luke Oman, Drew Shindell, Samuel Levis et Georgiy Stenchikov, « Did the Toba volcanic eruption of ∼74 ka B.P. produce widespread glaciation? », Journal of Geophysical Research, vol. 114, no D10, (ISSN 0148-0227, DOI 10.1029/2008JD011652)
  4. près de 40x la normale, soit une quantité de 2 000 à 4 000 Mt.
  5. G. A. Zielinski, P. A. Mayewski, L. D. Meeker, S. Whitlow, M. S. Twickler et K. Taylor, « Potential atmospheric impact of the Toba Mega-Eruption ∼71,000 years ago », Geophysical Research Letters, vol. 23, no 8, , p. 837–840 (ISSN 0094-8276, DOI 10.1029/96GL00706)
  6. Craig A Chesner et William I Rose, « Stratigraphy of the Toba Tuffs and the evolution of the Toba Caldera Complex, Sumatra, Indonesia », Bulletin of Volcanology, vol. 53, no 5, , p. 343–356 (ISSN 0258-8900, DOI 10.1007/BF00280226)
  7. Par comparaison, l'éruption du Krakatoa en 1883 créa un boum audible à 8 000 km qui fit sept fois le tour de la planète.
  8. Naomi E. Matthews, Victoria C. Smith, Antonio Costa, Adam J. Durant, David M. Pyle et Nicholas J.G. Pearce, « Ultra-distal tephra deposits from super-eruptions: Examples from Toba, Indonesia and Taupo Volcanic Zone, New Zealand », Quaternary International, vol. 258, , p. 54–79 (ISSN 1040-6182, DOI 10.1016/j.quaint.2011.07.010)
  9. Martin A.J. Williams, Stanley H. Ambrose, Sander van der Kaars, Carsten Ruehlemann, Umesh Chattopadhyaya, Jagannath Pal et Parth R. Chauhan, « Reply to the comment on “Environmental impact of the 73ka Toba super-eruption in South Asia” by M. A. J. Williams, S. H. Ambrose, S. van der Kaars, C. Ruehlemann, U. Chattopadhyaya, J. Pal, P. R. Chauhan [Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 284 (2009) 295–314] », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, vol. 296, nos 1-2, , p. 204–211 (ISSN 0031-0182, DOI 10.1016/j.palaeo.2010.05.043)
  10. Prothero, Donald R.,, When Humans Nearly Vanished : The Catastrophic Explosion of the Toba Volcano, , 208 p. (ISBN 978-1-58834-635-3 et 1588346358, OCLC 1020313538, lire en ligne)
  11. (en) Stanley H. Ambrose, « Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans », Journal of Human Evolution, vol. 34, no 6, , p. 623–651 (DOI 10.1006/jhev.1998.0219, lire en ligne, consulté le )
  12. Chad L. Yost, Lily J. Jackson, Jeffery R. Stone et Andrew S. Cohen, « Subdecadal phytolith and charcoal records from Lake Malawi, East Africa imply minimal effects on human evolution from the ∼74 ka Toba supereruption », Journal of Human Evolution, vol. 116, , p. 75–94 (ISSN 0047-2484, DOI 10.1016/j.jhevol.2017.11.005)
  13. Eugene I. Smith, Zenobia Jacobs, Racheal Johnsen, Minghua Ren, Erich C. Fisher, Simen Oestmo, Jayne Wilkins, Jacob A. Harris, Panagiotis Karkanas, Shelby Fitch, Amber Ciravolo, Deborah Keenan, Naomi Cleghorn, Christine S. Lane, Thalassa Matthews et Curtis W. Marean, « Humans thrived in South Africa through the Toba eruption about 74,000 years ago », Nature, vol. 555, no 7697, , p. 511–515 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/nature25967)
  14. M. Petraglia, R. Korisettar, N. Boivin, C. Clarkson, P. Ditchfield, S. Jones, J. Koshy, M. M. Lahr, C. Oppenheimer, D. Pyle, R. Roberts, J.-L. Schwenninger, L. Arnold et K. White, « Middle Paleolithic Assemblages from the Indian Subcontinent Before and After the Toba Super-Eruption », Science, vol. 317, no 5834, , p. 114–116 (ISSN 0036-8075, DOI 10.1126/science.1141564)
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