Caldeira

Une caldeira, ou caldera, est une vaste dépression circulaire ou elliptique, généralement d'ordre kilométrique, souvent à fond plat, située au cœur de certains grands édifices volcaniques et résultant d'une éruption qui vide la chambre magmatique sous-jacente[1]. En exogéologie, les caldeiras sont généralement identifiées comme paterae, telles que Sappho Patera sur Vénus, Apollinaris Patera sur Mars, Loki Patera sur le satellite Io de Jupiter, ou encore Leviathan Patera sur le satellite Triton de Neptune.

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Image satellite de la caldeira de Santorin en Grèce.

Étymologie

« Caldeira » provient du portugais caldeirão qui provient lui-même du latin caldaria et qui signifie en français « chaudron ».

Caldera est un terme espagnol qui signifie « chaudière »[2].

En français, les deux graphies, « caldeira » et « caldera », sont autorisées.

Caractéristiques

Il s'agit d'un terme géomorphologique ou géologique concernant une forme de destruction par l'activité volcanique elle-même.

Cette dépression est limitée par une falaise verticale circulaire ou elliptique. La falaise (ring fault en anglais, ou « faille en anneau »), qui confère à la caldeira sa structure impressionnante, peut atteindre plusieurs centaines de mètres de hauteur. La taille des caldeiras peut varier de quelques kilomètres de diamètre, comme celle du volcan Pinatubo dans les Philippines (2,5 km de diamètre) à une centaine de kilomètres de diamètre, comme celle du lac Toba sur l’île de Sumatra (80 × 30 km) (Lipman, 2000) ou encore celle d'Olympus Mons, le plus grand volcan martien (80 × 60 km). Morphologiquement, la ressemblance avec un énorme chaudron peu profond est frappante.

Une caldeira n’a pas la même morphologie qu'un cratère, ni la même cause. Le cratère est une dépression en forme d’entonnoir, de taille réduite, et résultant de l’action combinée et simultanée de l’éjection du magma à partir d’une cheminée volcanique et de la retombée de ce même magma tout autour de ce point central.

De nombreuses caldeiras se remplissent d'eau en captant des rivières ou en recueillant l'eau de pluie et forment ainsi des lacs comme celui de Crater Lake (États-Unis) ou de l'Askja (Islande). D'autres sont partiellement ouvertes sur la mer et forment des baies ou des golfes comme à Santorin (Grèce), à Rabaul (Papouasie-Nouvelle-Guinée), à Krakatoa (Indonésie) aux Champs Phlégréens (Italie), etc.

Certaines permettent le peuplement humain, comme le Chã das Caldeiras (île de Fogo au Cap-Vert) et les trois cirques du massif du Piton des Neiges (ile de la Réunion).

Histoire

Parmi les grandes caldeiras préhistoriques et historiques on peut citer :

Plus récemment il s'est formé sept caldeiras en une centaine d'années, moins imposantes[3] :

Formation

Vidange de la chambre magmatique

Caldeira de Sete Cidades aux Açores.

Le modèle classique de formation d’une caldeira est intimement lié à une éruption volcanique. La chambre magmatique située à quelques kilomètres de profondeur peut, à l’occasion de grandes éruptions, se vider partiellement, ou même en totalité. Le toit rigide de la chambre magmatique, c’est-à-dire le sommet du volcan, s’effondre alors dans celle-ci, formant cette vaste dépression à fond plat[4]. L’effondrement se produit après la formation de la faille en anneau (ring fault en anglais). Selon le modèle en piston (piston model en anglais), le toit de la chambre s’effondre le long de cette faille circulaire, tel un disque plus ou moins cohérent. L'une des caractéristiques de ce modèle est que l'effondrement est instantané et se produit en quelques heures. Il s'agit d'un événement cataclysmique de grande ampleur.

Ce modèle marche bien et a été démontré par de minutieuses études de terrain, comme pour le Kilauea à Hawaii[5] ou les volcans explosifs[6]. De très nombreuses études expérimentales ont également permis sa validation mécanique[7]. Parfois, le modèle est adapté car il n'est pas toujours aisé de réaliser en une fois des éruptions aussi importantes. C'est le cas des caldeiras des Galapagos qui sont considérées comme résultant d'une série d'éruptions espacées dans le temps mais sans que la chambre magmatique ne soit rechargée entre-temps, ce qui a finalement conduit à l'effondrement du toit[8].

Une des conséquences de ce modèle est que la taille de la caldeira est directement fonction de la chambre magmatique qui s’est vidée, et reflète ainsi la taille de celle-ci. Pour les très grandes caldeiras, ceci implique à la fois des chambres magmatiques gigantesques et des volumes de produits volcaniques émis lors de l'éruption tout à fait considérables. Par exemple, on estime que la formation de la caldeira du Toba, il y a 75 000 ans, s’est accompagnée de l’émission de produits volcaniques d’un volume de l’ordre de 1 500 km3, ce qui fait de cette éruption l’une des plus importantes jamais advenue sur la Terre[9].

Si des variantes à ce modèle d’effondrement en piston cohérent (piston model) existent[10], tous les autres modèles sont également fondés sur la vidange de la chambre magmatique sous-jacente et l’effondrement de la partie supérieure du volcan dans celle-ci.

Altération hydrothermale

Vue aérienne du Crater Lake en hiver dans l'Oregon aux États-Unis.

Les très grandes caldeiras plurikilométriques des volcans boucliers (volcanisme effusif lié à un panache mantellique) sont difficiles à expliquer par le modèle classique de vidange d’une chambre magmatique sous-jacente. En effet, les prospections géophysiques ne montrent pas de chambre de cette taille sous ce type de volcans, qui sont en éruption quasi permanente et n’ont que des chambres de dimensions relativement modestes, comme le piton de la Fournaise à l’ile de La Réunion).

Des études récentes ont montré que le cœur des édifices volcaniques était profondément altéré par les circulations de fluides hydrothermaux et qu’au cours du temps, il se transformait lentement en argile et en sulfate (type gypse). Cette transformation amène un changement du comportement mécanique de l’édifice volcanique et la constitution de zones de faiblesse. Des études ont montré que cette altération était responsable d’effondrement et de glissement de flancs assez spectaculaires[11].

Olivier Merle et ses collègues du laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand ont récemment montré expérimentalement que le fluage sous son propre poids d’un cœur de volcan très altéré et profondément argilisé conduisait en surface à la formation d'une structure caldérique, morphologiquement en tout point semblable à la caldeira du modèle standard (voir ci-dessus). Cependant, contrairement au modèle standard de vidange d'une chambre magmatique, la formation d'une caldeira de ce type n'est plus un phénomène cataclysmique mais un phénomène lent. On estime qu'il faut plusieurs milliers, voire plusieurs centaines de milliers d'années, pour altérer le cœur d'un grand édifice volcanique. La formation de la caldeira proprement dite, qui commence quand le cœur argilisé est capable de fluer sous son propre poids, peut prendre quant à elle plusieurs centaines d'années.

L'une des différences majeures de ce modèle par rapport au précédent est que la taille de la caldeira est cette fois-ci fonction de la taille du système hydrothermal et non plus de la chambre magmatique, ce qui résout le problème de taille de caldeira du modèle précédent pour les volcans boucliers. D'autre part, la formation d'une caldeira n'est plus nécessairement liée à une éruption.

Ce modèle a été appliqué à la formation de la caldeira de l’Enclos au piton de la Fournaise[12] et à la caldeira de l’ile de Nuku Hiva en Polynésie française[13].

Alertes

La formation d'une caldeira étant un événement rare et dévastateur, peu de ces événements ont été observés, et encore moins l'objet de mesures. À ce jour, seuls ceux du piton de la Fournaise en 2007 et du Kīlauea en 2018 ont fourni des enregistrements scientifiques permettant à l'avenir, sinon de prédire à moyen terme ce genre d'événement, du moins de donner l'alerte quelques heures avant son déclenchement visible : cycles de variation de l'inclinaison du sol (accompagnant le stick-and-slip de la chute du piston dans la chambre) et paquets d'ondes de très basse fréquence (durant environ 20 secondes en 2007)[3],[14].

Notes et références

  1. Fernand Joly, Glossaire de géomorphologie, éd. A. Colin, 1997, 325 p.
  2. Caldera sur larousse.fr
  3. Fabrice R. Fontaine, « Prédire l'effondrement des cratères volcaniques », Pour la science, no 519, , p. 54-62.
  4. Lipman, 1984, Gudmundsson, 1988
  5. Holcomb et al., 1988
  6. Druitt and Sparks, 1984
  7. Komuro 1987 ; Marti et al. 1994 ; Roche et al. 2000 ; Acocella et al., 2000 ; Troll et al., 2002
  8. Munro and Rowland, 1996
  9. Lipman, 2000
  10. George Walker, 1984
  11. Siebert, 1984, Lopez and Williams, 1993, Carasco-Nunez et al., 1993 ; Frank 1995, Day, 1996 ; Voight and Elsworth 1997 ; Iverson et al., 1997 ; van Wyk de Vries et al. 2000 ; Reid et al. 2001
  12. Merle and Lénat, 2003
  13. Merle et coll., 2006
  14. (en) F. R. Fontaine, G. Roult, B. Hejrani, L. Michon, V. Ferrazzini et al., « Very- and ultra-long-period seismic signals prior to and during caldera formation on La Réunion Island », Scientific Reports, vol. 9, , article no 8068 (DOI 10.1038/s41598-019-44439-1).

Annexes

Bibliographie

  • Pascal Richet, Guide des volcans de France. Eds. du BRGM et Belin, coll. Guides savants, 2003, 427 p.
  • Pierre Nehlig, Pierre Boivin, Alain de Goër, Jean Mergoil, Gaëlle Prouteau, Gérard Sustrac et Denis Thiéblemont, Les volcans du Massif central. Ed. BRGM, 2003, 41 p.
  • Jacques-Marie Bardintzeff, Volcanologie. Ed. Dunod, 1988, 284 p.

Articles connexes

Liens externes

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