Santé publique
La santé publique peut être définie de diverses manières. On peut en effet la présenter comme « l'étude, d'une part, des déterminants physiques, psychosociaux et socioculturels de la santé de la population et d'autre part des actions en vue d'améliorer la santé de la population »[1]. Ou encore, comme « une activité organisée de la société visant à promouvoir, à protéger, à améliorer et, le cas échéant, à rétablir la santé de personnes, de groupes ou de la population entière »[2].
On peut aussi rappeler une ancienne définition de Charles-Edward Winslow et publiée dans la revue Science en 1920 : « La santé publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de promouvoir la santé et l’efficacité physiques à travers les efforts coordonnés de la communauté pour l’assainissement de l’environnement, le contrôle des infections dans la population, l’éducation de l’individu aux principes de l’hygiène personnelle, l’organisation des services médicaux et infirmiers pour le diagnostic précoce et le traitement préventif des pathologies, le développement des dispositifs sociaux qui assureront à chacun un niveau de vie adéquat pour le maintien de la santé, l’objet final étant de permettre à chaque individu de jouir de son droit inné à la santé et à la longévité »[3].
Partant de cette dernière définition, un comité de l’OMS a souligné en 1952 l'importance qu'il convenait d'attacher à l'éducation sanitaire individuelle et collective, mais il a surtout été frappé par l'élargissement des conceptions se rapportant à l'administration de la santé publique, cette évolution nécessitant l'intégration en un système unique de toutes les branches de l'action sanitaire : prophylaxie ou prévention, soins aux malades et réadaptation des convalescents[4]. Depuis lors il est généralement admis que l'organisation des soins curatifs appartient également aux fonctions essentielles de la santé publique[5].
La santé publique se démarque de la médecine essentiellement sur deux plans :
- Elle met davantage l'accent sur la prévention que sur les traitements curatifs ;
- Elle développe une approche de population, plutôt que de s'intéresser individuellement aux problèmes de santé des personnes, ce qui se traduit notamment par l'adjonction de compétences qui relèvent des sciences humaines et sociales et notamment de la sociologie, du droit et de l'économie. Cette approche populationnelle peut par ailleurs s'exprimer, selon les pays, par l'expression d'une politique publique spécifique : la politique de santé publique[6].
Histoire
L'histoire de la santé publique plonge ses racines dans la plus haute antiquité, car de tout temps l'homme a tenté de se prémunir collectivement contre les maladies et le décès prématuré, et ceci, notamment en luttant contre les diverses épidémies et les agressions de l'environnement. L'approvisionnement en eau potable et l'évacuation des déchets appartiennent à cet ancien passé[7] où histoire de la santé publique, histoire de la médecine et histoire de l'hygiène se confondent.
En Europe, la santé publique relève d'abord des œuvres charitables d'individus ou établissements et congrégations religieuses.
Au cours du XIVe siècle, pendant les grandes épidémies comme celle de la peste noire en Europe, les médecins pensent que la suppression des cadavres peut empêcher la propagation des miasmes (théorie des miasmes). De même, le développement de la quarantaine à l'époque médiévale – et plus particulièrement à partir de 1377 à Raguse – permet d'atténuer les effets d'autres maladies infectieuses.
En 1485, la République de Venise établit une Cour permanente de superviseurs de la santé (it), dédiée particulièrement à la prévention d'épidémies en provenance de l'étranger. Initialement les trois surveillants sont nommés par le Sénat vénitien. En 1537, il est assumé par le Grand Conseil ; en 1556, il compte deux magistrats de plus, consacrés au contrôle, au nom de la République, des efforts déployés par les superviseurs[8].
Au XVIIe siècle, les États commencent à encadrer l'hygiène et, à la suite de l’épidémie de choléra qui a touché Londres en 1848, le Royaume-Uni crée le premier Ministère de la santé publique. Quelques décennies plus tard, à la suite de la pandémie de grippe espagnole de 1918, la Société des Nations décide de créer en 1922 son Comité d'hygiène, ancêtre de l'OMS[9].
Au cours du XXe siècle, l'environnement prend une importance croissante, qui se traduit par le développement de l'écotoxicologie et de l'écoépidémiologie.
« Nouvelle » et « ancienne » santé publique
Les définitions présentées ci-dessus donnent une vision qui fait d'emblée de la santé publique une entreprise multidisciplinaire complexe et centrée sur l'application. Cette vision se situe dans le paradigme de la « nouvelle santé publique ». La science et la pratique de la santé publique, qui souligne le rôle des systèmes sociaux, du partenariat multidisciplinaire et trans-sectoriel, de l’orientation positive de la santé, et pas simplement (comme l'« ancienne santé publique ») une orientation biologique où l’accent serait mis sur la prévention et le contrôle à partir d’une unique profession. La nouvelle santé publique repose sur une meilleure compréhension de la façon dont les styles de vie et les conditions de vie (dont les facteurs sociologiques et environnementaux) déterminent la santé. L'importance d’autres secteurs en dehors du secteur de la santé et la nécessité de mobiliser les ressources et les appuis politiques sont également soulignées. Les problèmes sont définis dans un contexte plus global, conduisant à des préoccupations plus environnementales. Comme avec tout ce qui est labellisé « nouveau », cette expression a été introduite pour marquer une renaissance de la santé publique en contraste avec une tradition stéréotypée et une évolution. L’expression sera peut-être bientôt obsolète. On parle beaucoup aujourd'hui de promotion de la santé, mais cette dernière ne couvre pas tout le champ occupé autrefois par la santé publique : il faudrait y ajouter la prévention des accidents et des maladies, ainsi que les soins.
La santé publique contient six domaines actuels dont trois classiques. Les trois classiques et actuels d'une part :
- l'hygiène publique
- la lutte contre les maladies transmissibles
- la préoccupation d'autrui : administration sanitaire.
D'autre part, les trois derniers domaines actuels :
- l'épidémiologie
- la sociologie
- l'économie de la santé.
Définitions
Elles ont varié dans l'espace et dans le temps.
Pour l'échelle mondiale
Les publications de l'OMS et divers sources fournissent de nombreuses définitions des termes propres à la santé publique. Des glossaires ont aussi élaborés pour aider le lecteur peu familiarisé[10],[11],[12].
En Europe
La commission européenne (DGV) a produit un glossaire multilingue de termes de santé publique et de promotion de la santé (élaboré et mis en ligne en 2003[13]).
France
Dans ce pays en 2015, le Projet de loi relatif à la santé (tel qu'adopté le 14 avril 2015) définit la politique française de santé comme construite autour des 9 points suivants[14] :
- « La surveillance et l’observation de l'état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l’éducation et aux conditions de vie et de travail. L’identification de ces risques s’appuie sur le concept d’exposome, entendu comme l’intégration de l’ensemble des expositions pour la vie entière. L’analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l’ensemble de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine »[14] ;
- « La promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d'enseignement et sur le lieu de travail, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et la réduction des risques pour la santé liés à des facteurs d'environnement et aux conditions de vie susceptibles de l'altérer »[14] ;
- « La prévention collective et individuelle des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d'autonomie, notamment par la définition d’un parcours éducatif de santé de l’enfant, par l'éducation pour la santé tout au long de la vie et par le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges » ; le législateur proposant en 2015 d'ajouter à ce paragraphe « L'animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile mentionnée à l’article L. 2111-1 »[14] ;
- « L’organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers, à garantir la continuité, l’accessibilité, la qualité, la sécurité et l’efficience de la prise en charge de la population »[14] ;
- « La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l’accident et du handicap par le système de protection sociale »[14] ;
- « La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires »[14] ;
- « La production, l’utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en œuvre »[14] ;
- « La promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine de la santé », le législateur proposant en 2015 d'ajouter à ce paragraphe « l'adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre »[14] ;
- « L’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé »[14].
Formation
Les progrès de la biologie et des sciences en général, l'apparition de maladies émergentes ainsi que l'évolution de la législation rendent nécessaire une formation continue (qui est en France une obligation légale[15], simplifiée en 2011 par 6 décrets[16]. Depuis 2012, en outre, en application de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST, dite aussi loi Bachelot) de 2009 les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens sont tenus de participer annuellement à un programme de formation continue[17]. Un programme de « développement professionnel continu » (DPC) concerne aussi les auxiliaires médicaux, les aides-soignants, auxiliaires de puériculture, préparateurs en pharmacie et préparateurs en pharmacie hospitalière.
Les médecins ont aussi accès via diverses agences, universités, instituts, etc. par internet ou via les centres anti-poison à des bases de données plus complètes sur la médecine et la toxicologie (par exemple : avec Pubmed[18], Toxline/Toxnet ou Toxpro[19], un moteur de recherche d'informations bibliographiques toxicologiques retenant des bases de données d'accès gratuit) et certains pathogènes.
Notes et références
- Rapport sur l'Institut de santé publique du Québec (1997)
- Agence de la Santé Publique du Canada http://www.phac-aspc.gc.ca/ccph-cesp/glos-r-z-fra.php
- Winslow C.-E. A. , The untilled fields of Public Health, Science, 9 January 1920: 23-33.
- Comité d'experts de l'Administration de la Santé Publique, Premier rapport, Série de rapports techniques, OMS, Genève, septembre 1952. http://whqlibdoc.who.int/trs/WHO_TRS_55_fre.pdf
- [PDF]Organisation Mondiale de la santé, Bureau Régional du Pacifique Occidental, « Fonctions essentielles de la Santé Publique : le rôle des ministères de la santé », (consulté le 20 juin 2014)
- Code de santé publique (France), « Politique de santé publique en France », Légifrance, (consulté le 20 juin 2014).
- (en) Rosen G. A History of Public Health, The Johns Hopkins University Press, Baltimore & London, 1993
- (it) Andrea Da Mosto (direttore dell'Archivio di Stato di Venezia), L'archivio di Stato di Venizia. Indice generale, storico, descrittivo ed analitico : Tomo I, Archivi dell'amministrazione centrale della Repubblica Veneta e archivi notarili, palazzo Ricci, Roma, piazza Ricci, Bibliothèque des annales Institutorum, , 278 p. (lire en ligne [PDF])
- Archives de la Société des Nations, Dossiers de l'Organisation d'Hygiène
- Hogarth, J., Vocabulaire de la santé publique, La santé publique en Europ. n°4. Présentation par E. J. Aujaleu. Organisation mondiale de la Santé, Copenhague, 1977. http://whqlibdoc.who.int/euro/publications/9290202238_%28a-l%29.pdf
- OMS, Guide to Producing National Health Accounts : With Special Applications for Low-income and Middle-income Countries, W.H.O., Geneva, 2003
- OMS, Glossaire de la promotion de la santé, Genève, O.M.S., 1999 WHO/HPR/HEP/98.1 http://www.who.int/hpr/NPH/docs/ho_glossary_fr.pdf
- http://asp.bdsp.ehesp.fr/Glossaire/
- Projet de texte adopté n° 505 « Petite loi » Assemblée nationale, session ordinaire, 2015-04-14, consulté 2015-10-10
- La formation continue des professionnels de santé est obligatoire selon l'Article 11 du code de déontologie médicale et Art R4312 du code de la Santé Publique
- décrets du 30 décembre 2011 publiés au JO du 1er janvier 2012 (décrets n°2011-2113 à 2118), sur les modalités de gestion de la formation continue des professions médicales et paramédicales
- décret paru le 1er janvier 2012 au Journal officiel
- Pubmed
- Accès à la base de données toxicologiques Toxpro
Voir aussi
Bibliographie
- Dominique Lecourt (dir.), 2004: Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, réed. PUF/Quadrige, 2004
- Santé : pour une politique de prévention durable, rapport annuel IGAS, 2003
- Comment rendre la santé publique ?, revue Cosmopolitiques, no 14, mars 2007 [lire en ligne]
- Frédéric Bizard, Politique de santé : Réussir le changement, Éditions Dunod, septembre 2015, (ISBN 9782100730841)
- Alexandre Klein, 2017, "La fin de la biopolitique? Les transformations contemporaines de la santé publique", Histoire engagée, [lire en ligne]
Articles connexes
- Crise sanitaire
- Médecine préventive, prévention
- Risque phytosanitaire
- Risque pandémique
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