Lymphocyte T gamma delta (γδ)
Les lymphocytes T gamma delta (γδ) sont des cellules de l'immunité [1]. Ils appartiennent à la population des lymphocytes T et plus particulièrement aux lymphocytes T non-conventionnels [2]. Leur action est intégrée dans la réponse immunitaire globale de l'organisme. Ils participent à la fois à la réponse immunitaire innée et adaptative [3]. Le TCRγδ (T-cell receptor ou récepteur des cellules T) définit cette lignée par opposition au TCR alpha-bêta (αβ) des lymphocytes T conventionnels [1].
Localisation
Les lymphocytes Tγδ sont localisés en majorité dans les épithéliums des muqueuses digestive et respiratoire [4]. On les trouve également au niveau de la peau, des muqueuses vaginale et utérine, du foie et des organes lymphoïdes classiques (ganglions) [1]. Ils sont présents dans le sang et les organes périphériques à raison de 1 à 5 % de la population totale de lymphocytes T [1]. Le taux de lymphocytes Tγδ augmente chez des sujets infectés par des bactéries, par exemple en cas de tuberculose, listériose, légionellose, ou par des parasites comme Plasmodium falciparum, Leishmania [2],[5]. Ce taux diminue après guérison [5].
En fonction de l’organe considéré, différentes sous-populations de lymphocytes Tγδ sont représentées, définies par un TCRγδ particulier [2]. Par exemple, les lymphocytes Tγδ sanguins expriment un TCR particulier appelé Vɣ9δ2 que n’expriment pas ceux présents au niveau de la peau [2].
Chez l'homme, c'est la sous-population Tɣ9δ2 qui est la plus étudiée, c'est pourquoi beaucoup des caractéristiques fonctionnelles des lymphocytes Tγδ ont été découvertes chez cette population.
Ontogénie
Les lymphocytes Tγδ sont les premiers lymphocytes T à se développer [2]. Ils sont continuellement produits dans le thymus dès la vie fœtale puis migrent vers les tissus où ils résident pendant le développement embryonnaire ainsi qu'après la naissance [1]. Ils apparaissent par vagues successives au cours du temps [1].
Particularités des TCRγδ
Les lymphocytes Tγδ possèdent un récepteur pour l’antigène appelé TCR, mais n'expriment généralement pas les co-récepteurs CD4 et CD8 associés au TCR [3]. Celui-ci est composé de deux chaînes protéiques : ɣ et δ, par opposition au TCR des lymphocytes T conventionnels qui est constitué des chaînes α et β [1].
Le gène codant le TCRγδ est généré par la combinaison de différents segments géniques : V, J, C pour la chaîne ɣ et V, D, J et C pour la chaîne δ. On parle de diversité combinatoire [1]. Il existe aussi la diversité jonctionnelle correspondant à l’ajout ou au retrait de nucléotides aux jonctions inter-segments par des enzymes.
Le locus de la chaîne ɣ du TCR se trouve sur le chromosome 7 alors que celui de la chaîne δ est inclus dans celui de la chaîne α sur le chromosome 14 [1],[6].
Le répertoire du TCRγδ est plus restreint que celui du TCRαβ [1]. En effet, le nombre de segments géniques est plus faible [1]. Il existe des réarrangements préférentiels c'est-à-dire que l'association de certaines chaînes γ avec certaines chaînes δ semble favorisée [3]. Par exemple, la chaîne Vγ9 s'associe de préférence avec la chaîne Vδ2 pour donner la sous-population Vγ9δ2 [3].
Le type de TCRγδ exprimé pourrait conférer aux sous-populations ainsi générées des rôles différents, dans la mesure où chaque sous-population semble peupler spécifiquement un ou des organes [1].
Reconnaissance de l'antigène et activation
Les lymphocytes Tγδ n’ont pas besoin que l’antigène leur soit présenté par les molécules du CMH (Complexe majeur d'histocompatibilité) afin de le reconnaître. Ces lymphocytes T reconnaissant une très grande variété d'antigènes (peptidique, lipidique, glyco-lipidique, étranger ou du Soi, ...). Les LT Vg9Vd2 sont connus pour reconnaitre des petites molécules appelés phosphoantigènes. À la suite de ce contact avec l'antigène les lymphocytes Tγδ s'activent et se multiplient en présence d'interleukine 2 [2]. Des lymphocytes Tγδ mémoires, capables de se réactiver ultérieurement en cas de nouveau contact avec l'antigène, sont générés [1].
Rôles effecteurs des lymphocytes Tγδ
Participation à la réponse immunitaire innée
Les lymphocytes Tγδ jouent le rôle de première barrière de défense dans l'immunité anti-infectieuse, grâce à leur localisation dans les épithéliums qui entraîne une activation rapide lorsqu'un pathogène entre dans l'organisme [4]. Ils sont attirés sur les sites inflammatoires où ils produisent des cytokines favorisant l’inflammation [2]. Dans ce cas, ils sont peu cytotoxiques [2]. Les lymphocytes Tγδ expriment des TLR (Toll like receptor ou récepteur de type Toll) et des récepteurs semblables à ceux des cellules Natural Killer (NK), ce qui les rend proches des cellules de l’ immunité innée [1].
Cytotoxicité des lymphocytes Tγδ
Les lymphocytes Tγδ ont également une fonction cytotoxique qui leur confère un rôle important dans la lutte anti-tumorale [2]. Celle-ci a lieu grâce à :
- la sécrétion de molécules lytiques : perforine et granzyme qui induisent la mort des cellules cibles [2]. Ce processus est similaire à celui mis en œuvre par les cellules NK et les lymphocytes Tαβ cytotoxiques [2].
- l'expression de protéines comme TNF α, TRAIL, FasL qui déclenchent l’apoptose des cellules cibles [2].
- la sécrétion de granulysines et de cathélicidines qui jouent un rôle antiviral et antibactérien [2].
Reconnaissance et destruction des cellules tumorales
Les lymphocytes Tγδ infiltrent le tissu tumoral et sont capables de lyser les cellules cancéreuses humaines [3].
En outre, les lymphocytes Tγδ sont capables de reconnaître si une cellule est saine ou non (infectée, transformée, cancéreuse…) grâce à des récepteurs inhibiteurs associés au TCR [2]. Ces récepteurs inhibent l'activation du lymphocyte Tγδ si la cellule est saine en reconnaissant des molécules du CMH de classe I [2]. Si le TCRγδ détecte peu de phosphoantigènes mais beaucoup de molécules de CMH I, la cellule sera épargnée et, à l’inverse, s’il y a beaucoup d' antigènes mais peu de molécules du CMH I, cette cellule sera éliminée [2].
Les lymphocytes Tγδ partagent donc des propriétés des cellules de l' immunité innée et adaptative [1],[3].
Rôle anti-tumoral des lymphocytes Tγδ : perspectives en immunothérapie
Les lymphocytes Tγδ sont actifs contre les tumeurs. En effet, il existe des lymphocytes Tγδ infiltrant des tumeurs solides [3]. On peut les stimuler in vitro par différentes méthodes (ex. stimulation en PHA-feeders, feeders : lignée B immortalisée, cellules mononuclées du sang périphérique, et ceci en présence d'IL-2). De plus, les lignées cellulaires tumorales sont sensibles à la lyse par les lymphocytes Tγδ [3].
Pour des thérapies anti-tumorales, il faut exploiter la capacité des lymphocytes Tγδ à détruire les cellules tumorales [3]. Il faudrait arriver à les activer chez des patients atteints de cancer par des antigènes spécifiques [3].
Il existe deux manières d'amplifier ces lymphocytes :
- des injections de molécules visant à activer et/ou amplifier la population Tγ9δ2 chez les patients atteints de cancer [3].
- des injections répétées à des patients de lymphocytes Tγδ amplifiés ex vivo [3].
Ces essais ont été décevants mais de nouvelles pistes sont explorées pour augmenter l'activation des lymphocytes Tγδ [3].
Notes et références
- SALOT Samuel, "Développement du produit de thérapie cellulaire Innacell GD à base de lymphocytes Tγ9d2", Université de Bourgogne, Science de la Vie et de la Terre, 2006.
- FOURNIER J. -J., BONNEVILLE M. "Les lymphocytes T gamma-delta: des chasseurs polyvalents ". Pour la science, juin 2008, no 368, p. 50-55.
- CATROS V. et al., 2010, "Lymphocytes Tγδ en cancérologie: Des lymphocytes tueurs non conventionnels", Médecine et Science, Vol.26, no 2, p. 185-191
- GRANEL B. et al., 2002, "Étude rétrospective de 55 patients présentant une lymphocytose Tγ/δ dans le sang circulant", Medecine interne, Vol. 23, no2, p. 137-143
- EL HENTATI Fatima Zahra, IOBAGIU Christiana, LAMBERT Claude, « Cytométrie et ses applications en immunologie clinique / Cytometry an dits applications in immunology », Revue francophone des Laboratoires, mars 2009, no 410, p. 23-32
- CHAPEL Helen, HAENEY Mansel, MISBAH Siraj, SNOWDEN Neil, "Immunologie clinique de la théorie à la pratique avec cas cliniques", De Boeck, 4e édition, 2004, 2-0641-4538-7, p. 7
- Portail de la médecine
- Portail de l’hématologie