Immunoglobuline A

Les immunoglobulines A (IgA) sont un isotype d'anticorps majoritairement produit (par le système immunitaire des muqueuses) au niveau des muqueuses, où elles constituent une première ligne de défense immunitaire contre les toxines et les agents infectieux présents dans l'environnement. Dans l'intestin, la production d'IgA est fortement induite au cours de la colonisation des nouveau-nés par la flore intestinale, acquise au cours de l'accouchement et dans les heures qui suivent[1]. Le lait maternel contient également des IgA, qui sont ainsi transmises passivement au nouveau-né par l'allaitement.

Sous-classes

Il existe deux sous-classes d'IgA, appelées IgA1 et IgA2, qui se distinguent à la fois par leur structure et par leur distribution dans l'organisme. La différence en termes de structure est que la région charnière entre le domaine variable et le domaine constant est plus long dans les IgA1 que dans les IgA2. Ceci permet aux IgA1 de se fixer à des antigènes bivalents (2 épitopes) plus éloignés l'un de l'autre et avec une meilleure affinité que les IgA2, mais confère également une sensibilité plus importante aux enzymes protéolytiques produites par certaines bactéries[2]. La différence en termes de distribution dans l'organisme est que les IgA circulantes ne comportent que des IgA1, alors que les IgA des muqueuses comportent à la fois des IgA1 et des IgA2[3].

Rôle dans la réponse immunitaire

Induction

L'activation des lymphocytes B et la production d'anticorps nécessite généralement une coopération avec les lymphocytes T auxiliaires, et notamment la co-stimulation de CD40 sur les lymphocytes B et de son ligand CD40L sur les lymphocytes T. La production d'IgA peut être induite par les lymphocytes T, en particulier les lymphocytes T régulateurs[4], mais elle peut être également induite indépendamment des lymphocytes T[5]. Dans ce cas, la commutation de classe entre IgM et IgA est induite par les cellules dendritiques plasmacytoïdes ou les cellules épithéliales à travers la production de BAFF et APRIL et leur interaction avec leurs récepteurs respectifs, BAFF-R et TACI[6].

Mécanismes d'action

Contrairement aux IgG, les IgA n'activent pas ou très peu le système du complément et l'opsonisation, et agissent donc davantage en neutralisant des toxines, des virus ou des bactéries potentiellement dangereuses pour l'organisme. Cette neutralisation implique à la fois le domaine variable et le domaine constant des IgA. Le domaine variable des IgA se fixe dans des régions spécifiques des toxines ou des microorganismes et empêche, par gêne stérique, leur interaction avec des récepteurs de l'épithélium[7]. Le domaine constant des IgA, quant à lui, contient des motifs polysaccharidiques mimant des récepteurs de l'épithélium avec lesquels pourraient se fixer les toxines ou les microorganismes[7]. Les toxines ou les microorganismes recouverts par les IgA sont ainsi maintenus dans le mucus et sont éliminés progressivement par péristaltisme. D'autre part, la fixation des IgA aux bactéries commensales favorise la formation de biofilms qui empêchent la colonisation par d'autres bactéries potentiellement pathogènes[8].

Les IgA étant produites par les plasmocytes présents dans la lamina propria ou dans les organes lymphoïdes secondaires, la neutralisation des bactéries ou des toxines présentes dans la lumière intestinale nécessite le passage des IgA à travers l'épithélium. Au niveau de la surface basale des cellules épithéliales, les IgA se fixent au récepteur aux immunoglobulines polymériques et sont ainsi transportés vers la face apicale des cellules. Les IgA sont relarguées sous la forme de dimères en présence d'une partie du récepteur aux immunoglobulines polymérique, appelée pièce sécrétoire, qui confère aux IgA une protection essentielle contre les enzymes protéolytiques et leur permet d'être maintenus dans la couche de mucus surplombant l'épithélium[9].

La fixation des IgA aux microorganismes de la flore intestinale peut également faciliter l'échantillonnage de ces microorganismes au niveau des plaques de Peyer[10]. Plusieurs données expérimentales suggèrent que ce mécanisme n'est pas tant important pour l'induction de réponses immunitaires que pour leur régulation et le maintien de la tolérance vis-à-vis d'antigènes ou de microorganismes inoffensifs[11].

Pathologies associées

Le déficit sélectif en IgA, dont la prévalence est à peu près de 1 sur 400 dans les pays occidentaux, est le déficit humoral le plus courant chez l'homme. Bien que pouvant être parfois associé à des infections des voies respiratoires ou digestives, ce phénotype est généralement asymptomatique[12]. Ceci pourrait s'expliquer par des mécanismes de compensation, comme une production accrue des IgM et des IgG, permettant de maintenir une réponse humorale suffisamment efficace[13].

Il existe également plusieurs pathologies liées à la fixation anormale de complexes IgA-antigènes à des récepteurs cellulaires, comme la maladie cœliaque[14] ou la néphropathie à IgA[15].

Notes et références

  1. (en)Macpherson AJ, Harris NL., Interactions between commensal intestinal bacteria and the immune system., dans Nat Rev Immunol. 2004 Jun;4(6):478-85. Lien PubMed
  2. (en)Woof JM, Kerr MA., « IgA function - variations on a theme.», dans Immunology. 2004 Oct;113(2):175-7. Lien vers l'article
  3. Woof JM, Mestecky J., « Mucosal immunoglobulins. », dans Immunol Rev. 2005 Aug;206:64-82. Lien PubMed
  4. (en)Cong Y, Feng T, Fujihashi K, Schoeb TR, Elson CO., A dominant, coordinated T regulatory cell-IgA response to the intestinal microbiota., dans Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 Nov 17;106(46):19256-61. Lien vers l'article
  5. (en)Fagarasan S, Kawamoto S, Kanagawa O, Suzuki K., Adaptive immune regulation in the gut: T cell-dependent and T cell-independent IgA synthesis., dans Annu Rev Immunol. 2010 Mar;28:243-73. Lien PubMed
  6. (en) Cerutti A, Chen K, Chorny A., Immunoglobulin responses at the mucosal interface., dans Annu Rev Immunol. 2011 Apr 23;29:273-93. Lien PubMed
  7. (en)Mantis NJ, Rol N, Corthésy B., Secretory IgA's complex roles in immunity and mucosal homeostasis in the gut., dans Mucosal Immunol. 2011 Nov;4(6):603-11. doi: 10.1038/mi.2011.41.Lien PubMed
  8. (en)Bollinger RR, Everett ML, Wahl SD, Lee YH, Orndorff PE, Parker W., Secretory IgA and mucin-mediated biofilm formation by environmental strains of Escherichia coli: role of type 1 pili., dans Mol Immunol. 2006 Feb;43(4):378-87. Lien PubMed
  9. (en)Phalipon A, Cardona A, Kraehenbuhl JP, Edelman L, Sansonetti PJ, Corthésy B., Secretory component: a new role in secretory IgA-mediated immune exclusion in vivo., dans Immunity. 2002 Jul;17(1):107-15. Lien PubMed
  10. (en) AJ Macpherson and E Slack., « The functional interactions of commensal bacteria with intestinal secretory IgA. », Curr Opin Gastroenterol., vol. 23, no 6, , p. 673–678 (PMID 17906446, DOI 10.1038/nrmicro2114)
  11. (en)Boullier S, Tanguy M, Kadaoui KA, Caubet C, Sansonetti P, Corthésy B, Phalipon A., Secretory IgA-mediated neutralization of Shigella flexneri prevents intestinal tissue destruction by down-regulating inflammatory circuits., dans J Immunol. 2009 Nov 1;183(9):5879-85. Lien vers l'article
  12. (en)Fried AJ, Bonilla FA., Pathogenesis, diagnosis, and management of primary antibody deficiencies and infections., dans Clin Microbiol Rev. 2009 Jul;22(3):396-414.Lien vers l'article
  13. (en)Fagarasan S, Kawamoto S, Kanagawa O, Suzuki K., « Adaptive immune regulation in the gut: T cell-dependent and T cell-independent IgA synthesis. » dans Annu Rev Immunol. 2010 Mar;28:243-73.Lien PubMed
  14. (en)Matysiak-Budnik T, Moura IC, Arcos-Fajardo M, Lebreton C, Ménard S, Candalh C, Ben-Khalifa K, Dugave C, Tamouza H, van Niel G, Bouhnik Y, Lamarque D, Chaussade S, Malamut G, Cellier C, Cerf-Bensussan N, Monteiro RC, Heyman M. Secretory IgA mediates retrotranscytosis of intact gliadin peptides via the transferrin receptor in celiac disease. J Exp Med. 2008 Jan 21;205(1):143-54.
  15. (en)Donadio JV Jr, Grande JP., Immunoglobulin A nephropathy: a clinical perspective., dans J Am Soc Nephrol. 1997 Aug;8(8):1324-32. Lien vers l'article
  • Portail de la médecine
  • Portail de la biologie cellulaire et moléculaire
This article is issued from Wikipedia. The text is licensed under Creative Commons - Attribution - Sharealike. Additional terms may apply for the media files.