Fénétylline

La fénétylline, parfois écrite fénéthylline par anglicisme, est un composé organique héparinique, également appelée amphétaminothéophylline parce que née de la combinaison d'une amphétamine et d'une théophylline. D'abord utilisée pour ses vertus psychostimulantes, elle est depuis les années 1980 considérée comme un produit dopant sous le nom de Biocapton ou Fitton.

Pour les articles homonymes, voir Fitton.

Fénétylline
Structure de la fénétylline
(énantiomères (R) en haut et (S) en bas).
Identification
Nom UICPA 1,3-diméthyl-7-[2-(1-phénylpropan-2-ylamino)éthyl]purine-2,6-dione
Synonymes

Biocapton, Captagon et Fitton

No CAS 3736-08-1 (substance pure)
1892-80-4 (chlorhydrate)
No ECHA 100.115.827
No EC 217-580-8 (chlorhydrate)
No RTECS XH6110000 (substance pure)
XH6125000 (chlorhydrate)
Code ATC N06BA10
DrugBank DB01482
PubChem 19527
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule brute C18H23N5O2  [Isomères]
Masse molaire[1] 341,4075 ± 0,0176 g/mol
C 63,32 %, H 6,79 %, N 20,51 %, O 9,37 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Sous sa forme hydrolysée, elle est utilisée comme stupéfiant sous le nom de Captagon.

Formulation et composition

La fénétylline est constituée d'une molécule d'amphétamine unie à une molécule de théophylline par un pont éthyle. Elle se comporte comme une prodrogue de ces deux molécules[2],[3]. Elle est vendue comme psychostimulant sous le nom de Biocapton[2] ou de Fitton[3]. Sous sa forme hydrolysée, elle est commercialisée sous le nom de Captagon[2],[3].

Histoire

La fénétylline a été synthétisée pour la première fois en 1961 par l'entreprise allemande Degussa[4], certaines sources évoquant cependant une existence antérieure[5]. Elle fut utilisée pendant un quart de siècle comme une alternative plus douce à l'amphétamine et aux composés apparentés, notamment pour traiter les enfants atteints de TDAH et, plus rarement, contre la narcolepsie et la dépression. L'un des avantages de cette molécule était qu'elle n'induisait pas d'augmentation de la pression artérielle aussi forte que celle de l'amphétamine, ce qui permettait de traiter des patients atteints de troubles cardiovasculaires.

Cette substance a été interdite dès 1981 aux États-Unis et inscrite en 1986 comme substance dangereuse par l'ONUDC et n'aurait plus été produite légalement depuis lors[6]. Son retrait de la vente en France date de 1993, du fait des lésions cardiaques engendrées par son usage[7]. Elle est par ailleurs considérée comme substance stupéfiante dans un grand nombre de pays, également depuis 1986[7].

Utilisé comme drogue récréative dans le milieu artistique et médiatique français des années 1970, comme stimulant dans le milieu sportif jusqu'aux années 1990, le Captagon, souvent fabriqué en Europe de l'Est, est l'objet de trafics importants au Moyen-Orient à partir des années 2000. Elle est également suspectée d'être utilisée par les belligérants de la guerre civile syrienne ainsi que par certains djihadistes responsables d'attentats en Europe dans les années 2010[8].

En France

En et , les douanes françaises affirment avoir procédé aux premières saisies de Captagon dans des chargements en provenance du Liban[9] et à destination de l'Arabie saoudite. La quantité saisie est estimée à près de 750 000 comprimés[10]. Cependant, après analyse, les prétendus comprimés de Captagon se révèlent être des amphétamines de contrebande produites au Moyen-Orient[11]. Ces contrefaçons « souvent estampillées d’un logo imitant celui du Captagon, fabriquées clandestinement et ne contenant pas de fénétylline (...) n'ont plus grand-chose à voir avec le Captagon », souligne un rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies qui met en cause « les fantasmes » relatifs au « mythe de la drogue des djihadistes. » Le Monde relève qu'« en d'autres termes, Captagon n’est qu’un nom de rue pour l’amphétamine, drogue qui circule également en Europe sous celui de « speed[12]. » »

Action

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À l'instar de l'amphétamine, la fénétylline traverse la barrière hémato-encéphalique et déclenche une cascade d'effets catécholaminergiques dans le système nerveux central (SNC). S'y ajoutent des effets sympathomimétiques sur l'appareil cardiovasculaire.

Les effets sur le SNC se traduisent, de façon analogue à la méthylphénidate, qui est une substance active apparentée, notamment par une modification du métabolisme de la dopamine et de la noradrénaline dans le cerveau. On pense qu'elle entraîne une réduction de la densité en transporteurs de dopamine dans le striatum, d'où une augmentation de la concentration en dopamine dans la fente synaptique de certaines régions du cerveau, notamment dans le cortex préfrontal. Ceci se traduit par les effets habituels de l'amphétamine, comme l'amélioration de l'attention et de l'humeur.

Le professeur Jean-Pol Tassin, de l'INSERM, parle lui, dans le cas du Captagon (la version hydrolysée), d'une drogue entraînant une « résistance à la fatigue, une vigilance accrue et une perte de jugement » ; la prise est accompagnée d'une libération de glucose et d'une augmentation du rythme cardiaque[7].

Abus

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L'absorption d'un excès de fénétylline a pour effet de libérer de grandes quantités de dopamine et de noradrénaline, des neurotransmetteurs, à partir des vésicules où elles sont stockées dans le système nerveux central. Cela peut conduire à des convulsions, un collapsus cardiovasculaire et des conditions d'urgence psychiatrique.

L'utilisation prolongée de fortes doses de fénétylline a les mêmes conséquences sur l'organisme que l'utilisation prolongée à haute dose de méthamphétamine sous forme nasale, anale ou intraveineuse du « crystal meth ». Cela se traduit notamment par la fonte des réserves d'énergie  graisses et muscles  de l'organisme et par l'altération de la personnalité et de la conscience. Cela survient principalement en raison d'une accélération du métabolisme général, avec consommation accrue d'énergie et de vitamines, couplée à une perte d'appétit très marquée et un manque de sommeil prolongé. Ce tableau peut conduire à la mort en quelques semaines.

Un surdosage aigu peut entraîner, en cas de maladie cardiovasculaire, une mort subite d'origine cardiaque, en particulier si le surdosage intervient lors d'un effort physique. La mort par défaillance cardiovasculaire peut également survenir par déshydratation à la suite d'un effort soutenu prolongé coïncidant avec l'absorption de fénétylline par doses fragmentées sur plusieurs heures ou par prise unique à forte dose.

Production

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Jusqu'en 2011, les principaux lieux de production étaient la Libye[13] et le Liban[14]. Avec le chaos qui règne en Syrie, ce pays est devenu le premier centre de production en 2011.

Toutefois, selon les agences Ria Novosti, et Prensa Latina, et le journal en ligne Tunisie numérique, il serait produit depuis 2011 en Bulgarie dans un “laboratoire de l’Alliance atlantique”[15],[16]. La production en aurait commencé sous le régime communiste bulgare qui, après en avoir importé une petite quantité depuis l'Allemagne de l'Ouest, l'aurait produite industriellement pour se procurer des devises[17].

Selon un rapport de l'UNODC (United Nation Office on Drugs and Crime), une pilule coûte quelques centimes au Liban et elle se revend plus de 20 dollars en Arabie saoudite, où près de 55 millions de comprimés sont saisis chaque année[18], soit 11 tonnes[14].

Usages

Usage thérapeutique

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Ayant des vertus d'amélioration de la concentration de l'individu, elle était utilisée un temps comme traitement contre la narcolepsie et l'hyperactivité[14], avant que son usage comme psychotrope en restreigne l'emploi.

Usage comme produit dopant

Ses capacités en font un produit dopant[réf. nécessaire] ; un article de 2005 de la revue scientifique Historical Social Research (en) évoque un article du Bild du 31 mars 2004[réf. à confirmer][19] qui indiquerait que pour la finale de la Coupe du monde de football de 1954[Contradiction], certains joueurs allemands auraient pu être dopés au Captagon[5]. Il n'en reste pas moins que le dopage au Captagon semble avoir été largement répandu dans le football professionnel dans les années 1980. Peter Neururer indique à la Frankfurter Allgemeine Zeitung en 2007 que « jusqu'à 50 % [des joueurs] en utilisaient »[20].

En 2006, un ancien joueur professionnel de football en France assure que le dopage était très répandu : « Je l'ai vu dans tous les clubs où je suis passé, sauf à Bastia. Dans les années 1980-90, beaucoup de choses traînaient. On nous donnait des cachetons. C'était de la folie, en particulier autour du Captagon (un stimulant) »[21].

Le captagon a aussi été utilisé dans le rugby[22].

Usage comme psychotrope

Elle est inscrite sur la liste des substances psychotropes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1986[23].

Le Captagon est une drogue populaire dans certains pays arabes[24], constituée de fénéthylline éventuellement mélangée à de la caféine[14]. Elle est produite essentiellement au Liban et en Syrie[25].

Le , le ministère de l'Intérieur du Qatar annonce la saisie de stupéfiants  plus de 4 millions de capsules de captagon  pour une valeur marchande de 30,7 millions de dollars et l'arrestation de trafiquants membres d'un réseau international[26].

En Arabie saoudite, 55 millions de pilules sont saisies chaque année[réf. souhaitée]. Le 26 octobre 2015, le prince saoudien Abdel Mohsen Ibn Walid Ibn Abdelaziz ainsi que quatre autres personnes qui se rendaient à Riyad en jet privé ont ainsi été arrêtés à l'aéroport de Beyrouth en possession de 2 tonnes de Captagon, découverts par les douanes libanaises[27],[28]. En novembre 2015, ce sont 2 tonnes encore qui sont découvertes, soit 10,9 millions de comprimés, par les douanes turques, en provenance de la Syrie[7].

Lors de la guerre civile syrienne, le régime syrien et l'opposition s'accusent mutuellement d'utiliser du captagon pour leurs combattants[25],[29],[14]. Cette drogue semble avoir été utilisée aussi bien par certains combattants des milices loyalistes que par ceux de la rébellion, mais pas dans des proportions massives[25]. Selon l'agence Reuters et Laurent Laniel, chercheur à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, l’existence d'un trafic de captagon mené par les groupes armés et visant à financer la guerre en Syrie est possible mais pas avéré[25].

Au cours du conflit syrien, le captagon est également souvent présenté à tort comme la « drogue des djihadistes »[25]. Cependant, il n'aurait été utilisé de façon marginale que par un petit nombre de combattants et à l'encontre des ordres de leur hiérarchie[25]. L'usage de drogue est interdit par les djihadistes de l'État islamique et le trafic est puni de mort[25].

Il a été avancé par la justice tunisienne que l'auteur de l'attentat de Sousse, perpétré le 28 juin 2015 par Seifeddine Rezgui et revendiqué par l'État islamique, était sous l'emprise du Captagon[14]. Mais ces conclusions sont mises en doute par le chercheur Laurent Laniel, qui indique que les analyses de sang ne permettent pas de différencier le captagon d'autres drogues[25]. Aucune trace de drogue ou de Captagon n'a été découverte lors des autopsies des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 en France, malgré les rumeurs initiales[30]. À mi-2017, aucune autopsie menée sur les corps des terroristes tués en Europe n'a révélé la moindre trace de drogue[12].

Selon Laurent Laniel, chercheur à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : « Il semble que le battage orchestré autour de cette substance, alimenté par l’absence de données fiables sur le sujet, n’exprime que la jonction de deux phénomènes : le sensationnalisme qui fait vendre et l’irrationnel face à un ennemi incompris. [...] L’amalgame Captagon-terrorisme djihadiste aurait ainsi été construit au moyen d’un procédé rhétorique reposant sur la plausibilité de certains éléments mais pas sur l’existence de preuves solides »[12].

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Buckingham 1996, p. 3 140.
  3. Swiss Pharmaceutical Society 2000, p. 431.
  4. Kristen, Schaefer et von Schlichtegroll 1986
  5. Jordan 2005, p. 265
  6. U.S. DoJ 2003
  7. Loumé 2015
  8. des Déserts 2016, p. 122-129 et 186.
  9. « Premières saisies de captagon en France - 750 000 comprimés à Roissy », sur www.douane.gouv.fr (consulté le 31 mai 2017).
  10. « Du captagon saisi en France : « Si l'effet de cette drogue peut paraître tentant, la descente est très douloureuse » », sur www.lci.fr, LCI, (consulté le 27 juillet 2017).
  11. Julien Constant, « Les 135 kilos de drogue saisis n'étaient pas du Captagon, « la drogue des djihadistes » », Le Parisien (en ligne), (lire en ligne).
  12. Soren Seelow, « Captagon : un rapport démonte le mythe de la « drogue des djihadistes » », Le Monde (en ligne), (lire en ligne)
  13. UNODC 2011
  14. Heuclin-Reffait 2015
  15. Lévy 2015
  16. 20 minutes 2015
  17. APS 2015
  18. UNODC 2013
  19. Bild 2004
  20. FAZ.NET 2007
  21. AFP, « Un ancien joueur marseillais révèle la corruption, la triche et le dopage au temps de l'affaire OM-VA », Le Monde, (lire en ligne)
  22. Ballester 2015
  23. Orsini 2015
  24. UNODC 2012
  25. Fabien Leboucq, Désintox: le captagon n’est pas la «drogue des jihadistes», RFI, 2 juin 2017.
  26. AFP 2009
  27. Arlandis 2015
  28. OLJ et AFP 2015
  29. Freeman 2014
  30. Pelletier 2016.

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • 20 minutes, « Bulgarie: Quand la drogue utilisée par les combattants de Daech est fabriquée dans un labo de l'Otan », 20 minutes - en ligne, (lire en ligne)
  • AFP, « Qatar: importante saisie de drogue », Le Figaro - en ligne, (lire en ligne)
  • APS, « Les éléments de l'EI se shootent au Captagon », El Watan - en ligne, (lire en ligne)
  • Pierre Ballester, Rugby à charges, La Martinière,
  • (de) Bild, « Doping-Papst Schänzer: ‚Es gab 1954 Amphetamine und Captagon’ », Bild, ; cité en référence par (de) Daniel Drepper, « „Die Helden von Bern – alle gedopt?“ », (consulté le 19 novembre 2015) ; texte publié dans (de) Jahrbuch 2005 der Deutschen Gesellschaft für Geschichte der Sportwissenschaft e.V., Münster, Jürgen Court. LIT Verlag, (ISBN 3-8258-9352-9), p. 102–140
  • (en) J. Buckingham (publié par), Dictionary of Organic Compounds, vol. 4 : F — Mer, Chapman & Hall, , 6e éd. (ISBN 978-0-412-54090-5, lire en ligne)
  • Julien Constant, « Les 135 kilos de drogue saisis n'étaient pas du Captagon, « la drogue des djihadistes » », Le Parisien, (lire en ligne)
  • Sophie des Déserts, « La pilule qui rend fou », Vanity Fair,
  • (en) Colin Freeman, « Syria's civil war being fought with fighters high on drugs », The Telegraph, (lire en ligne)
  • Martine Heuclin-Reffait, « Le Captagon, une drogue au service du jihad », Libération - en ligne, (lire en ligne)
  • (de) Stefan Jordan, « Der deutsche Sieg bei der Weltmeisterschaft 1954 : Mythos und Wunder oder historisches Ereignis? », Historical Social Research / Historische Sozialforschung (HSR) (en), vol. 30, no 4, , p. 263-287 (lire en ligne [PDF])
  • (en) Gerfried Kristen, Annelies Schaefer et Ansgar von Schlichtegroll, « Fenetylline: therapeutic use, misuse and/or abuse », Drug Alcohol Dependence, vol. 17, nos 2-3, , p. 259-71 (PMID 3743408, DOI 10.1016/0376-8716(86)90012-8, lire en ligne)
  • Alexandre Lévy, « Vu de Bulgarie. Aux origines de la potion magique de Daech », Courrier international - en ligne, (lire en ligne)
  • Lise Loumé, « Qu'est-ce que le captagon, la drogue des djihadistes ? », Sciences et Avenir - en ligne, (lire en ligne)
  • OLJ et AFP, « Saisie record de drogue à l'aéroport de Beyrouth, un prince saoudien impliqué », L'Orient-Le Jour - en ligne, (lire en ligne)
  • Alexis Orsini, « Le Captagon, la "potion magique" des djihadistes », L'Obs - en ligne, (lire en ligne)
  • Éric Pelletier, « Les terroristes n'étaient pas drogués », Le Parisien - en ligne, (lire en ligne)
  • Soren Seelow, « Captagon : un rapport démonte le mythe de la « drogue des djihadistes » », Le Monde, (lire en ligne)
  • (en) Swiss Pharmaceutical Society, Index Nominum 2000 : International Drug Directory, Taylor & Francis, , 17e éd., 1932 p. (ISBN 978-3-88763-075-1, lire en ligne)

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