Étiologie de la transidentité
L'étude des causes de la transidentité est une zone d'intérêt pour de nombreuses personnes, notamment les personnes transgenres, les médecins, les psychologues, les autres professionnels de santé mentale, et les membres de la famille et les amis des personnes trans. La transidentité correspond habituellement à une expression de l'identité de genre qui diffère de celle traditionnellement associée au genre assigné à la naissance, et des comportements considérés « normaux » par rapport au genre assigné, ce qui peut entraîner de l'inconfort appelée « dysphorie de genre »[1]. À l'heure actuelle, il existe de nombreuses explications possibles pour la cause de la transidentité, comme la génétique, la structure du cerveau, le fonctionnement cérébral, et l'exposition aux androgènes prénatales. D'autres théories ont proposé de lier la cause à des raisons psychologiques et comportementales ; ces théories ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives.
Théories biologiques
Génétique
Le récepteur aux androgènes (AR), aussi connu comme NR3C4, est activé par la liaison de la testostérone ou du dihydrotestostérone, où il joue un rôle essentiel dans la formation des caractéristiques sexuelles masculines primaires et secondaires. Hare et al. ont constaté que les personnes male-to-female ont plus de répétitions du gène, ce qui réduit son efficacité de liaison à la testostérone[2].
Une variante du génotype d'un gène appelé CYP17, qui agit sur les hormones sexuelles prégnénolone et progestérone, est en lien avec le transsexualisme female-to-male, mais pas avec le transsexualisme MtF. Plus particulièrement, les sujets FtM avait non seulement la variante génotypique, mais aussi une distribution d'allèles équivalente aux sujets masculins cisgenres contrôles, contrairement aux témoins femmes cisgenres. Le document conclut que la perte d'un allèle spécifiquement associé aux femmes CYP17 T -34C, est associée au transsexualisme FtM[3].
Structure cérébrale
Dans une première étude de ce genre, Zhou et al. (1995) a constaté que dans une région du cerveau appelée noyau du lit de la strie terminale (BSTc), une région connue pour les réponses sexuelles et anxieuses, les femmes trans avaient une taille de femme cisgenres, tandis que les hommes trans avaient une taille d'hommes cisgenres. Aucune relation avec l'orientation sexuelle n'a été trouvée[4].
Dans une étude qui a suivi, Kruijver et al. (2000) ont regardé le nombre de neurones dans la BSTc, au lieu du volume. Ils ont trouvé le même résultat que Zhou et al. (1995), mais avec des différences encore plus significatives, en incluant également une personne MTF qui n'avait jamais été hormonée[5].
En 2002, une étude réalisée par Chung et al. a constaté que le dimorphisme sexuel (variation entre les sexes) du BSTc ne s’établit pas jusqu'à l'âge adulte. Chung et al. a théorisé le fait que l'évolution des niveaux d'hormones fœtales produisent des changements de la densité synaptique du BSTc, de l'activité neuronale, ou du contenu neurochimique qui conduisent plus tard à la taille et au nombre de neurones du BSTc, ou que la taille du BSTc est affectée par l'impossibilité d'avoir une identité de genre cohérente avec son sexe anatomique[6].
Dans un examen de 2006, Gooren confirme la recherche antérieure en soutenant que le transsexualisme est un trouble de la différenciation sexuelle du sexe dimorphique cérébral[7]. Dick Swaab partage également ce point de vue[8],[9].
En 2008, une nouvelle région avec des propriétés similaires à celle du BSTc concernant le transsexualisme a été trouvée par Garcia-Falgueras et Swaab : le noyau interstitiel de l'hypothalamus antérieur (INAH3), une partie du noyau hypothalamique. Le même procédé d'utilisation hormonale a été effectué que Zhou et al. (1995) et Kruijver et al. (2000). Les différences sont encore plus prononcées qu'avec le BSTc ; les hommes cisgenres témoins ont en moyenne 1,9 fois le volume et 2,3 fois les neurones que les femmes cisgenres témoins, encore une fois, quel que soit le niveau d'exposition aux hormones, les personnes MtF se situaient dans la gamme féminine, et les personnes FtM dans la gamme masculine[10].
Alors que la résolution des tomographes IRM est en général assez fine, les noyaux indépendants ne sont pas visibles en raison d'un manque de contraste entre les différents types de tissus neurologiques. Par conséquent, ces images ne montrent pas de structures détaillées, telles que BSTc et INAH3, et des études sur BSTc ont été effectuées par bissection de cerveaux post-mortem.
Cependant, l'IRM ne permet pas plus facilement l'étude des grandes structures cérébrales. Dans Lùders et al. (2009), 24 personnes MtF n'avaient pas encore bénéficié du traitement hormonal. Bien que les concentrations régionales de matière grise étaient plus semblables aux hommes cisgenres qu'aux femmes cisgenres, il y avait un bien plus grand volume de matière grise dans les régions du putamen par rapport aux hommes cisgenres. Comme dans de nombreuses études antérieures, ils ont conclu que le transgénérisme était associé à un modèle cérébral distinct[11],[12].
Une caractéristique supplémentaire a été étudiée dans un groupe de personnes FtM qui n'avait pas encore bénéficié de traitement hormonal ; concernant les valeurs d'anisotropie fractionnelle (FA) pour la matière blanche dans les parties médiales et postérieures du faisceau longitudinal supérieur droit (FLS), et la voie corticale, Rametti et al. (2010) ont découvert que : « par rapport aux femmes cisgenres contrôles, les personnes FtM ont montré des valeurs FA plus élevées dans la partie postérieure droite du FLS, et dans la voie corticale. Comparé aux hommes cisgenres contrôles, les personnes FtM ont montré des valeurs de FA inférieures dans le tractus cortico-spinal[13]. »
Hulshoff Pol et al. (2006), ont étudié le volume du cerveau brut des sujets soumis à un traitement hormonal. Ils ont découvert que l'ensemble du volume cérébral des sujets change vers la taille de celui du genre revendiqué. La conclusion de l'étude était : « Les résultats suggèrent que, tout au long de la vie, les hormones gonadiques restent essentielles pour maintenir les aspects des différences sexuelles spécifiques dans le cerveau humain[14]. »
Plasticité cérébrale
Les différences de structures cérébrales associées au transsexualisme ne sont pas isolées. De façon similaire, des différences de structures cérébrales concernant l'orientation sexuelle et biologique ont été relevées entre les hommes homosexuels et les hétérosexuels, et entre les lesbiennes et les femmes hétérosexuelles[15],[16].
Des recherches plus récentes ont trouvé que les activités répétées telles que la méditation modifient les structures du cerveau dans un processus appelé plasticité cérébrale ou neuroplasticité. En mai 2014, le Proceedings of the National Academy of Sciences a signalé que la parentalité « rebranche le cerveau masculin » pour les pères[17].
Fonctionnement cérébral
Le syndrome du membre fantôme est fréquent, c'est une expérience souvent douloureuse qui se produit après la perte d'un organe externe. Ramachandran (2008) a constaté que, bien que près de deux tiers des hommes cisgenres qui ont un pénis enlevé chirurgicalement, expérimentent la sensation d'un pénis fantôme, seulement un tiers des personnes trans MtF l'expérimentent après la chirurgie de réattribution sexuelle. Cette étude, cependant, compare une amputation, où les nerfs qui relient le pénis et le cerveau sont sectionnés, à la chirurgie de conversion sexuelle MtF, où une partie du pénis et le scrotum sont réutilisés pour créer un canal vaginal, des lèvres et le clitoris. Dans ce cas, certains des nerfs reliant les nouvelles parties génitales du cerveau demeurent en grande partie intacts. En outre, les deux tiers des personnes trans FtM ont rapporté la sensation d'un pénis fantôme dès l'enfance, avec des érections fantômes et d'autres phénomènes de ce type[18], comme le sentiment de dépersonnalisation et d'inadéquation corporelle[19].
Berglund et al. (2008) ont testé la réponse de femmes trans gynophiles aux deux phéromones sexuelles : la progestérone 4,16-androstadien-3-one (AND), et l’œstrogène 1,3,5(10), 16-tetraen-3-ol (EST). Malgré la différence de sexualité, les réseaux hypothalamiques des personnes MtF sont activés en réponse à la AND, comme les groupes témoins des femmes cisgenres androphiles. Les deux groupes ont connu l'activation de l'amygdale en réponse à la EST. Les groupes témoins masculins cisgenres (gynophiles) ont connu l'activation hypothalamique en réponse à la EST. Cependant, les sujets MtF ont également connu une activation hypothalamique limitée à la EST aussi. La conclusion des chercheurs est qu'en termes d'activation de la phéromone, les personnes MtF occupent une position intermédiaire avec des fonctions à prédominances féminines[20]. Les sujets MtF transsexuelles n'avaient subi aucun traitement hormonal au moment de l'étude[21].
Transsexualisme chez les jumeaux
Dans une étude de 2013, il a été constaté que sur 39 paires de jumeaux monozygotes de sexe "biologique" masculin, 13 (33 %) ont été identifiés comme étant tous les deux MtF. Cela a été trouvé dans 8 des 25 (22,5 %) paires "biologiquement" féminines. Alternativement, seulement 1 sur 38 (2,6 %) provenant de différents œufs fécondés, paires dizygotes mâles et femelles, s'est identifié comme transsexuel. Le pourcentage significatif d'identification transsexuelle chez les jumeaux monozygotes, et la quasi-absence de cette corrélation chez les jumeaux dizygotes élevés dans la même famille, dans le même temps, est un argument en faveur de l'influence fortement génétique du transsexualisme[22].
Exposition prénatale aux androgènes
L'exposition prénatale aux androgènes[23],[24], l'absence de celle-ci, ou une faible sensibilité aux androgènes prénataux sont souvent cités comme mécanismes pour expliquer les découvertes ci-dessus. Schneider, Pickel et Stalla (2006) ont trouvé une corrélation entre l'indice de Manning (un marqueur généralement accepté pour l'exposition prénatale aux androgènes) et les transsexuelles MtF, dont le rapport de chiffres s'est révélé être supérieur à celui des hommes cisgenres témoins, et qui est comparable à celui des femmes cisgenres témoins[25].
Théories psychologiques et comportementales
Les premières études se sont principalement basées sur la psychanalyse : la pulsion de changement de sexe ou « délire de transsexualisme » est décrite à maintes reprises. Si certaines descriptions de cas sont retrouvées dans la première moitié du XIXe siècle, c’est surtout dans la seconde moitié de ce même siècle[26] que ce comportement a fait l’objet d’études, associées à celles des comportements considérés, à l'époque, comme des perversions sexuelles, en particulier l’homosexualité[réf. souhaitée]. Selon Colette Chiland, psychiatre et psychanalyste, le transsexualisme demeure une énigme[27]. La question est de savoir s'il s'agit d'une véritable entité nosographique, ou d'une conséquence de l'accessibilité plus aisée aux traitements chirurgicaux et endocriniens permettant une transformation pour ceux qui le souhaitent.
Les premières observations comportementales proviennent du docteur Harry Benjamin, en 1953. Il dira que « les vrais transsexuels ont le sentiment qu’ils appartiennent à l’autre sexe, ils veulent être et fonctionner en tant que membres du sexe opposé, et pas seulement apparaître comme tels. Pour eux, leurs organes sexuels, primaires (testicules) aussi bien que secondaires (pénis et autres), sont de dégoûtantes difformités devant être changées grâce au bistouri du chirurgien. Le tableau a changé à la suite des récentes et grandes avancées de l’endocrinologie et des techniques chirurgicales. » La caractéristique principale du syndrome repose sur la conviction : il s’agit, chez un sujet dont la physiologie est normale, de la conviction d’appartenir à l’autre sexe. Cette conviction, souvent issue de l’enfance, est constante et donne lieu, à l’âge adulte, à des manifestations telles que le travestissement, d’abord privé, puis public, et à des demandes de traitements hormonaux et chirurgicaux qui permettent de rectifier l’apparence corporelle. Pour l'école lacanienne, le transsexualisme est une psychose[28] dans laquelle le sujet présente un délire : être né dans le mauvais corps.
Éducation/Trauma
Pendant de nombreuses années, beaucoup de personnes incluant le psychiatre et sexologue David Oliver Cauldwell[29], ont fait valoir que le transsexualisme est un trouble psychologique/émotionnel causé par des facteurs psychologiques et environnementaux, en raison de conflits de personnalité.
Harry Benjamin a écrit : « Notre matériel génétique et endocrinien constitue un socle sur lequel un traumatisme psychologique peut éventuellement grandir et se développer et qui, par la suite, peut entraîner le transsexualisme[30]. »
L'échec de la tentative d'élever David Reimer, victime d'une mutilation génitale accidentelle précoce, comme une fille, de l'enfance à l'adolescence, est citée comme réfutation de la théorie selon laquelle le sens inné du genre se développe à travers la parentalité[31],[32]. Néanmoins, aucune étude n'a pu démontrer ce résultat à grande échelle, en partie à cause d'un désaccord généralisé sur la méthodologie de l'étude, et pour des raisons éthiques[33]. Le cas de David Reimer est utilisé par les associations telles que l'Intersex Society of North America comme un récit édifiant sur la raison pour laquelle il ne faut pas modifier inutilement les organes génitaux des mineurs non consentants[34].
Sexualité
Les théories de Ray Blanchard représente une taxonomie des femmes transsexuelles et une explication de ses causes[35], établie sur la base du travail de son collègue, Kurt Freund[36]. Les théories stipulent que les femmes transsexuelles peuvent être divisées en deux groupes : les « transsexuelles homosexuelles », qui transitionnent parce qu'elles sont attirées par les hommes, et les « transsexuelles non-homosexuelles », qui transitionnent parce qu'elles sont autogynéphiles (sexuellement excitées par la pensée ou l'image d'elles-mêmes en tant que femme). Les éminents partisans de la théorie comprennent J. Michael Bailey, Anne Lawrence, James Cantor, et d'autres qui soutiennent qu'il existe des différences significatives entre les deux groupes, notamment au niveau de la sexualité, l'âge de la transition, l'origine ethnique, le QI, le fétichisme, et la qualité de l'adaptation[37],[38],[39],[40],[41]. La critique scientifique de la théorie comprend des articles de Veale, Nuttbrock, Moser, et d'autres qui soutiennent que la théorie est peu représentative des femmes trans, non-instructive, que les expériences sont mal contrôlées ou contredites par d'autres données[42],[43],[44],[45]. De nombreuses sources, notamment celles issues des partisans de la théorie, critiquent le choix de Blanchard au motif d'être confus ou dégradant. Bien qu'il ait des partisans, la communauté trans a en grande partie rejeté la théorie avec véhémence[46]. Dans son livre Whipping Girl, la biologiste évolutionniste, femme trans et activiste Julia Serano a déclaré que la preuve de l'autogynéphilie était douteuse et qu'elle manquait de preuves scientifiques[47]. Les idées de Blanchard à propos des femmes trans ont également été rejetées par la World Professional Association for Transgender Health, la plus grande association de professionnels de santé qui fournit des soins pour les personnes transgenres, au motif de manquer de preuves empiriques[48] et pour stigmatiser le comportement au lieu de se concentrer sur le traitement de la détresse[49].
Voir aussi
Liens internes
- Identité de genre
- Liste de sujets associés au transgénérisme
- Non conformité de genre dans l'enfance
- Atypicité de genre dans l'enfance
- Différences liées au sexe dans l'autisme
Liens externes
Références
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