Turboréacteur à double flux
Les turboréacteurs à double flux (dits en anglais turbofans) sont des moteurs à réaction dérivés des turboréacteurs. Ils s’en distinguent essentiellement par le fait que la poussée n’est pas obtenue seulement par l’éjection de gaz chauds, mais aussi par un flux d’air froid — ce dernier flux peut même fournir davantage de force (mesurée en kilonewtons) que le flux chaud.
L'air entrant à l’avant du moteur se divise en deux parties qui suivent deux parcours distincts avant de se rejoindre à la sortie. Le flux dit primaire, comme dans le cas d’un turboréacteur à simple flux, pénètre au cœur du moteur où il est chauffé avant d’être éjecté, quand le flux secondaire est dérivé en périphérie dans un anneau extérieur, concentrique au cœur.
Les turboréacteurs à double flux présentent divers avantages sur les turboréacteurs à simple flux : ils consomment moins de carburant, ce qui les rend plus économiques dans le cadre d’une exploitation commerciale et moins polluants, et ils génèrent également moins de pollution sonore.
Le taux de dilution est le rapport de la masse du flux secondaire sur le flux primaire.
L’aviation commerciale recherche des moteurs à hauts taux de dilution, pour obtenir un meilleur rendement, maximiser les économies de carburant et diminuer au maximum les inconvénients environnementaux (pollution gazeuse, bruit). À l’inverse, les producteurs d’avions militaires, qui recherchent avant tout des vitesses élevées et de fortes poussées, privilégient les faibles taux de dilution.
Le moteur à double flux le plus puissant en service en est le General Electric GE90-115B — en service notamment sur la deuxième génération de B777 — capable de développer 512 kN de poussée aérodynamique.
Classement
Réacteur à faible taux de dilution
Son taux de dilution est compris entre 0,2 et 2[1]. Premier type de turboréacteur à double flux à avoir été mis au point, les armées le mettent rapidement largement en usage. Il conquiert également rapidement les faveurs de l’aviation civile avant que celle-ci n’adopte les réacteurs à fort taux de dilution, dans lesquels le flux froid fournit l’essentiel de la force de propulsion.
Plus gourmands en carburant mais permettant d’atteindre des vitesses comprises entre Mach 1 et 2, les turboréacteurs double flux à faible taux de dilution sont principalement utilisés par l’aviation militaire. Cependant quelques aéronefs commerciaux ont longtemps continué eux aussi d’y avoir recours : ainsi du MD-83 propulsé par le Pratt & Whitney JT8D ou le Fokker 100 motorisé par le Rolls-Royce Tay.
Réacteur à fort taux de dilution
Les réacteurs dits « à haut taux de dilution » sont ceux possédant un rapport supérieur à 5 pour 1[1]. Ces moteurs représentent une évolution des premiers turboréacteurs et sont utilisés en particulier sur des aéronefs civils. La majeure partie de la poussée, autour de 80 %, provient de la première turbine dont le fonctionnement est très similaire à celui d’une hélice. Les aubes de cette turbine — la soufflante — placée en avant du moteur sont mues par un axe relié au dernier étage de la turbine. Les 20 % de poussée restants proviennent des gaz d'échappement de la tuyère. Les moteurs à la conception la plus récente ont un taux de dilution tournant autour de 10 pour 1 ; c'est le cas des moteurs GEnx qui propulsent le Dreamliner de Boeing ou des Trent 7000 qui équipent les A330neo d’Airbus.
La combinaison des hautes dilutions et d’une forte compression a fait apparaître des limites de conception car les compresseurs et la turbine haute pression doivent tourner à des vitesses que ne peut atteindre la soufflante, en raison de la dimension de ses aubes. Pour cette raison, les moteurs modernes intègrent des engrenages qui permettent aux deux ensembles en rotation de tourner à des vitesses différentes[1].
Soufflante non-carénée
Un réacteur dit à soufflante non-carénée est d’une conception hybride, héritant à la fois du turboréacteur et du turbopropulseur. Il s’agit essentiellement d’un turboréacteur double flux dont la soufflante n’est pas enveloppée d’un carénage aérodynamique. Cette architecture doit permettre d’augmenter encore le taux de dilution, en autorisant d’agrandir encore les aubes de la soufflante sans avoir à élargir démesurément les nacelles et donc d’améliorer un peu plus l’efficacité énergétique de ces moteurs en permettant, à poussée constante, une moindre consommation de carburant aviation.
L’idée d’un tel moteur naît à la faveur du deuxième choc pétrolier () et les premières études ont lieu dans les années 1980 — le GE36, codéveloppé aux États-Unis par General Electric et l’administration spatiale nationale est rendu public en . Cette technologie n’emporte cependant pas une adhésion sans réserve des motoristes, en raison du fort bruit émis par le moteur en fonctionnement ainsi que les importantes vibrations qui seraient susceptible d’entraîner une fatigue des matériaux prématurée et le danger que comporte l'usage d’hélices découvertes.
Au début du XXIe siècle, avec les perspectives d’épuisement des ressources pétrolières, ce type de moteur connaît un regain d’intérêt : General Electric en équipe un Cessna Citation à des fins de tests et Safran dévoile le prototype de l’open rotor en [2].
Composantes
- Entrée d'air : c'est la première étape du processus de propulsion. Elle consiste habituellement en une ouverture circulaire et lissée par où l'air entre.
- Soufflante : située en tête du moteur, c'est un compresseur de taille plus grande que les autres, qui permet de diviser l'air entrant en deux flux. Le flux primaire passe à travers les compresseurs de basse et haute pressions[3].
- Compresseurs : de conception similaire à l'aubage frontal mais plus petits, leur fonction est d'augmenter la pression de l'air avant d'entrer dans la chambre de combustion. On utilise d'habitude des compresseurs de basse et haute pressions qui tournent autour d'axes concentriques, ce qui permet d'ajuster la vitesse de rotation par étape pour accroître le rendement.
- Chambre de combustion : de forme circulaire, c'est le lieu où l'air pressurisé se mêle avec le combustible et est brûlé. Le produit de cette combustion est des gaz d'échappement chauds qui déplacent les turbines.
- Turbines : L'air chaud qui sort de la chambre passe à travers les aubes de plusieurs turbines, en les faisant tourner sur les axes des compresseurs et de la soufflante. Dans les moteurs à bas taux de dilution le compresseur de basse pression et la soufflante se déplacent sur un même ensemble de rotation, alors qu'aux taux supérieurs on dispose d'un engrenage ségrégrant les vitesses de rotation de chaque composante : soufflante, compresseurs de basse pression et compresseurs haute pression.
- Tuyère : c'est un petit orifice situé dans la partie arrière du moteur. Les parois étroites de la tuyère obligent l'air à accélérer, en produisant une poussée en raison du principe d'action et réaction. En général, une augmentation du taux de dilution amène comme conséquence une moindre participation de la tuyère dans la poussée totale du moteur.
- Conduite du flux secondaire : elle entoure concentriquement le noyau du moteur. Ses parois internes et externes sont soigneusement profilées pour minimiser la perte d'énergie du flux secondaire d'air et optimiser son mélange avec l'échappement du flux primaire.
Systèmes
Système antigel
Lorsqu'un avion vole dans une atmosphère humide et à une température proche au point de congélation de l'eau, cette humidité se dépose sur les surfaces de l'avion sous forme de gel. Ceci perturbe le flux d'air en raison de la génération de tourbillons, déséquilibre l'aéronef, produit des vibrations et facilite le décrochage[4].
Les turbofans sont équipés d'un système qui élimine le gel accumulé (fonte) et empêche sa formation (antigel). Les deux fonctions se réalisent moyennant le prélèvement d'air chaud du compresseur, au détriment d'autres parties du moteur ou du reste de l'avion (pour le renouvellement de l'air intérieur et la pressurisation de la cabine). Les composants situés derrière les aubes vont naturellement chauffer pendant l'opération normale du moteur, de sorte que le gel s'accumule seulement à des vitesses de rotation basses et il n'y a pas lieu de décongeler. C'est pour cela que, l'air froid part de l'entrée d'air et les autres points susceptibles de souffrir de congélation s'arrêtent à la soufflante[5].
Incident du TACA 110
Le vol 110 de TACA a été un vol régulier commercial international opéré par TACA Airlines, et reliant Belize à la Nouvelle-Orléans. Le , la météo n'était pas clémente avec des fortes précipitations, de la grêle, et des turbulences. À 16 500 pieds (5 029,2 m), et malgré la configuration correctement active des deux moteurs, ceux-ci se sont éteints, en laissant l'avion planer et sans une quelconque puissance électrique. Les pilotes firent appel au groupe auxiliaire de puissance lorsque l'avion franchit les 10 500 pieds (3 200,4 m), en restaurant la puissance électrique, et les pilotes ont réussi à effectuer un stupéfiant atterrissage d'urgence sans moteur au centre d'assemblage Michoud de la NASA à la Nouvelle-Orléans. Il n'y eut pas de blessé et l'aéronef a terminé sans dégât majeur à l'exception des dommages dans les moteurs causés par l'ingestion de grêle et par la surchauffe du réacteur droit.
L'incident du TACA 110 a permis un redesign des moteurs et le développement de systèmes FADEC (de l'anglais full authority digital engine control), afin que des conditions météorologiques similaires ne conduisent plus à un arrêt de service brutal involontaire.
Système de démarrage
Lorsque le moteur est arrêté au sol, il a besoin d'une source externe d'alimentation pour que le compresseur commence à tourner et que le combustible lui fournisse l'énergie dont il a besoin. Si le combustible brûlait dans un moteur sans rotation, il s'accumulerait sans rien produire d'efficace.
Pour éviter cela, un démarreur pneumatique est positionné dans une enceinte accessoire. Il est alimenté en air par un autre moteur, celui du groupe auxiliaire de puissance, ou bien directement par des moyens de substitution de fourniture électrique au sol. Il existe également des démarreurs électriques mais moins fréquents vu leur poids élevé[6].
Le débit du combustible est soigneusement contrôlé pour tenir compte du faible rendement du compresseur à bas régime et des purges sont régulièrement effectuées jusqu'à atteindre une vitesse auto-entretenue. Pendant ce processus, le moteur peut sembler immobile. Une fois cette vitesse atteinte, le démarreur se désengage pour éviter les dommages dus à une utilisation prolongée[5].
Considérations écologiques
L'intégration des turbofans dans les avions modernes est une grande avancée pour leur bilan écologique, en raison du fait qu'ils utilisent comme combustible le Jet A1, beaucoup plus écologique que le JP-1 utilisé par les turboréacteurs. La capacité des moteurs turbofan est bien meilleure tout en utilisant moins de combustible. Le compresseur prend 100 % d'air à comprimer mais divisé en deux parties : la première d'entre elles passe directement au secteur de la carburation et des turbines et 30 % y seront comprimés, combinés avec le combustible pour générer la carburation nécessaire, éliminant ainsi par l'échappement 100 % d'air chaud propulsant l'avion. Donc, de tout l'air chaud expulsé, seuls 30 % ont été mêlés au combustible.
Voir aussi
- Propulsion des aéronefs ;
- Taux de dilution (ou en anglais bypass ratio) ;
- Pulsoréacteur ;
- Turbocompresseur ;
- Turboréacteur ;
- Statoréacteur.
Références
- (es) José Manuel López Granero, « Estudio de un turbofan », UPCommons, (lire en ligne, consulté le )
- (es) « Vuelve el motor propfan, que ahorra 30% de combustible en los aviones »
- (en) « The Turbofan Engine » [archive du 24 avrill 2015], sur Columbus State University (consulté le )
- (en) Andreas Linke-Diesinger, « Engine anti-ice system » (consulté le )
- (en) « Airplane Turbofan Engine Operation and Malfunctions Basic Familiarization for Flight Crews » (consulté le )
- (en) Andreas Linke-Diesinger, Systems of Commercial Turbofan Engines : An Introduction to Systems Functions (lire en ligne)
Liens externes
- Portail de l’aéronautique
- Portail du génie mécanique