Trouble dissociatif de l'identité
Le trouble dissociatif de l'identité (TDI ; ou trouble de la personnalité multiple selon la CIM-10) est un trouble mental défini en 1994 dans le DSM par un ensemble de critères diagnostiques comme un type particulier de trouble dissociatif. Dans les deux systèmes de terminologie, le diagnostic requiert au minimum deux personnalités (qui sont aussi appelés alters, terme qui vient d'identités alternantes et qui est jugé moins déshumanisant) qui prennent le contrôle du comportement de l'individu et pouvant générer une perte de mémoire allant au-delà de l'oubli habituel ; de plus, les symptômes ne peuvent être l'effet temporaire d'un abus de substances ou d'une condition médicale généralisée[1]. Le TDI est moins répandu que les autres troubles dissociatifs, qui surviennent dans approximativement 1 % des cas, et est souvent comorbide avec d'autres troubles[2].
Spécialité | Psychiatrie et psychologie |
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CIM-10 | F44.8 |
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CIM-9 | 300.14 |
eMedicine | 916186 |
MeSH | D009105 |
Causes | Traumatisme psychologique, syndrome de stress post-traumatique complexe (en) et traumatisme infantile (en) |
Traitement | Psychothérapie, Soins de support (d), relation d'aide, psychoéducation et art-thérapie |
Mise en garde médicale
Il existe certaines controverses au sujet du TDI au stade d'hypothèses. La validité du TDI en tant que diagnostic médical a souvent été remise en question[3],[4]. Le TDI est plus fréquemment et systématiquement diagnostiqué en Amérique du Nord que dans le reste du monde[5],[6].
Signes et symptômes
Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), le TDI implique « la présence de deux ou plusieurs identités ou « états de personnalité » distincts qui prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet, s'accompagnant d'une incapacité à évoquer des souvenirs personnels[7]. » Chez chaque individu, les symptômes varient et le comportement peut souvent être inadapté à une situation vécue[8],[9]. Les patients peuvent faire l'expérience de symptômes pseudo-comitiaux qui ressembleraient à de l'épilepsie, schizophrénie (voir aussi sa confusion avec le sens commun), aux[réf. nécessaire] troubles anxieux, troubles de l'humeur, au[réf. nécessaire] trouble de stress post-traumatique, troubles de la personnalité et aux[réf. nécessaire] troubles des conduites alimentaires[8].
Les symptômes de l'amnésie dissociative, fugue dissociative et trouble de la dépersonnalisation sont liés aux diagnostics du TDI et ne sont jamais diagnostiqués séparément. Les individus peuvent être effrayés des symptômes du TDI (pensées intrusives ou émotions) et de leurs conséquences[10],[11].
Causes
Selon certains auteurs, ce trouble est lié à l'expérience d'événements traumatiques avant l'âge de 7 à 9 ans. [12], à une nutrition insuffisante durant l'enfance, ou à une capacité innée de dissocier des souvenirs ou des expériences vécues[8]. Un haut pourcentage de patients rapportent avoir été maltraité durant leur enfance[3],[13].
Les individus diagnostiqués de TDI rapportent avoir souvent vécu des agressions physiques et sexuelles, spécialement durant la petite à la deuxième enfance[14].
Controverse
Le TDI figure parmi les troubles dissociatifs les plus controversés et parmi les troubles les plus controversés du DSM-IV-TR.[15]
La controverse principale oppose l'idée selon laquelle le TDI est causé par un stress traumatique forçant l’esprit à se diviser en plusieurs identités, chacune avec un ensemble de souvenirs séparé[16],[17], et la conviction que certains symptômes sont engendrés par des pratiques psychothérapeutiques, les patients jouant alors un rôle qu'ils jugent correspondre à celui d'une personne atteinte de TDI [18],[19]. Il existe entre ces deux positions un désaccord intense. Les recherches, de plus, ont été menées selon une méthodologie de faible qualité [16]. Le psychiatre Joel Paris note que l'idée selon laquelle une personnalité serait capable de se diviser en plusieurs entités autonomes constitue une affirmation non prouvée qui contredit la recherche en psychologie cognitive[20].
Certains auteurs pensent que le TDI est causé par les soins psychiatriques, c’est-à-dire que les thérapeutes eux-mêmes induisent des symptômes de TDI, via l'hypnose notamment. Cette croyance implique également que les personnes atteintes de TDI sont plus susceptibles d'être manipulées par l'hypnose et plus vulnérables à la suggestion que d'autres. Le modèle iatrogène indique aussi parfois que le traitement du TDI est nocif. Mais selon Brand, Loewenstein et Spiegel, "les allégations selon lesquelles le traitement du TDI est nocif sont basées sur des cas anecdotiques, des articles d'opinion, des rapports de dommages, non étayés par la littérature scientifique, de la phénoménologie du TDI". Leur affirmation est attestée par le fait que seulement 5 % à 10 % des personnes recevant un traitement voient leurs symptômes s'aggraver[21].
Les psychiatres August Piper et Harold Merskey ont contesté l'hypothèse du traumatisme, arguant que la corrélation n'implique pas le lien de causalité (le fait que les personnes atteintes de TDI aient subi un traumatisme infantile ne signifie pas qu'il soit impossible de trouver le TDI dans les études longitudinales sur les enfants traumatisés). Ils affirment que TDI ne peut pas être diagnostiqué avec précision en raison de critères de diagnostic vagues et malléables du DSM et de la présence de concepts non définis, tels que ceux d'"état de personnalité" et d'"identités", et remettent en question les preuves de maltraitance infantile au-delà des témoignages individuels[22].
Le psychiatre Colin Ross est quant à lui en désaccord avec la conclusion de Piper et Merskey selon laquelle le TDI ne pourrait pas être diagnostiqué avec précision, indiquant une cohérence interne entre différents entretiens structurés sur les troubles dissociatifs (s'appuyant notamment sur la DES, la SCID-D ainsi que la DDIS). Selon lui, Piper et Merskey fixent la norme de preuve plus haut que pour d'autres diagnostics. Il affirme également que Piper et Merskey ont sélectionné certaines données et n'ont pas incorporé toute la littérature scientifique disponible, comme des preuves indépendantes corroborant un traumatisme[23].
Histoire
Avant le XIXe siècle, des individus qui montraient des symptômes similaires pensaient être possédés par des esprits[2]. Le premier cas de TDI aurait été décrit par Paracelse. Au XIXe siècle, le « dédoublement » ou double conscience, le précurseur historique du TDI, était fréquemment décrit comme un état de somnambulisme, suggérant que le somnambule passait d'un comportement normal à un « état de somnambulisme »[24]. Un très fort intérêt pour le spiritualisme, la parapsychologie et l'hypnose s'ensuit durant le XIXe siècle et au début du XXe[6]. Le XIXe siècle a vu naître de nombreuses personnalités[pas clair] estimées à 100 par Rieber[25]. Dans certains cas, l'épilepsie était considérée comme un facteur de risque[25].
Depuis le cas spectaculaire de Christine Beauchamp (pseudonyme) (en) présenté par Morton Prince en 1906, la question des personnalités multiples avait sombré dans un relatif oubli. C'est surtout après la publication de l'ouvrage Sybil, en 1973, qui a été un immense succès de diffusion, que des cas ont été à nouveau décrits. Parallèlement, la figure de la personnalité multiple commençait à apparaître dans des films de fiction, dans les talk-shows ; un thème exploité dans le roman de Mary Higgins Clark Nous n'irons plus au bois (1992) et dans la série américaine United States of Tara (2008). Ce regain d'intérêt a conduit les concepteurs du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, classification américaine des maladies mentales de référence, à introduire ce trouble dans la troisième version de leur manuel : le DSM-III.
Le trouble de la personnalité multiple est décrit pour la première fois en Amérique du Nord dans les années 1980, notamment à la suite de l'affaire Billy Milligan. De tels troubles, quoique rares, avaient été décrits depuis des temps anciens, et puis plus particulièrement à la charnière entre le XIXe siècle et le XXe siècle en France à partir des travaux notamment de Pierre Janet. Ces cas restaient rares, mais dans les années 1980 on a assisté à une véritable explosion de ces troubles, si bien que certains ont parlé d'« épidémie ». Cela s'est accompagné de nombreuses dérives, alors qu'une large partie de la communauté scientifique restait sceptique. Il est frappant de voir qu'après un apogée, ce diagnostic a de nouveau quasiment disparu. Il a d'ailleurs été renommé dans le DSM-IV en trouble dissociatif de l'identité.
Dans la culture populaire
Certaines franchises de films traitent de ce sujet. Certains de ces films sont exagérés pour affiner le genre du film (que ce soit un film d'horreur ou un thriller).
- 1996 : Peur primale de Gregory Hoblit
- 1998 : Xenogears (jeu vidéo) de Tetsuya Takahashi (SquareSoft)
- 1999 : Fight Club de David Fincher
- 2003 : Identity de James Mangold
- 2009 - 2011 : United States of Tara de Diablo Cody
- 2017 : Split de M. Night Shyamalan[26]
Notes et références
- (en) « Mental Health: Dissociative Identity Disorder (Multiple Personality Disorder) », sur Webmd.com (consulté le )
- Sadock 2002, p. 681
- (en) « Dissociative Identity Disorder, patient's reference », sur Merck.com, (consulté en )
- (en) Carroll RT, « Multiple personality disorder (dissociative identity disorder) », sur Skeptic’s Dictionary, (consulté le )
- (en) Paris J, « Review-Essay : Dissociative Symptoms, Dissociative Disorders, and Cultural Psychiatry », Transcult Psychiatry, vol. 33, no 1, , p. 55–68 (DOI 10.1177/136346159603300104)
- (en) Atchison M, McFarlane AC, « A review of dissociation and dissociative disorders », The Australian and New Zealand journal of psychiatry, vol. 28, no 4, , p. 591–9 (PMID 7794202, DOI 10.3109/00048679409080782)
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- (en) « Dissociative Identity Disorder », sur Merck.com, (consulté le )
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- (en) [PDF] Spiegel, D.; Loewenstein, R. J.; Lewis-Fernández, R.; Sar, V.; Simeon, D.; Vermetten, E.; Cardeña, E.; Dell, P. F., « Dissociative disorders in DSM-5 » (consulté le )
- (en) J.R. Maldonado, R.E. Hales (dir.), S.C. Yudofsky (dir.), G.O. Gabbard (dir.) et Alan F. Schatzberg (préface), D. Spiegel, The American Psychiatric Publishing textbook of psychiatry, Washington, DC, American Psychiatric Association, , 5e éd., 681–710 p. (ISBN 978-1-58562-257-3, lire en ligne), « Dissociative disorders — Dissociative identity disorder (Multiple personality disorder) »
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- (en) Kluft RP, « Current Issues in Dissociative Identity Disorder », Bridging Eastern & Western Psychiatry, vol. 1, no 1, , p. 71–87 (lire en ligne)
- Association américaine de psychiatrie, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV TR (Text Revision)), Arlington, VA, États-Unis, American Psychiatric Publishing, Inc., , 943 p. (ISBN 978-0-89042-024-9, DOI 10.1176/appi.books.9780890423349, lire en ligne), p. 943
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- DOI: 10.1177/1745691612437597
- (en) Rieber RW, The duality of the brain and the multiplicity of minds: can you have it both ways?, vol. 13, , 3–17 p. (PMID 12094818, DOI 10.1177/0957154X0201304901)
- Split de Night Shyamalan
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la santé :
- Site web consacré au TDI ou trouble de la personnalité multiple
Bibliographie
- (en) Benjamin J. Sadock et Virginia A. Sadock, Kaplan and Sadock's Synopsis of Psychiatry : Behavioral Sciences/Clinical Psychiatry, Lippincott Williams & Wilkins, , 9e éd., 1460 p. (ISBN 0-7817-3183-6)
- Morton Prince. La Dissociation d'une personnalité. Étude biographique de psychologie pathologique. Le cas Miss Beauchamp (1906 - 1911), Ed. L'Harmattan, 2005, (ISBN 2-7475-8809-2)
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