Traitement involontaire

Le traitement involontaire, aussi nommé, surtout par ses détracteurs, traitement forcé, consiste à contraindre une personne à poursuivre un traitement médical, que ce soit sous forme d'hospitalisation (voir aussi hospitalisation sans consentement) ou de « programme de soins ». Les traitements peuvent inclure l'injection involontaire de neuroleptiques ou encore l'électroconvulsivothérapie. Le traitement involontaire peut être employé en psychiatrie, mais aussi dans le cadre du sevrage par rapport à l'alcool, aux drogues ou à certains comportements, comme dans le cadre de la dépendance aux jeux vidéos.

Motivations

Aspect éthique

Il est parfois avancé que la loi laisse une place aux jugements individuels lors de la prise de décisions concernant le traitement involontaire et que la coercition informelle serait parfois utilisée comme alternative à une décision formelle au sujet du traitement involontaire. Une grande partie du raisonnement se concentre sur les conséquences de l'ordonnance de traitement involontaire, où le risque de nuire à l'alliance thérapeutique était mis en balance avec les conséquences positives consistant s'assurer que les patients reçoivent les soins nécessaires[1].

L'autonomie est parfois considérée comme une raison du traitement involontaire afin de faciliter une prise de décision autonome. Ont également été soulevées des questions liées à l'organisation et à l'environnement des soins de santé, et il a été avancé que certaines décisions concernant le traitement involontaire pourraient être évitées, si l'organisation des soins de santé étaient davantage axée sur le patient (voir Approche centrée sur la personne)[1].

Aspect légal

La volonté de légiférer en matière de santé mentale est que celles-ci seraient adaptées aux besoins des personnes atteintes de maladies mentales qui n'ont pas accès à l'hospitalisation et au traitement de leur plein gré. L'accès aux traitements hospitaliers peut être considéré comme un progrès pour les personnes qui ne sont pas physiquement dangereuses mais dont la maladie non traitée causera un préjudice ou une détérioration importante afin d'accéder plus rapidement à un traitement, à condition qu'il soit disponible[2].

Controverses

Risque de discrimination au handicap

L'interprétation de la Convention relative aux droits des personnes handicapées exige de prendre en considération les extraits suivants[3] :

Article 14, paragraphe 1, point b)

L'existence d'un handicap ne peut en aucun cas justifier une privation de liberté.

Article 25

Les États parties reconnaissent que les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap.

De ce fait, l'application d'un traitement involontaire doit être réalisée sous un aspect qui ne serait pas fondée sur la discrimination au handicap, s'efforçant de recueillir le consentement éclairé et volontaire de la personne quant à l'intérêt du traitement, dès qu'il est possible de le faire. Des estimations de la capacité à la prise de décision, qui seraient neutres relativement au handicap, ont été proposées[3].

Demande de protocoles de respect des droits de l'homme

Le rapporteur spécial de l'Organisation des Nations Unies sur la torture Juan Medez, dans son rapport[4] de , cite les interventions psychiatriques forcées (telles que la psychochirurgie, les électrochocs et l'administration de médicaments psychotropes, notamment les neuroleptiques) parmi les pratiques pouvant constituer des actes de torture ou des mauvais traitements. Les autres pratiques médicales qui peuvent constituer des tortures ou des mauvais traitements sont la contrainte et l'isolement, l'avortement ou la stérilisation forcés et l'internement involontaire dans des institutions psychiatriques. Le contexte médical lui-même est celui où « de graves violations et discriminations à l'encontre des personnes handicapées peuvent être masquées comme de bonnes intentions de la part des professionnels de la santé »[5].

Dans ses conclusions, le rapporteur spécial appelle les États à ratifier et à mettre en œuvre la Convention sur les droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, à légiférer sur la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées et à veiller à ce qu'un soutien à la prise de décision soit fourni si nécessaire, et à publier des lignes directrices sur le consentement libre et éclairé conformément à la Convention. Il appelle à un contrôle indépendant afin de vérifier le respect des droits de l'homme dans les institutions où les personnes handicapées peuvent résider, et demande que les mécanismes des Nations unies et les mécanismes régionaux des droits de l'homme tiennent compte de la Convention et intègrent ses normes dans leurs travaux[5].

Discernement et capacité mentale : des notions à reconstruire

Selon Tina Minkowitz, fondatrice du Centre pour les droits de l'homme des usagers et survivants de la psychiatrie, fonder la possibilité du traitement involontaire sur des évaluations implicites ou explicites du discernement des personnes entre en contradiction avec l'article 12 de la Convention sur les droits des personnes handicapées, qui impose le respect de la faculté d'autonomie et d'autonomisation des personnes hospitalisées en psychiatrie. Pour elle, la capacité de discernement ne doit pas être vue comme une pré-condition de l'autonomie, mais comme un processus qui doit être reconstruit au-delà d'une perception purement pathologisante et institutionnalisante du trouble mental[6].

De ce fait, tant qu'il ne se donne pas pour objet de respecter la capacité juridique des personnes handicapées, le traitement psychiatrique forcé est une violation grave des droits de l'homme, même lorsqu'il est fait avec les meilleures intentions, et es États qui ne font pas les réformes nécessaires pour éliminer les traitements forcés et l'institutionnalisation peuvent se trouver en contradiction avec leurs obligations de mettre fin de manière effective à la torture et aux mauvais traitements[5].

Références

  1. Manne Sjöstrand, Lars Sandman, Petter Karlsson et Gert Helgesson, « Ethical deliberations about involuntary treatment: interviews with Swedish psychiatrists », BMC Medical Ethics, vol. 16, (ISSN 1472-6939, PMID 26016885, PMCID 4446957, DOI 10.1186/s12910-015-0029-5, lire en ligne, consulté le )
  2. John E. Gray, Thomas J. Hastings, Steven Love et Richard L. O’Reilly, « Clinically Significant Differences among Canadian Mental Health Acts », Canadian Journal of Psychiatry. Revue Canadienne de Psychiatrie, vol. 61, no 4, , p. 222–226 (ISSN 0706-7437, PMID 27254414, PMCID 4794956, DOI 10.1177/0706743716632524, lire en ligne, consulté le )
  3. George Szmukler, Rowena Daw et Felicity Callard, « Mental health law and the UN Convention on the rights of persons with disabilities », International Journal of Law and Psychiatry, vol. 37, no 3, , p. 245–252 (ISSN 0160-2527, PMID 24280316, PMCID 4024199, DOI 10.1016/j.ijlp.2013.11.024, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Aaron Levin, « UN Report Says Common Psychiatric Practices Amount to ‘Torture’ », Psychiatric News, (DOI 10.1176/appi.pn.2014.5a11, lire en ligne, consulté le )
  5. « UN Forced Psychiatric Treatment Is Torture | NARPA », sur www.narpa.org (consulté le )
  6. Discernment as process, not precondition, Tina Minkovitz, 2019

Liens annexes

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