Traité de Washington (1871)

Le traité de Washington est un traité entre le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique pour régler les divers différends entre les deux gouvernements, principalement ceux évoqués au cours des réclamations de l'Alabama.

Pour les articles homonymes, voir Accords de Washington.
Les hauts-commissaires britanniques au traité de Washington. Debout, de gauche à droite : Charles Abbott, John A. Macdonald, et Montague Bernard. Assis, de gauche à droite : Stafford Northcote, George Robinson, et Edward Thornton.

Contexte

La relation entre les États-Unis et la Grande-Bretagne avant le traité

Les relations entre les États-Unis et la Grande-Bretagne sont déjà importants avant les événements du Traité de Washington. Si nous remontons au tout début des États-Unis, sous le nom des 13 colonies, ceux-ci représentent une vaste colonie britannique au sein des Amériques. Cependant, avec le mouvement des révolutions à la fin du 18e siècle, les 13 colonies se détachent de la Grande-Bretagne pour devenir un pays. Certes, leur lien s’est maintenu longtemps après sur une base économique, mais les États-Unis ont connu un siècle difficile. Parmi ces difficultés, on peut observer un lien commun autour de la question du territoire. Par exemple, en 1839[1], éclate la Guerre d’Aroostok. Cette guerre n’a pas provoqué d’événements sanglants . Elle consiste en une intrusion systématique au bord de l’État du Maine aux États-Unis par des bûcherons canadiens. L’autre problème de territoire en lien avec la Grande-Bretagne se situe dans le partage du territoire de l’Oregon. En effet, la construction de forts proche de la piste de l’Oregon amène les Britanniques à s’inquiéter pour leur possession de ce territoire. Puis, la nomination du président américain James Polk, en 1844[1], vient accentuer cette inquiétude. Celui-ci a prévu dans son mandat de prendre complètement possession du territoire de l’Oregon. Plusieurs autres cas de conflits éclatent avant le traité de Washington[2]. Sous la doctrine de Monroe, les Américains essaient de contester la tentative d’expansionnisme des Britanniques sur le territoire d’Amérique centrale.  La Grande-Bretagne tente de créer un chemin transocéanique en perçant l’isthme de Panama. Ceci aboutit à un autre traité en 1850[1] où les protagonistes concluent que personne ne peut influencer de l’extérieur la tentative d’un chemin transocéanique. Enfin, dans une dernière tentative d’expansionnisme, la Grande-Bretagne tente de transformer les îles de la Baie en l’une de ses colonies. Ceci vient rajouter les dernières gouttes d’huiles sur le feu et vient enflammer les États-Unis. Quelques coups de feu sont lancés contre les établissements côtiers des îles britanniques. Après plusieurs interventions, la Grande-Bretagne renonce à sa propriété des îles en 1860[1].

Le dernier élément important qui précède la mise en en place du Traité de Washington est la relation entre la Grande-Bretagne et les États-Unis durant la Guerre civile. Ceci permit de créer un ressentiment assez grand contre les Britanniques du côté des Américains. En ordre chronologique, voici brièvement les différents événements qui lient les deux pays. En premier, de 1861 à 1863 il y a l’affaire de Trent et de Chesapeake[3]. Puis, plus tard le navire Alabama, qui est un élément principal du traité de Washington, coule plusieurs navires américains dans une traite entre le nord des États-Unis et la Grande-Bretagne. L’Alabama[4](ou CSS Alabama) est un bateau construit par l’Angleterre et donné aux États confédérés lors de la Guerre de Sécession. En plus du corsaire, l’Angleterre donna le droit aux Confédérés de faire des escales dans les ports coloniaux britanniques pour s’approvisionner et pour réparer les bateaux. Le problème était que la Grande-Bretagne avait signé le British Neutrality Act. Cela interdisait à la Grande-Bretagne de participer ou d’aider et donc, de fournir des bateaux de guerre aux Confédérés. Ce navire a coulé de nombreux bateaux de commerce. C’est celui-ci qui en majeur parti va faire en sorte que les États-Unis décident de fermer le traité de réciprocité en 1866. Enfin, il y a la présence des conspirationnistes du Sud qui mènent leurs opérations à partir du Canada. Ceux-ci vont mener deux raids contre les États-Unis. Ceux-ci sont des patriotes irlandais qui se sont émigrés aux États-Unis. À la fin de la Guerre civile, de 1866 à 1871, les fenians ont pour but de conquérir le sud du Canada pour le donner à l’Angleterre[5]. Les membres de ce groupe ont participé à la Guerre de Sécession et sont en colère contre la Grande-Bretagne. Ils veulent posséder le Canada pour le donner à l’Angleterre dans le but de posséder une indépendance irlandaise. Plusieurs attaques au cours de ces années vont avoir pour but de conquérir une petite partie de territoire. Par exemple, après l’échec de la bataille de Ridgeway, ils tentent de traverser la frontière d’Huntington, mais rapidement ils sont rattrapés par les troupes canadiennes et britanniques où les fenians rebroussent chemin et se font capturer à Pigeon Hill[5]. Ces raids démontrent après plusieurs raids que le Canada ne possède pas une excellente défense militaire, ce qui va mener plus tard vers une restructuration de la milice. Ces nombreuses attaques contre les États-Unis mènent à la fin du traité de réciprocité en 1866[3].

Le Canada et la Grande-Bretagne durant le traité

Le Canada a déclaré en 1867[6] la Confédération, proclamant sa légitimité en tant que pays et non comme une colonie britannique. Cependant, le Canada reste sous le joug de la couronne britannique, notamment pour les relations internationales. Ainsi, le Canada devient un dominion en rassemblant le Canada-Uni, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Dans la discussion du traité de Washington, le Canada est invité à participer comme représentant de la Grande-Bretagne. Parmi ses ambassadeurs, on peut retrouver John A. Macdonald qui est le premier ministre du Canada[7]. Durant le traité, la Grande-Bretagne avec les États-Unis convient qu’au niveau des pêches, ils sont prêts à rouvrir le traité de réciprocité pendant dix années[6]. Durant cette décennie, les États-Unis se devaient de faire un libre-échange au niveau des pêches et des huiles et même qu’ils vont compenser un certain montant.  Durant cette entente, le Canada est en désaccord avec les ententes prises par les représentants britanniques. En effet, John A. Macdonald reproche d’avoir fermé la possibilité d’ouvrir le marché américain. Ceci représente bien la situation du Canada après la Confédération. Faisant partie encore de la Grande-Bretagne, les acteurs canadiens peuvent participer aux ententes les concernant, mais la décision reste prise en majorité par les Britanniques en fonction de leurs propres intérêts.

Le Traité de Washington

Amorcé en 1871, le traité de Washington se déroule entre le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Chaque pays se présente avec une série de réclamations qui visent à régler différents enjeux. Ainsi, les différents partis délibèrent au sujet des demandes d'indemnité des États-Unis en raison des pertes subies à la suite des déprédations commises par l’Alabama, la question de la possession des îles de San Juan dans le détroit de Géorgie, la reprise de la pêche par les Américains sur les côtes du Canada et de Terre-Neuve et le dédommagement du Canada à la suite des raids des fenians.

Demandes d'indemnités des États-Unis

L’Alabama à lui seul causa 15 millions de dollars en dommages, une augmentation significative des primes d'assurance qui ont ruiné plusieurs négociants américains, des pertes matérielles ainsi que des pertes humaines[4]. Les États-Unis se sont donc présentés à Washington en 1871 dans l’intention de recevoir une compensation pour les dommages causés par l’Alabama.

La pêche sur les côtes du Canada et de Terre-Neuve

En 1854, le traité de réciprocité entre les États-Unis et le Canada stipulait que chaque partie pouvait pêcher dans les eaux territoriales de l’autre[8]. En échange du droit de pêcher en eaux canadiennes, les États-Unis ont éliminé de 21% les douanes sur les importations de ressources naturelles. Profitable pour les deux pays, le traité fut tout de même abrogé par les États-Unis en 1866. Ainsi, conscient des avantages que procurent la pêche en eaux canadiennes, les États-Unis ont remis d’actualité ce sujet lors des négociations du traité de Washington en 1871.

La possession des îles de San Juan dans le détroit de Géorgie

Les îles de San Juan sont un archipel situé entre l'île de Vancouver et le territoire de Washington. Résultant du partage du territoire de l’Oregon en 1869[4], la frontière de ces îles était contestée. Comme le Canada et les États-Unis se disputent le territoire, ils durent faire appel à un arbitre neutre pour se prononcer officiellement sur la question. En ce qui concerne les raids des Fenians expliqués précédemment, le Canada juge qu’il a droit à une compensation pour les dommages qui lui ont été infligés. Le pays tente donc d’inclure ce point dans le traité de Washington malgré les protestations des États-Unis.

Conséquences et résultats

Après de nombreuses délibérations entre le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis, les pays en sont venus à un consensus. En ce qui concerne la question des indemnités de l’Alabama, la Grande-Bretagne et les États-Unis organisèrent un tribunal d'arbitrage[9] composé de cinq membres. Se déroulant à Genève en 1872, ils conclurent que 15,5 millions de dollars seraient donnés aux États-Unis en compensation[3]. Après des négociations difficiles dans lesquelles Macdonald doit se défendre contre les États-Unis et la Grande-Bretagne pour protéger l’intérêt des Canadiens, les États-Unis obtiennent le droit de pêcher sur la côte canadienne pendant 12 ans. En échange, ils concèdent la vente libre du poisson canadien sur le marché américain et un paiement de 5,5 millions de dollars[3]. En ce qui concerne la possession des îles de San Juan, le problème est réglé par l’Allemagne. Le pays européen sert d’arbitre et concède le territoire aux États-Unis.

Le traité de Washington permet un développement économique avec la Grande-Bretagne pour une dizaine d’années. Ce traité va permettre de rembourser les nombreux bris faits à l’encontre de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Cependant, ce traité qui reste encore assez méconnu dans l’histoire du Canada possède une grande importance dans l’évolution de la structuration militaire du pays. Dès que le Parti libéral de Mackenzie prit possession du pouvoir au Canada, on a vu une restructuration se faire. En 1876, l’école militaire de Kingston ouvre ses portes permettant de former plus de militaires. Autre fait, le traité de réciprocité a permis au Canada de prendre conscience de sa place face à la Grande-Bretagne dans les décisions politiques, ce qui a permis au pays de se réaffirmer comme une nation les années suivantes.

Notes et références

  1. Philippe Chassaigne, La Grande-Bretagne et le monde, 1815 à nos jours, France, Armand Colin, , 320 p., p. 123
  2. R. A Preston, La politique canadienne de défense et le développement de la nation canadienne: 1867-1917, Ottawa, La Société Historique du Canada, , 26 p., p. 26
  3. « Traité de Washington | l'Encyclopédie Canadienne », sur www.thecanadianencyclopedia.ca (consulté le )
  4. Aissatou Sy Wonyu, Les États-Unis et le monde au 19e siècle, France, Armand Colin, , 320 p., p. 248
  5. « Raids des fenians | l'Encyclopédie Canadienne », sur www.thecanadianencyclopedia.ca (consulté le )
  6. Pierre Trudel, Le traité de réciprocité, 1854, Ottawa, Les éditions de l'Université d'Ottawa, , 117 p., p. 90
  7. (en) P. B Waite, Macdonald his life and world, Toronto, Mcgraw-Hill Ryerson Limited, , 224 p.
  8. Joseph Gough, La gestion des pêches au Canada: des premiers jours jusqu'en l'an 2000, Sillery, Les Éditions du Septentrion, , 631 p., p. 71
  9. René David et René Jean Dupuy, « Arbitrage, droit », sur Encyclopaedia Universalis

Annexes

Bibliographie

  • Pierre Trudel, Le Traité de réciprocité de 1854, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, , 135 p.
  • Philippe Chassaigne, La Grande-Bretagne et le monde de 1815 à nos jours, Paris, Armand Colin, , 352 p. (ISBN 9782200285104)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la guerre de Sécession
  • Portail du Royaume-Uni
  • Portail des États-Unis
  • Portail du droit
  • Portail des relations internationales
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.