Tour (échecs)

La tour (♖, ♜) est une pièce du jeu d'échecs.

Pour les articles homonymes, voir Tour.

Position initiale et déplacement

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La tour blanche peut se déplacer vers n'importe quelle case marquée d'un point blanc. La tour noire peut se déplacer vers n'importe quelle case marquée d'un point noir ou capturer le pion blanc.
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Position initiale des tours.

La tour peut se déplacer horizontalement ou verticalement. Cette pièce est à longue portée, c'est-à-dire qu'elle peut être déplacée d'autant de cases qu'on le souhaite, sans pouvoir sauter par-dessus une autre pièce. Le rayon d'action de la tour, contrairement à celui du fou, ne dépend pas de sa place sur l'échiquier[1]. En effet, une tour, qu'elle soit placée en a1, d8 ou e4, contrôlera toujours le même nombre de cases : 14 ; et le fait d'être centralisée, au contraire des autres pièces, n'influe pas sur l'efficacité de la tour[1].

Chaque camp possède deux tours. Elles se positionnent sur les cases a1 et h1 pour les blancs et a8 et h8 pour les noirs.

Histoire

Gravure égyptienne représentant un char hittite.
Tour en ivoire d’éléphant d’un jeu d’échecs du XIe siècle provenant d’Italie méridionale, dit de Charlemagne.

À l'origine, la tour représentait un char. Le mot persan rukh signifie chariot, et les pièces correspondantes dans les jeux de xiangqi et shogi sont nommées chariot. Les chars de guerre perses disposaient de solides armures et d'au moins un archer. Dans Le Livre des Eschecs avec son invention, Science et Pratique (1609), traduction française du Libro de la invención liberal y arte del juego del axedrez (es) de Ruy López (1561), les tours sont appelées « rocs »[2].

En Occident, la tour est traditionnellement représentée par une tour crénelée. Une explication possible est que le mot rukh a été transformé en rocca (forteresse) quand le jeu fut introduit en Italie.

Une autre explication est fournie par l'archéologue canadien John Peter Oleson (en) : le char perse auraient évolué en un carré, avec deux protubérances représentant les chevaux, sous l'influence des conquérants musulmans qui préféraient des éléments stylisés plutôt que figuratifs. Puis, quand le jeu a atteint l'Europe, ces deux bosses ont été interprétées comme les créneaux d'une fortification, et la pièce est ainsi devenue la tour d'un château-fort, jusqu'à nos jours[3].

Stratégie

La valeur de la tour est généralement estimée à cinq pions, c'est donc la pièce la plus forte après la dame. La dame et les tours sont appelés pièces lourdes, par opposition aux pièces légères que sont les cavaliers et les fous. Dans le milieu de partie, un fou et un cavalier seront en général plus forts qu'une tour et un pion, mais cet effet s'inverse en finale[1]. La valeur de la tour seule augmente à mesure que des pièces s'échangent sur l'échiquier[4].

Au début de la partie, les tours sont éloignées du centre et bloquées par les pièces voisines, elle n'entrent généralement en jeu qu'à partir du milieu de partie, après la mobilisation des cavaliers, des fous, des pions du centre et du roque, qui permet de mettre les tours en relation.

Alekhine-Yates 1922[5].
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Position après le 33e coup noir. Alekhine a dominé la colonne c grâce à ses tours. Il suit 34. Tf7 Rh7 35. Tcc7 et une attaque de mat victorieuse.
Capablanca-Tartakover 1924[6].
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Position après le 28e coup noir. Après 29. Th1 Rf8 30. Th7, Capablanca envahit la 7e rangée.
Alekhine - Nimzowitsch 1930[7].
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Position après 26.Dc1. Alekhine exerce une pression intense sur la colonne c grâce au placement de la dame et des deux tours en batterie.

Une tour a besoin d'espace, avec des lignes ouvertes, verticales ou horizontales pour déployer son influence[1]. La tour est idéalement placée sur une colonne ouverte ou semi-ouverte, c'est-à-dire une colonne où sa portée n'est pas limitée par un de ses propres pions[1]. Les tours sont redoutables quand elles sont placées sur une même ligne ou colonne ; elles se protègent alors mutuellement et sont dites « en batterie ». Si une tour parvient à la 7e rangée (ou la 2e pour les Noirs) elle permettra en général un gain de matériel[1].

La finale élémentaire roi et tour contre roi seul aboutit au mat sans difficulté technique, tout comme la finale avec deux tours contre un roi seul.

Lorsqu'une tour sur la première rangée donne des échecs au roi qui se trouve sur la dernière rangée, il faut six coups au roi pour arriver jusqu'à la tour et se préserver ainsi d'un échec[1]. Ce qui montre aussi que la tour perd une partie de son efficacité lorsqu'elle se trouve proche de son objectif et peut plus facilement être attaquée[1].

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Échec et mat avec deux tours.
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Échec et mat avec roi et tour.
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Le mat du couloir.

Les finales de tours avec et sans pions sont abondamment étudiées par la littérature des échecs. Certaines, comme la finale tour et fou contre tour, peut s'avérer complexe.

De façon générale, les tours sont le mieux placées derrière les pions passés, les siens comme ceux de l'adversaire (c'est la règle de Tarrasch). La tour appuie l'avancée d'un pion de sa couleur qui se trouve sur la même colonne qu'elle et freine celle d'un pion adverse[1].

Avec une tour et un pion contre une tour, le gain varie, certaines positions clés sont bien connues pour n'aboutir qu'à la nulle ou au contraire mener au gain.

Avec une tour et deux pions contre une tour, la finale est généralement gagnante, surtout si les pions sont liés.

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Nulle indépendamment du trait (Pachman 1976, p. 91)
Position de Lucena
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Les Blancs gagnent (Pachman 1976, p. 96)
Zukertort-Steinitz 1883
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Trait au Blancs. Dans cette position les Blancs auraient pu gagner avec 1. Th5 Rg6 2. Tf5 et après 3. Tf3 le roi se fraie un chemin pour soutenir l'avance des pions, mais ils choisissent une autre voie.
Henley-Bonin, New York 1983
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Trait aux Blancs : les Noirs annulèrent[note 1]

Les finales avec tours et pions sont réputées être parmi les plus difficiles. Le dernier exemple ci-dessus est frappant où un Grand maître international ne parvint pas à l'emporter malgré l'avantage de trois pions face à un adversaire moins bien classé de deux cents points Elo.

Tour et promotion

Dans les parties amateur, une tour renversée est parfois utilisée pour représenter la dame issue de la promotion d’un pion en l’absence de dame disponible. Cette pratique est proscrite en tournoi.

Notation

Dans la notation algébrique en français, la tour est représentée par la lettre T, comme en allemand (pour turm) ou en espagnol (pour torre). La notation en anglais emploie la lettre R (pour rook).

Symboles

En Unicode, les symboles sont :

Notes et références

Notes

  1. Il suivit: 41. f6 Tg1+ 42. Rf3 Tg3+ 43. Rf4 Txb4+ 44. Rf5 Tf3+ 45. Txf3 Tb5+ 46. Re6 Te5+ 47. Rf7 Te7+ 48. Rg8 Tg7+ 49. Rh8 Tg8+ 50. Rh7 Tg7+ 51. fxg7 1/2-1/2. La dernière tour noire est appelée pièce enragée car elle ne cesse de donner des échecs menant à la nullité, soit par échec perpétuel, soit par un pat à la suite de sa capture.

Références

  1. Grigory Löwenfisch et Vassily Smyslov, Finales de Tours, Hatier, , 198 p. (ISBN 978-2-218-07259-8), p. 13
  2. Jean Micar, Le Livre des Eschecs avec son invention, Science et Pratique, Rue des Carmes à Paris, .
  3. (en) Ariel David, « World’s Oldest Surviving Chess Piece Unearthed in Jordan : The strange figurine isn’t a tiny altar, it’s a rook and demonstrates a stage in the evolution of the chess castle from a Persian chariot, archaeologist says » La plus ancienne pièce d'échecs du monde découverte en Jordanie »], sur https://www.haaretz.com/, (consulté le )
  4. José Raúl Capablanca, Principes fondamentaux du jeu d'échecs, Payot, , 178 p. (ISBN 2-228-88148-1), p. 28
  5. (en) Alekhine-Yates, Londres 1922 sur ChessGames.com
  6. (en) Capablanca-Tartakover, New York 1924 sur ChessGames.com
  7. (en) Alekhine-Nimzowitsch, San Remo 1930 sur ChessGames.com

Annexes

Bibliographie

  • Ludek Pachman (trad. de l'allemand), La Stratégie moderne, Paris, Grasset Europe-Échecs, , 223 p. (ISBN 2-246-30741-4)
  • Ludek Pachman, Théorie élémentaire 3 : les finales, Payot Diffec, (ISBN 2-228-15281-1)

Articles connexes

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