Titisme

Le terme de titisme (parfois appelé « titoïsme ») est utilisé pour décrire la version de l'idéologie communiste adoptée après 1948 par Tito, dirigeant de la République fédérative socialiste de Yougoslavie. Il dérive du nom de guerre de son principal inspirateur.

Historique

Le maréchal Tito, leader des résistants yougoslaves au nazisme

Josip Broz Tito participa durant l'entre-deux-guerres aux activités du Parti communiste yougoslave clandestin, puis mena diverses missions en Europe pour le compte du Komintern, héritant des noms de guerre de « Walter », puis de « Tito ». Revenu en Yougoslavie à la fin des années 1930, il prit la tête du Parti communiste. Durant la Seconde Guerre mondiale, il prit la tête de la résistance communiste en Yougoslavie et parvint, au bout de quatre ans de résistance aux nazis, à triompher de l'ensemble de ses adversaires et à réunifier sous sa bannière la Yougoslavie qui avait été démembrée à la suite de l'invasion de 1941.

Les premières dissensions Tito-Staline

Le régime yougoslave a d'abord fait allégeance, de 1945 à 1948, au Stalinisme. Mais selon l'historien Jean-Jacques Marie[1], il avait été question à Moscou de liquider Tito dès la fin des années 1930, et après la guerre d'Espagne, au cours de laquelle Tito participe au recrutement et à l'organisation du bataillon Dimitrov, unité balkanique des Brigades internationales, dont une partie des ex-combattants seront tués par les Russes.

Par la suite, le titisme a opté pour un allègement de la répression politique. Dans le contexte de la guerre froide, il se veut alors une voie socialiste indépendante de celle préconisée par l'Union soviétique, et généralement opposée à celle-ci. A partir de 1947 et jusqu'en 1952, des Brigades de travail en Yougoslavie, composée de jeunes bénévoles des pays occidentaux venus découvrir le pays pendant quelques semaines l'été, traduisent l'intérêt pour l'expérience yougoslave, mais se heurtent très vite à la condamnation des partis communistes d'Europe occidentale.

En 1948, la rupture Tito-Staline survient après que l'URSS a échoué à soumettre comme elle l'entendait la Yougoslavie communiste.

Le Kominform exclut le Parti communiste de Yougoslavie et dénonce la déviation nationaliste de Tito. Le terme est initialement utilisé de manière péjorative, l'accusation de « titisme » est utilisée dans le cadre des purges des appareils communistes.

Origines géopolotiques

Le conflit aurait eu pour origine le projet de fédération balkanique de Tito, Staline se plaignant de ne pas en avoir été informé à temps, même si Tito a rapidement accepté un accord prévoyant une consultation préalable de Moscou pour la politique extérieure. Les Bulgares sont inquiets car au cours de l'entrevue Tito-Dimitrov de 1947 il avait été décidé que la région de Pirin (Macédoine bulgare) puisse être donnée à une république macédonienne en échange de régions frontalières accordées à la Yougoslavie à Versailles, rendues à la Bulgarie[2].

Une crise contemporaine du Blocus de Berlin

La résolution du Kominform du condamnant les dirigeants du parti communiste yougoslave avait une portée au-delà des communistes yougoslaves[3], dénonçait avec une violence particulière tous les communistes qui sympathisaient avec les « titistes », alors que la rupture n'était pas encore connue[4]. Elle suscite pourtant « étonnement et stupeur, tant elle paraissait invraisemblable ». La Yougoslavie était une alliée fidèle de l'U.R.S.S. et « rien ne laissait prévoir une telle mesure d'expulsion », même si un rapport de de l'ambassade des Etats-Unis à Belgrade[3] évoquait le retrait des portraits de Tito en Roumanie[3], tandis que des dissensions étaient évoquées dans un article du quotidien français Le Figaro, dès le . En juillet 1948 aussi débuta le blocus de Berlin[3] par l'URSS. L'intervention soviétique, vingt ans plus tard, en , en Tchécoslovaquie suscita chez les Yougoslaves la crainte d'une action analogue de l'URSS[3] contre leur pays.

Les conséquences en Europe occidentale

En 1948 en France, le pays d'Europe occidentale où le communisme était le mieux implanté, au comité central du PCF organisé du 8 au , à la suite du Kominform [3] certains membres ne s’étaient pas associés à la condamnation de Tito, comme la célèbre résistante Mounette Dutilleul, qui avait par ailleurs été témoin à l'été 1940 des démarches pour la reparution de l’Humanité, ou pour la réoccupation des mairies en région parisienne par le Parti communiste français[5]. Ils ne sont pas réélus en , lors du XIIe congrès du Parti communiste français qui voit l'éviction d'autres suspects de "Titisme"[5], comme le grand résistant du Limousin Jean Chaintron ou du biologiste Marcel Prenant, intellectuel communiste de premier plan[6]. Pourtant, entre-temps, Jean Chaintron s'était amendé en dénonçant, mais trop tard, « la misérable clique de Tito » et en tenant en 1949 le secrétariat du Comité de patronage de l’exposition en l’honneur du 70e anniversaire de Joseph Staline[7]. Cependant, il avait présenté en 1949, un rapport à la commission des affaires étrangères du PCF sur « la situation en Grèce et la politique de Tito »[8], qui fait les louanges de Márkos Vafiádis, l'ancien héros de la Guerre civile grecque éloigné du commandement dès , puis exclu du parti communiste grec en octobre sous accusation de titisme[8]. Lors de ce XIIe congrès du Parti communiste français il est demandé aux délégués "d'intensifier la vigilance révolutionnaire" contre les titistes[9].

La politique de Tito en Yougoslavie

Le principal concept du titisme, dont le slovène Edvard Kardelj fut l'un des principaux théoriciens, consiste en la recherche par chaque pays de la voie du socialisme, en utilisant ses propres ressources et en usant de politiques adaptées à son propre contexte national, plutôt que de se conformer à une politique définie de l'extérieur.

La politique d'autogestion

Le régime titiste a adopté une politique d'« autogestion » économique, généralisée à partir de 1950, en souhaitant mettre l'économie entre les mains des producteurs directs, excluant ainsi la formation d'une classe des bureaucrates comme cela a été le cas dans les autres régimes communistes[10].

Les entreprises sont gérées par des dirigeants théoriquement élus par les travailleurs, bien qu'en pratique la désignation de ceux-ci revienne au Parti. Des éléments d'économie de marché sont progressivement introduits : en 1965, la notion de rentabilité est appliquée de manière générale, avec l'abandon de la planification économique.

Bien que le marxisme-léninisme soit demeuré une matière obligatoire à l'université yougoslave, le pays connaît une réalité très éloignée de celle des pays demeurés au sein du bloc de l'Est.

L'expérience titiste a été notamment appréciée, dans les années 1960, par certains intellectuels de gauche en rupture avec l'Union soviétique[11].

La question des nationalités

Sur le plan politique, le titisme a tenté de maintenir au plan international une position de neutralité, en affirmant au plan intérieur une identité nationale, qui a décidé avec le temps composer avec le problème croissant des nationalismes internes, surtout à partir du printemps croate de 1971.

Chronologie

Notes et références

  1. (Staline, par Jean-Jacques Marie, Fayard, 2001
  2. LA GRANDE " PURGE " DES PARTIS COMMUNISTES dans Le Monde du 17 juillet 1948
  3. "Le conflit entre le Kominform et la rupture entre la Yougoslavie" par Marie-Paule Canapa, dans la Revue d'études comparatives Est-Ouest en 1973
  4. "Le Kominform: Le communisme de guerre froide" par Lilly Marcou en 1977 aux Presses de Sciences Po
  5. Biographie Le Maitron de Mounette Dutilleul
  6. "Des vies en rouge: Militants, cadres et dirigeants du PCF (1944-1981)" par Paul Boulland
  7. Biographie Le Maitron de Jean Chaintron
  8. "Les communistes grecs dans la guerre: histoire du Parti communiste de Grèce de 1941 à 1949", par Christophe Chiclet L'Harmattan, 1987
  9. "Anatomie du Parti communiste français" par Alain Brayance, Paris, Denoël- Les presses d'aujourd'hui, 1952,
  10. Dimitri T. Analis, Les Balkans 1945-1960, Puf, 1978, pp. 192-194
  11. Paul Garde, Vie et mort de la Yougoslavie, Fayard, , 480 p., broché [détail de l’édition] (ISBN 2213605599 et 978-2213605593), p. 93.
  12. "André Marty : l’homme, l’affaire, l’archive" par Paul Boulland, Claude Pennetier, et Rossana Vaccaro, 2012
  13. Article de Marcel Servin, «Contre les espions titistes», l’Humanité, 12 juin 1950

Voir également


  • Portail du communisme
  • Portail de la guerre froide
  • Portail de la Yougoslavie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.