Thomas de Pinedo

Thomas de Pinedo (né en 1614 à Trancoso, mort le à Amsterdam ; appelé « Isaac » en religion), est un érudit juif du XVIIe siècle, réfugié aux Provinces Unies pour fuir les poursuites de l'Inquisition[1]. Il a laissé un commentaire détaillé des Villes d’Étienne de Byzance, qui est une mine d'informations pour la géographie antique.

Biographie

Issu de la lignée portugaise des Pillheiro de Trancoso, il apprit le latin et le grec au collège des jésuites de Madrid[1], qu'il évoque souvent avec éloge et gratitude dans ses écrits. Contrairement à son compatriote Orobio de Castro, il n'attaqua jamais dans ses livres la religion chrétienne, relevant bien plutôt son influence bénéfique sur les sociétés ; ses critiques, il les réservait au tribunal de l'Inquisition : « J’ai honte et me reproche d'avoir pu être utile à de tels chrétiens[2]. » C'est à Amsterdam qu'il paracheva son édition bilingue des Villes d’Étienne de Byzance (Στέφανος περὶ πολέων/ Stephanus de Urbibus, 1678), dédiée au marquis de Mondéjar. Ce prince de la maison de Mendoza, qui fut son protecteur, déplore dans une lettre au poète converso Miguel de Barrios que Pinedo soit mort sans s'être converti au christianisme.

Pinedo, outre son commentaire d’Étienne de Byzance, avait composé sa propre épitaphe :

« Tournez-vous, mortels. Ici repose Thomas de Pinedo, Portugais qui vit le jour au château de Trancoso. Issu par son père de la noble famille des Pinheiro de ce royaume, par sa mère des Fonseca de Madrid, parfaitement instruit des lettres de ses pères il travailla chez les Jésuites. Chassé de sa maison, il gagna ces parages innocent de tout crime mais coupable d'être jalousé. Avant de s'éloigner vers d'autres [cieux] il a fait tailler ce cénotaphe par Étienne pour sa mémoire. Je voulais que vous le sachiez. Allez en paix[3]. »

Postérité

L’œuvre de Pinedo reflète sa connaissance profonde de l'histoire et de l'archéologie du Proche-Orient ancien. Outre Flavius Josèphe, qui est sa référence essentielle, Pinedo cite les « Voyages » (Sefer massa'ot) de Benjamin de Tudèle; David Zemach (p. 482, 584); Salomon ben Isaac, « ...que les Juifs appellent Rachi, illustre glossateur des Saintes Ecritures[4] », le commentaire de Kimchi sur le livre de la Genèse (p. 497), celui d'Ibn-Ezra sur le livre d'Esther (p. 583) ; le Guide des égarés (Moré Névoukhim) de Maïmonide ; Azaria di Rossi (p. 583). Le nom de Jésus est cité en deux endroits : évoquant la ville de Bethléem, il écrit: « Mais cette ville doit surtout sa notoriété comme lieu de naissance de David et de Jésus le Nazaréen[5]. »; un peu plus loin, ayant décrit la Galilée, il ajoute : « Jésus le Nazaréen était si souvent dans ce pays que Julien, par mépris pour la Galilée et ses chrétiens, l'appelle le vagabond (ὁ Παραβάτης). C'est ainsi en effet, comme en atteste la Souda, qu'on surnomma au début les chrétiens qui, sous le règne de l'empereur Claude, avaient renoncé à leurs noms d'origine[6]. »

Notes

  1. Cf. la notice sur Pinedo dans Heinrich Graetz (trad. Wogue et Bloch), Histoire des Juifs [« Geschichte der Juden »], vol. 3e période : La dispeersion / 3ème époque — La décadence (lire en ligne), « IX — Baruch Spinoza et Sabbataï Cevi (1666-1678) »;
  2. Me pudet pigetque prodidisse hoc de gente Christiana : De Urbibus, Discours préliminaire.
  3. Advertite Mortales. Hic jacet Thomas de Pinedo Lusitanus Qui primum Orientem vidit In Lusitanive oppido Trancoso. Ortus Ex nobili illus regni familia Paterna Pinheiro, materna Fonseca Madriti penes patruum educatus Literis apud Jesuitas operam dedit. Domo profugus Nullius criminis ac invidiae reus Has oras appulit. Antequam abiret ad plures In sui memoriam Hoc cenotaphium per Stephanum sibi excitavit. Id volebat vos scire. Valete.
  4. Texte original : ...quem Hebraei per rosetheboth Rasi vocant, celeberrimus in S. S. commentator.
  5. Texte original : Sed multo magis urbem nobilitarunt Davidis et Jesu Nazareni natales.
  6. Texte original : Quia Jesus Nazarenus frequenter in hac regione versabatur, ideo Julianus, ὁ Παραβάτης, eum per contemptum Galilæum et Christianos Galilleos vocabat. Sic enim vocabantur prius Christiani, qui sub imperatore Claudio, relicto Nazaræorum et Galilæorum nomine, Christiani dicti sunt, ut testatur Suidas.

Bibliographie

  • Julius Fürst, Bibliotheca judaica : Bibliographisches Handbuch umfassend die Druckwerke der jüdischen Literatur, vol. 3 et dernier, Leipzig, Wilhelm Engelmann, , p. 102;
  • De Rossi, Dizionario storico degli autori Ebrei, Parma, Reale Stamperia, , p. 264;
  • J. Chr. Wolf, Bibliotheca Hebraica, vol. 1, Hambourg, (réimpr. 2e en 4 vol., 1715–23), p. 397 et vol. 3, p.278;
  • Isaac Da Costa, Israel and the Gentiles : Contributions to the History of the Jews from the Earliest Times to the Present, Londres, J. Nisbet, , p. 433 et suiv.
  • Kayserling, « Zur Geschichte der Juden in Hamburg », Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, 7e année no 11, , p. 191 et suiv.;
  • Meyer Kayserling, Geschichte der Juden in Portugal, Leipzig, O. Leiner, , p. 301.
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